La Cour administrative d’appel de Douai a rendu une décision le 5 mars 2025 concernant la responsabilité d’un établissement public de santé lors d’une chirurgie réparatrice. Une patiente a subi une cure d’éventration en mars 2015 après une troisième césarienne réalisée au cours de l’année précédente dans le même hôpital. Cette intervention chirurgicale a provoqué des douleurs abdominales persistantes ainsi qu’une infection grave nécessitant le retrait définitif de la prothèse initialement posée par le chirurgien. Le tribunal administratif d’Amiens a condamné l’établissement hospitalier par un jugement du 15 juin 2023 à verser une indemnité modeste en réparation des préjudices subis. La victime a interjeté appel de cette décision pour obtenir une revalorisation substantielle de ses indemnités en invoquant une aggravation récente de son état de santé. Les magistrats devaient déterminer si les fautes techniques et le défaut d’information préalable justifiaient une réparation intégrale ou une indemnisation au titre de la perte de chance. La juridiction d’appel confirme l’existence de fautes médicales tout en limitant l’indemnisation corporelle à la perte d’une chance d’éviter les complications rencontrées par l’intéressée. Cette décision invite à analyser la caractérisation d’une responsabilité hospitalière pluridimensionnelle (I) puis l’indemnisation strictement encadrée par le mécanisme de la perte de chance (II).
I. La caractérisation d’une responsabilité hospitalière pluridimensionnelle
A. La reconnaissance de fautes techniques et de diagnostic
La juridiction administrative relève que « la technique opératoire employée lors de l’intervention (…) n’était pas adaptée » aux règles de l’art régissant alors la pratique chirurgicale spécialisée. L’établissement a également commis une faute dans le suivi car « la complication présentée (…) a été diagnostiquée et prise en charge avec retard » par les équipes médicales compétentes. Ces manquements fautifs engagent directement la responsabilité du service public hospitalier sans que l’administration ne puisse sérieusement contester la matérialité de ces erreurs médicales durant l’instance.
Le juge administratif complète cette analyse en sanctionnant l’absence de recueil du consentement éclairé de la patiente avant la réalisation de l’acte opératoire litigieux.
B. La sanction autonome du manquement à l’obligation d’information
La Cour rappelle que l’établissement doit apporter la preuve qu’une information complète a été délivrée au patient durant un entretien individuel préalable à toute intervention. Les magistrats rejettent l’argumentation hospitalière en soulignant que « le consentement a été recueilli sans aucun formalisme particulier et aucune documentation ne lui a été remise » avant l’opération. Le défaut de preuve concernant le contenu des échanges oraux entre le chirurgien et sa patiente empêche de considérer l’obligation d’information comme ayant été régulièrement remplie. Cette omission fautive ouvre un droit à réparation dès lors que les risques inhérents à l’acte chirurgical se réalisent effectivement pour le patient mal informé.
La constatation de ces fautes multiples conduit la juridiction à évaluer le préjudice subi sous le prisme restrictif de la perte d’une chance de guérison.
II. Une indemnisation strictement encadrée par la perte de chance
A. L’application du taux de perte de chance aux préjudices corporels
Le juge administratif estime que les fautes commises ont seulement « fait perdre à celle-ci une chance d’éviter les complications rencontrées et les séquelles conservées » par la suite. La Cour confirme le taux de quinze pour cent retenu par les premiers juges en tenant compte des risques habituels inhérents à une telle chirurgie réparatrice. Elle refuse d’indemniser la perte de chance de refuser l’intervention car le traitement chirurgical constituait alors la seule solution indiquée pour soigner cette pathologie volumineuse. La patiente aurait consenti à l’acte même si elle avait été informée car « il n’existait pas d’autres alternatives pour obtenir une réparation pérenne » de son état de santé.
L’absence de chance de se soustraire à l’opération n’exclut pas pour autant l’indemnisation d’un préjudice moral spécifique résultant directement du défaut d’information préalable.
B. L’indemnisation intégrale du préjudice moral d’impréparation
La Cour administrative d’appel de Douai consacre le droit à la réparation des troubles subis par le patient faute de pouvoir se préparer à d’éventuelles complications chirurgicales. Elle affirme que « la souffrance morale (…) endurée lorsqu’il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l’intervention doit, quant à elle, être présumée » par le juge. Ce préjudice d’impréparation est intégralement indemnisé par le versement d’une somme de mille euros car il ne dépend pas de la probabilité de réalisation du risque médical. Cette solution assure un équilibre entre la rigueur de la théorie de la perte de chance et la protection effective des droits fondamentaux des usagers du système hospitalier.