Par un arrêt rendu le 5 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Douai définit les obligations financières d’une collectivité à l’égard de ses anciens élus. Un ancien conseiller régional ayant siégé durant quatre mandats successifs sollicite le financement de sa rente viagère acquise avant le 30 mars 1992. L’organisme associatif initialement chargé de la gestion de ce régime complémentaire ne disposait plus des fonds nécessaires pour honorer ses engagements contractuels. Le président de la collectivité rejette la demande tendant au versement d’une subvention d’équilibre destinée à couvrir la charge de cette prestation de retraite. Le tribunal administratif de Lille annule cette décision le 9 mai 2023 et enjoint à la collectivité de procéder au versement des sommes requises. La collectivité interjette appel en contestant la régularité du jugement, l’intérêt à agir du requérant ainsi que le bien-fondé de l’obligation de financement. Les juges d’appel doivent déterminer si une région est tenue de verser une subvention pour garantir les droits à pension acquis avant le régime légal. La juridiction rejette la requête en confirmant le caractère impératif de la prise en charge financière par la collectivité pour les droits constitués avant 1992.
I. L’affirmation du caractère obligatoire de la subvention d’équilibre
A. Le fondement législatif de l’obligation de financement
La solution repose sur l’application de l’article L. 4135-25 du code général des collectivités territoriales relatif aux pensions de retraite des élus régionaux. Le juge souligne que ce texte impose le maintien des droits acquis auprès d’organismes locaux à caractère associatif mis en place avant l’année 1992. Ces dispositions « assurent à chaque élu régional le versement de la retraite acquise à cette date auprès de l’organisme gestionnaire de cet avantage ». La collectivité doit obligatoirement couvrir la charge de cet avantage si l’organisme de gestion ne peut plus assumer seul le versement des rentes. Le raisonnement écarte toute condition tenant à la vérification préalable des cotisations personnelles versées par l’élu pour bénéficier de cet avantage spécifique. Cette interprétation garantit une protection financière absolue pour les périodes d’exercice antérieures à la création du régime légal de retraite des élus locaux.
B. L’exclusion de la qualification juridique de libéralité
L’appelante soutenait que le versement d’une telle somme à un organisme tiers constituerait une libéralité prohibée par les principes de la comptabilité publique. La Cour administrative d’appel de Douai rejette cet argument en invoquant la nature impérative des charges pesant sur le budget de la collectivité. La décision précise que la subvention d’équilibre prévue par la loi « ne présente pas le caractère d’une libéralité » en raison de son origine législative. Le juge administratif considère que le financement intégral des charges correspondant à la pension de retraite constitue une dépense légalement obligatoire pour l’institution. Cette qualification juridique empêche la collectivité de se prévaloir de l’absence de mention explicite de cette subvention dans l’énumération des dépenses obligatoires ordinaires. L’obligation de financement découle directement de la volonté du législateur de sécuriser les situations juridiques constituées sous l’empire des anciens régimes.
II. La protection effective des droits acquis par les anciens élus
A. La reconnaissance de l’intérêt à agir du bénéficiaire des prestations
La collectivité contestait la recevabilité de la demande au motif que l’élu était un tiers au contrat conclu entre l’association et l’organisme assureur. Le juge administratif écarte cette fin de non-recevoir en soulignant le lien direct entre le financement de la structure et la perception effective de la rente. Bien que l’élu ne soit pas partie au contrat de prévoyance, l’absence de fonds dans l’association gestionnaire faisait obstacle à la liquidation de ses droits. Le requérant possédait donc un « intérêt à demander à la région de verser les crédits nécessaires » afin de permettre à l’association d’honorer ses engagements. Cette approche pragmatique de l’intérêt à agir privilégie la protection du bénéficiaire final sur la rigueur formaliste des relations contractuelles entre organismes. La décision confirme ainsi que l’élu peut directement contraindre la collectivité à financer l’organisme intermédiaire pour garantir le service de sa propre prestation.
B. L’opposabilité de la créance sociale à la collectivité régionale
La juridiction confirme que les droits à pension constituent des créances protégées qui doivent être honorées par les collectivités venant aux droits des anciennes structures. Le transfert de compétences entre les régions n’affecte pas la pérennité des obligations sociales contractées envers les élus au titre de leurs mandats passés. La Cour juge que la nouvelle collectivité « est en conséquence tenue de verser la subvention d’équilibre » pour couvrir intégralement les charges du premier mandat. Cette obligation de couverture intégrale ne subit aucun plafonnement réglementaire dès lors qu’il s’agit d’équilibrer un avantage retraite mis en place avant 1992. Le juge rejette également l’argumentation relative à la tardiveté de la demande faute pour la collectivité de prouver l’existence d’une décision antérieure définitive. La solution renforce la sécurité juridique des anciens élus en faisant peser sur la collectivité publique le risque d’insolvabilité des structures de gestion associatives.