La cour administrative d’appel de Douai s’est prononcée, le 4 juin 2025, sur la légalité d’une obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retour. Un ressortissant étranger, présent sur le sol national depuis son enfance, contestait une mesure d’éloignement prise à la suite de condamnations pénales d’une particulière gravité.
L’intéressé a fait l’objet d’un arrêté le 17 juin 2024, après un refus de titre de séjour justifié par sa menace pour l’ordre public. Le tribunal administratif de Amiens ayant rejeté sa demande d’annulation le 28 juin 2024, le requérant a interjeté appel devant la juridiction de second degré.
La juridiction devait déterminer si la gravité des faits criminels justifiait l’éloignement malgré l’ancienneté du séjour et si une substitution de base légale était opérante. Les juges d’appel rejettent la requête en validant le changement de fondement juridique et en écartant toute atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.
L’analyse de cette décision conduit à examiner d’abord la substitution de base légale liée à l’ordre public, avant d’étudier le contrôle de proportionnalité exercé par le juge.
I. La validation d’un éloignement fondé sur l’exigence d’ordre public
A. La régularité du mécanisme de substitution de base légale
La cour administrative d’appel de Douai valide le procédé de substitution de base légale opéré d’office après avoir informé les parties durant l’instruction. La décision initiale visait indûment l’entrée irrégulière alors que la situation de l’intéressé relevait en réalité de la menace pour l’ordre public.
Les juges considèrent que cette substitution « ne prive pas l’intéressé d’une garantie » et que l’administration aurait pris la même décision en vertu de son pouvoir. Cette substitution permet de fonder légalement la mesure sur le comportement de l’étranger sans entacher l’acte administratif d’une quelconque nullité procédurale.
B. La matérialité d’une menace réelle pour la sécurité publique
La menace pour l’ordre public est établie par l’existence de plusieurs condamnations pénales pour des faits d’une extrême gravité incluant des viols et séquestrations. Le requérant a notamment subi une peine de douze ans de réclusion criminelle prononcée par une cour d’assises pour des crimes commis en concours.
Cette accumulation de comportements délictueux et criminels caractérise sans ambiguïté une menace actuelle justifiant pleinement le recours aux dispositions du code de l’entrée et du séjour. La reconnaissance de la menace pour l’ordre public permet au juge de confronter la mesure d’éloignement aux droits fondamentaux garantis par les conventions internationales.
II. Un contrôle de proportionnalité rigoureux des mesures de police
A. La primauté de l’ordre public sur le droit à la vie privée
Le juge administratif procède à un bilan complet entre la protection de la vie privée et les nécessités de la défense de l’ordre public. Bien que l’intéressé réside en France depuis son jeune âge et dispose d’attaches familiales fortes, la gravité des crimes commis prime sur ces considérations.
L’arrêt souligne que la mesure ne porte pas une « atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise » malgré l’ancienneté du séjour. La protection de la société et la prévention des infractions pénales justifient ici l’ingérence de l’autorité publique dans l’exercice du droit à la vie privée.
B. La validité de la durée de l’interdiction de retour sur le territoire
L’interdiction de retour pour une durée de trois ans est jugée légale au regard de la menace persistante que représente la présence du requérant. L’autorité administrative a correctement tenu compte de la nature des liens avec la France et de l’ancienneté de la présence sur le territoire national.
La cour confirme que les objectifs de la directive européenne relative au retour n’ont pas été méconnus lors de l’édiction de cette mesure de police. L’absence de circonstances humanitaires particulières interdit toute remise en cause du délai fixé par l’administration pour l’éloignement définitif du ressortissant condamné.