Cour d’appel administrative de Douai, le 5 mars 2025, n°24DA00269

La Cour administrative d’appel de Douai a rendu, le 5 mars 2025, une décision relative aux conditions de maintien en activité des agents de la fonction publique hospitalière. Une aide-soignante titulaire, née en 1958, a bénéficié de plusieurs prolongations d’activité au-delà de sa limite d’âge statutaire pour une durée totale de dix trimestres. Le 22 octobre 2021, l’agente a sollicité un nouveau maintien en fonctions que le directeur de l’établissement hospitalier a refusé par une décision du 8 novembre 2021. Le tribunal administratif d’Amiens a rejeté, le 22 décembre 2023, sa demande tendant à l’annulation de cet acte et à l’indemnisation des préjudices invoqués. L’agente a alors interjeté appel en soutenant notamment que son employeur avait commis une erreur d’appréciation et un détournement de pouvoir à caractère syndical. Le litige porte sur l’articulation entre les différents régimes de prolongation d’activité et l’opposabilité des délais de présentation des demandes à l’administration hospitalière. La juridiction d’appel rejette la requête au motif que la demande de l’agente était tardive au regard des dispositions réglementaires applicables.

**I. L’identification rigoureuse du cadre juridique des limites d’âge**

**A. La fixation de la limite d’âge pour les agents de catégorie active**

Le juge administratif précise d’abord que le statut particulier des aides-soignants ne comporte aucune disposition spécifique relative à l’âge limite de départ à la retraite. Il convient donc de se référer au classement de l’emploi en catégorie active pour déterminer la borne d’âge applicable à l’agent concerné. La Cour rappelle que « la limite d’âge applicable à l’agente est celle que ne peuvent pas dépasser les agents occupant les emplois classés dans la même catégorie ». En l’espèce, le grade d’aide-soignante appartient à la catégorie B active, ce qui entraînait initialement une limite d’âge fixée à soixante ans.

La loi du 9 novembre 2010 a toutefois instauré un relèvement progressif de ces bornes d’âge pour l’ensemble des fonctionnaires relevant des catégories sédentaires et actives. Pour les agents nés en 1958, la limite d’âge est ainsi portée à soixante-et-un ans et deux mois en vertu des dispositions législatives et réglementaires transitoires. L’arrêt souligne que « la limite d’âge applicable à l’agente, née le 26 mai 1958, est de 61 ans et deux mois en vertu de l’article 31 de la loi du 9 novembre 2010 ». Cette base légale constitue le point de départ nécessaire pour apprécier la validité des prolongations d’activité accordées ultérieurement.

**B. La distinction entre les fondements du maintien en activité**

Le droit de la fonction publique prévoit deux dispositifs distincts permettant de prolonger le service d’un agent ayant atteint sa limite d’âge statutaire. Le premier mécanisme, fondé sur l’article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984, concerne les fonctionnaires dont la carrière est incomplète pour la pension. Ce maintien en activité est limité à dix trimestres et reste soumis à l’intérêt du service ainsi qu’à l’aptitude physique du demandeur. L’agente avait déjà épuisé ses droits à ce titre, ayant bénéficié d’une prolongation de deux ans et demi entre 2019 et 2022.

Le second dispositif, prévu à l’article 1-3 de la même loi, permet un maintien en activité jusqu’à la limite d’âge des agents de la catégorie sédentaire. La Cour administrative d’appel de Douai considère que la nouvelle demande de l’intéressée « devait nécessairement être regardée comme fondée sur les dispositions de l’article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 ». Ce passage d’un régime juridique à l’autre emporte des conséquences majeures quant aux conditions de forme imposées pour la validité de la demande. L’administration se trouve alors tenue de vérifier si les exigences procédurales propres à ce fondement spécifique ont été scrupuleusement respectées par l’agent.

**II. L’application stricte des conditions de forme de la demande**

**A. L’opposabilité du délai de prévenance de six mois**

Le décret du 30 décembre 2009 encadre strictement la procédure de demande de prolongation d’activité en imposant un délai de prévenance à la charge du fonctionnaire. La Cour souligne que « la demande de prolongation d’activité est présentée par le fonctionnaire à l’employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d’âge ». Ce délai revêt un caractère impératif afin de permettre à l’administration d’organiser le service et de pourvoir éventuellement au remplacement de l’agent. En l’espèce, l’agente a formulé sa requête le 22 octobre 2021 pour une échéance fixée au 26 janvier 2022.

Le non-respect de ce calendrier place l’autorité administrative en situation de compétence liée pour rejeter la demande, sans qu’elle ait à apprécier l’intérêt du service. Les juges d’appel confirment que la demande présentait un caractère tardif, rendant inopérants les autres moyens soulevés contre la décision de radiation des cadres. Il importe peu que l’agente ait déjà bénéficié de prolongations antérieures, dès lors que le nouveau régime sollicité impose le respect de ses propres délais. La rigueur du juge administratif garantit ici la sécurité juridique des décisions individuelles prises par les directeurs d’établissements hospitaliers en matière de gestion des carrières.

**B. L’absence d’obligation d’information préalable à la charge de l’employeur**

L’agente soutenait que l’administration aurait dû l’informer des délais applicables et des modifications du cadre juridique avant de rejeter sa demande de maintien en fonctions. La juridiction rejette fermement cette argumentation en précisant qu’aucun texte ni aucun principe général n’impose à l’employeur public une telle obligation d’information individuelle. Le délai de six mois reste donc opposable à l’agent même si ce dernier n’a reçu aucun avertissement préalable de la part de sa direction. L’arrêt affirme qu’il « ne ressort d’aucun texte ni d’aucun principe applicable que l’opposabilité de ce délai soit conditionnée à la délivrance par l’employeur d’une information préalable ».

Cette solution jurisprudentielle consacre une application stricte de la règle de droit au détriment de l’équité ou de la situation financière personnelle de l’agente radiée. Le juge administratif écarte également le grief relatif à la discrimination syndicale, faute pour l’agente de démontrer que le refus de prolongation procèderait d’une intention malveillante. En l’absence d’illégalité fautive de la décision contestée, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices moraux et financiers sont nécessairement rejetées. L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Douai confirme ainsi la prééminence des règles procédurales dans la gestion du personnel hospitalier.

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Hassan KOHEN
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