Cour d’appel administrative de Douai, le 5 juin 2025, n°24DA00757

La cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 5 juin 2025, une décision relative à la légalité d’une obligation de quitter le territoire français. Un ressortissant étranger, rescapé d’un naufrage en mer, a fait l’objet d’une mesure d’éloignement immédiate assortie d’une interdiction de retour. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Lille a annulé ces décisions en mars 2024 au motif d’une méconnaissance du droit d’asile. L’autorité administrative a alors interjeté appel de ce jugement devant la juridiction supérieure afin d’obtenir le rétablissement des arrêtés initiaux. La question posée aux juges consistait à savoir si les déclarations initiales du requérant imposaient la remise d’une attestation de demande d’asile. La cour infirme la position des premiers juges en estimant que l’étranger n’avait pas manifesté de volonté claire de solliciter une protection. Cette approche conduit à valider l’absence de volonté manifeste de solliciter l’asile tout en confirmant la régularité des mesures d’éloignement vers le pays d’origine.

I. L’absence d’une volonté manifeste de solliciter la protection internationale

A. La primauté des déclarations recueillies lors de l’audition policière

La cour se fonde sur le procès-verbal d’audition pour écarter l’existence d’une demande d’asile implicite au moment de l’interpellation. Lors de son entretien, l’intéressé a affirmé vouloir rejoindre un autre État européen par tous les moyens possibles. Il a précisé avoir quitté son pays d’origine uniquement pour échapper aux obligations militaires nationales jugées trop contraignantes. La juridiction relève qu’il « n’a pas fait état de menaces directes et personnelles sur sa vie » en cas de retour forcé. Ces propos ne permettent pas de caractériser une démarche volontaire tendant à l’obtention immédiate du statut de réfugié politique. L’administration ne commet donc pas d’erreur d’appréciation en ne traitant pas l’individu comme un demandeur d’asile dès son arrestation.

B. L’inexistence d’un droit automatique au maintien sur le territoire

Le droit de se maintenir en France suppose l’enregistrement préalable d’une demande auprès des autorités compétentes désignées par la loi. En l’espèce, le requérant n’a déposé aucune requête en ce sens avant ou après son placement effectif en rétention administrative. La cour souligne que l’intéressé « n’a pas manifesté sa volonté de le faire » malgré les opportunités procédurales offertes durant l’instance. Par conséquent, l’absence de remise de l’attestation provisoire prévue par le code de l’entrée et du séjour est jugée régulière. La protection temporaire liée à l’asile ne saurait s’appliquer à un étranger n’ayant pas exprimé son intention de solliciter une protection. Le rejet du motif d’annulation retenu en première instance impose alors d’examiner le bien-fondé des risques allégués pour le retour forcé.

II. La validation de la mesure d’éloignement face à des allégations générales de risques

A. L’appréciation restreinte des craintes en cas de retour au pays d’origine

Le requérant invoque les dangers qu’il estime encourir en cas de renvoi forcé vers son État de nationalité situé en Afrique. Il soutient avec insistance que son insoumission au service militaire l’expose directement à des traitements inhumains ou dégradants dans son pays. Les juges d’appel considèrent pourtant que ses « allégations sont toutefois trop générales et insuffisamment circonstanciées » pour emporter leur pleine conviction. Le juge administratif exige en effet des éléments précis pour établir une violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La simple évocation d’une situation politique générale difficile ne suffit pas à paralyser l’exécution d’une mesure d’éloignement vers l’étranger. La décision fixant le pays de destination demeure valide en l’absence de preuves tangibles de menaces personnelles réelles et actuelles.

B. La régularité formelle et matérielle des décisions accessoires à l’éloignement

L’ensemble des décisions préfectorales, incluant le refus de délai de départ volontaire, répond aux exigences légales de motivation en fait. L’autorité administrative a pris en compte la situation irrégulière ainsi que l’absence de liens familiaux stables sur le territoire français. La cour rejette également le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte grâce à l’existence d’une délégation de signature régulière. L’interdiction de retour pour une durée de trois ans est maintenue car elle ne procède d’aucune erreur manifeste d’appréciation des faits. Le juge d’appel valide ainsi la stratégie de fermeté de l’administration face à un étranger en transit vers une autre destination. L’arrêt confirme que la demande présentée en première instance par le requérant doit être rejetée en toutes ses conclusions finales.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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