La Cour administrative d’appel de Lyon, dans son arrêt du 10 avril 2025, statue sur les conditions de maintien des avantages financiers acquis par les agents territoriaux. Une assistante familiale, recrutée en 2007 par une collectivité départementale, sollicitait le versement d’une prime annuelle instituée initialement par une délibération de 1985. Après le rejet de sa demande indemnitaire par le tribunal administratif de Grenoble le 6 février 2024, l’intéressée a interjeté appel devant la juridiction lyonnaise. Elle demandait l’annulation de la décision de refus ainsi que la condamnation de son employeur au paiement d’une somme globale au titre des années concernées. La requérante soutenait que cette gratification constituait un avantage collectivement acquis dont le versement ne pouvait être légalement interrompu par l’administration.
Le litige repose sur l’interprétation de la condition d’antériorité fixée par la loi du 26 janvier 1984 pour la pérennité des compléments de rémunération. La juridiction d’appel devait déterminer si une prime mentionnée en 1985 pouvait bénéficier du régime dérogatoire protégeant les avantages acquis avant l’entrée en vigueur statutaire. La Cour confirme le jugement de première instance en écartant le droit au versement faute de preuve d’une existence antérieure au 28 janvier 1984. Elle analyse d’abord la stricte application des critères temporels de la loi avant d’écarter les arguments relatifs au respect du principe d’égalité de traitement.
**I. La rigueur de la condition d’antériorité des avantages collectivement acquis**
**A. L’incertitude sur l’origine historique de la prime litigieuse**
L’article L. 714-11 du code général de la fonction publique autorise le maintien des avantages collectivement acquis mis en place avant le 28 janvier 1984. Dans cette espèce, la délibération fondant la demande datait du 28 janvier 1985, soit une année après la date butoir fixée par le législateur. La Cour précise que cette délibération, bien que mentionnant une gratification, ne permet pas de démontrer l’existence certaine d’un droit né avant la loi. Les juges soulignent « l’impossibilité de déterminer la date à laquelle cet avantage collectif a été ouvert pour les agents du département » concerné par le litige. La simple référence à une rémunération servie antérieurement par une association ne suffit pas à caractériser un avantage légalement maintenu au budget de la collectivité.
**B. L’impossibilité de pérenniser un avantage financier postérieur à la loi**
La requérante invoquait également des délibérations postérieures ayant revalorisé le montant de cette prime pour justifier le bien-fondé de sa créance à l’égard de l’employeur. Toutefois, le juge administratif considère que l’évolution du montant d’une prime après 1984 interdit de lui conférer le caractère d’un avantage collectivement acquis. L’arrêt écarte le moyen tiré de l’erreur de droit en rappelant que seules les indemnités existant avant la promulgation de la loi constituent des droits. Par conséquent, la prime litigieuse « ne constitue pas un avantage collectivement acquis au sens de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 ». Le défaut de base légale de l’indemnité conduit la juridiction à examiner les moyens subsidiaires invoqués par l’appelante pour obtenir le versement de la somme.
**II. L’inefficience des moyens tirés de l’équité et de l’égalité**
**A. L’inopérance du principe d’égalité face à un avantage dépourvu de base légale**
L’appelante dénonçait une discrimination car elle était la seule catégorie d’agents à ne pas percevoir cette prime annuelle au sein de la collectivité départementale. La Cour administrative d’appel de Lyon rejette fermement cette argumentation en rappelant une règle fondamentale du droit public relative à l’invocation du principe d’égalité. Le juge affirme que « le moyen tiré de la rupture du principe d’égalité de traitement […] doit être écarté dès lors qu’un tel principe ne peut justifier l’octroi d’un avantage indu ». Il en résulte qu’un agent ne peut utilement se prévaloir de l’illégalité dont bénéficient ses collègues pour revendiquer lui-même l’application d’une mesure irrégulière.
**B. La portée de la décision sur la protection du cadre statutaire territorial**
Cette décision illustre la volonté du juge administratif de contrôler strictement la masse salariale des collectivités locales face aux revendications indemnitaires de leurs agents. En refusant d’étendre un avantage dépourvu de base légale, la juridiction préserve l’équilibre budgétaire et le respect scrupuleux du cadre statutaire de la fonction publique. La solution retenue confirme une jurisprudence constante qui privilégie la légalité formelle des actes administratifs sur les considérations d’équité ou de simple pratique locale. La requête est donc rejetée, marquant ainsi la fin de la procédure contentieuse engagée par l’assistante familiale contre son employeur pour les années civiles concernées.