Cour d’appel administrative de Douai, le 4 juin 2025, n°24DA01114

La Cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 4 juin 2025, un arrêt relatif aux délais de prescription des sanctions administratives en matière de pêche maritime. Un capitaine de navire contestait une amende de neuf mille neuf cents euros ainsi que des pénalités en points infligées par l’autorité préfectorale. Les faits de pêche interdite furent constatés par procès-verbal le 14 septembre 2021 suite à l’épuisement du quota national de capture de maquereaux. La décision préfectorale de sanction, bien que datée du 1er septembre 2022, ne fut notifiée à l’intéressé que le 16 décembre 2022. Le tribunal administratif de Rouen ayant rejeté sa demande initiale le 5 avril 2024, le requérant a interjeté appel devant la juridiction supérieure. La cour devait déterminer si le respect du délai d’un an prévu par la loi impose la notification effective de la sanction avant son expiration. Les juges considèrent que la décision doit être à la fois prononcée et régulièrement notifiée dans ce délai imparti pour être légalement valide. L’analyse de cette exigence de notification permet d’éclairer la portée protectrice d’une telle garantie procédurale dont la méconnaissance entraîne l’annulation automatique de la sanction.

I. L’exigence de notification dans le délai de prescription annuel

A. La computation du délai de l’article L. 946-6 du code rural et de la pêche maritime

La cour rappelle d’abord les dispositions législatives encadrant le pouvoir de sanction de l’administration dans le domaine très spécifique des activités de pêche maritime. L’article L. 946-6 prévoit que « la décision de l’autorité administrative ne peut être prise plus d’un an à compter de la constatation des faits ». Cette règle instaure un délai de prescription dont le point de départ est fixé sans aucune ambiguïté au jour de l’établissement du procès-verbal d’infraction. Le délai expirait en l’espèce le 14 septembre 2022 puisque la constatation des faits reprochés remontait exactement au même jour de l’année précédente. L’administration ne peut plus légalement agir contre le professionnel après l’écoulement de cette période de douze mois. Ce cadre temporel impose également que la formalité de notification soit accomplie avant l’extinction du pouvoir de sanction de l’autorité préfectorale compétente.

B. L’inclusion de la notification comme formalité substantielle de la décision

Les magistrats apportent une précision fondamentale concernant l’interprétation juridique de la notion de prise de décision mentionnée expressément par le code rural. Ils affirment que la décision « doit non seulement être prononcée dans ce délai mais aussi être régulièrement notifiée à l’intéressé avant son expiration ». La signature de l’acte avant l’échéance ne suffit donc pas à interrompre la prescription si le professionnel n’en a pas reçu notification officielle. La notification tardive intervenue en décembre 2022 rend l’acte illégal alors même que la date formellement portée sur le document était bien antérieure. Cette rigueur dans le respect des délais s’explique par la nature de garantie fondamentale reconnue au profit des professionnels du secteur maritime.

II. La portée protectrice d’une garantie procédurale stricte

A. La consécration d’une garantie au bénéfice du professionnel mis en cause

La décision souligne que « le délai d’un an prévu par ces dispositions constitue une garantie pour le professionnel mis en cause » par l’administration. Le respect de ce calendrier strict protège les administrés contre une insécurité juridique qui serait prolongée face à l’exercice de la puissance publique. Cette qualification de garantie confère au délai un caractère substantiel dont la méconnaissance entache irrémédiablement la légalité interne de la sanction administrative. Le juge administratif veille par ce biais à l’équilibre entre la répression des infractions maritimes et la protection nécessaire des droits individuels fondamentaux. La violation de cette règle conduit inévitablement à l’éviction de la décision litigieuse sans qu’il soit besoin de statuer sur le fond.

B. L’annulation automatique pour méconnaissance du délai de forclusion

L’arrêt tire les conséquences directes du dépassement du délai légal en prononçant l’annulation de la sanction sans examiner les autres moyens de la requête. La cour infirme le jugement de première instance car la décision n’avait pas été « prise dans le délai d’un an suivant la constatation des faits ». L’illégalité constatée présente un caractère absolu et dispense le juge d’analyser le bien-fondé de l’infraction reprochée ou le quantum de l’amende infligée. Cette jurisprudence renforce l’efficacité des délais de forclusion en les rendant pleinement opposables aux autorités préfectorales dès la phase de notification obligatoire. Elle incite enfin les services de l’État à une plus grande diligence procédurale dans le traitement administratif des dossiers de police des pêches.

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Hassan KOHEN
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