Cour d’appel administrative de Douai, le 5 juin 2025, n°24DA01231

La cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 5 juin 2025, un arrêt concernant la contestation de rappels d’impôt sur le revenu. Un vendeur ambulant de matériel de literie refusait la reconstitution de son bénéfice opérée par l’administration fiscale suite à une absence de comptabilité. Le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande initiale tendant à la décharge des impositions supplémentaires par un jugement du 11 juin 2021. Après un premier arrêt d’appel, le Conseil d’État a partiellement annulé la décision et renvoyé le litige devant la cour administrative d’appel de Douai. La question posée au juge porte sur la validité d’une méthode de reconstitution des bases d’imposition s’appuyant sur des constatations de la juridiction pénale. La cour considère que le contribuable ne rapporte pas la preuve de l’exagération des impositions établies selon une méthode forfaitaire de calcul des charges. L’étude de cette solution permet d’analyser la légitimité de la reconstitution des recettes (I) ainsi que l’autorité des constatations pénales (II).

I. La légitimité d’une reconstitution de recettes fondée sur l’absence de comptabilité

A. Le transfert de la charge de la preuve au contribuable défaillant

L’article L. 192 du livre des procédures fiscales prévoit que la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité est totalement absente. « Il lui incombe de rapporter la preuve du caractère exagéré des impositions découlant de la reconstitution effectuée par l’administration » précise souverainement la juridiction de Douai. Le requérant ne peut se contenter d’allégations imprécises pour contester les montants issus des crédits bancaires majorés des paiements effectués directement en espèces. La présomption d’exactitude attachée à l’avis de la commission départementale des impôts directs renforce cette exigence probatoire pesant sur l’exploitant de l’activité. Cette défaillance probatoire du requérant justifie alors le recours à une évaluation forfaitaire des charges d’exploitation par les services de l’État.

B. L’admission d’une évaluation forfaitaire des charges d’exploitation

Le vérificateur a estimé les charges à 15 % du montant des recettes annuelles en raison de l’absence totale de pièces justificatives produites par l’intéressé. La cour juge que cette méthode n’est pas « radicalement viciée dans son principe » et ne présente pas un caractère « excessivement sommaire » au regard de l’espèce. Le contribuable n’apporte aucun élément probant permettant d’écarter ce taux forfaitaire ou de justifier des frais d’achats supérieurs à ceux retenus par le service. Le juge valide ainsi une approche pragmatique nécessaire dès lors que le contribuable s’abstient volontairement de tenir une comptabilité régulière et sincère. Toutefois, la validation de cette méthode comptable s’appuie également sur la force probante des éléments recueillis lors de l’instruction pénale parallèle.

II. L’autorité des constatations pénales sur la détermination des bénéfices imposables

A. L’opposabilité des déclarations de chiffre d’affaires faites devant le juge répressif

Le juge administratif s’appuie sur les motifs de l’arrêt du 20 juin 2021 de la cour d’appel d’Amiens ayant condamné l’intéressé pour travail dissimulé. « Ces constatations de fait, qui sont le support nécessaire de la condamnation prononcée, ont l’autorité de la chose jugée au pénal et s’imposent au juge. » L’aveu circonstancié du contribuable devant les autorités judiciaires concernant son chiffre d’affaires mensuel moyen constitue une preuve irréfutable de la réalité de ses revenus. Cette reconnaissance permet de confronter les résultats de la reconstitution fiscale aux déclarations spontanées de l’exploitant pour en vérifier la cohérence et la modération. L’établissement matériel des revenus occultes par le juge répressif facilite ainsi la démonstration de l’intention du contribuable d’éluder l’impôt.

B. La caractérisation du manquement délibéré par l’importance des minorations

L’administration fiscale justifie l’application d’une majoration de 40 % en invoquant la volonté manifeste du contribuable d’éluder le paiement de ses impôts légalement dus. La cour relève « l’importance des minorations constatées sur les cinq années vérifiées » pour confirmer le bien-fondé de cette sanction proportionnée à la gravité des faits. L’exercice personnel des ventes empêchait l’intéressé d’ignorer la distorsion majeure entre les revenus réellement encaissés et ceux portés sur ses déclarations fiscales annuelles. La dénégation systématique des faits devant le juge de l’impôt ne saurait prospérer face à la preuve évidente d’une intention frauduleuse persistante et organisée.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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