La Cour administrative d’appel de Lyon a rendu le 10 septembre 2025 une décision portant sur la reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie.
Une responsable d’une structure d’accueil de loisirs a été placée en congé de maladie ordinaire peu après son recrutement dans la fonction publique territoriale. L’agent a sollicité en août 2020 la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un syndrome d’épuisement professionnel et d’un état dépressif sévère. Le président de l’établissement public a rejeté cette demande initiale ainsi que le recours gracieux formé ultérieurement par l’intéressée en novembre 2021. Le tribunal administratif de Lyon a ensuite rejeté les conclusions tendant à l’annulation de ces décisions par un jugement du 24 juillet 2023. La requérante soutient devant la juridiction d’appel que sa pathologie résulte directement de ses conditions de travail et demande une expertise médicale contradictoire. La collectivité défenderesse conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les difficultés rencontrées relèvent de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. Le juge doit déterminer si une pathologie psychique présente un lien direct avec le service malgré des difficultés d’adaptation reconnues de l’agent concerné. La Cour rejette la requête en considérant que la maladie ne découle pas directement de l’exercice des fonctions au sein de la structure publique. L’examen de la rigueur du lien direct précédera l’analyse du rejet fondé sur l’inadaptation personnelle de l’agent dans l’exercice de ses fonctions.
I. La rigueur de l’appréciation du lien direct entre la pathologie et le service
A. Le cadre juridique de l’imputabilité des pathologies psychiques
La juridiction rappelle que l’imputabilité suppose une pathologie présentant un « lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail » spécifiques. L’agent doit démontrer que son état de santé résulte de circonstances professionnelles particulières de nature à favoriser le développement de cette maladie mentale. Cette exigence probatoire s’applique strictement aux agents territoriaux en vertu des dispositions combinées de la loi du 26 janvier 1984 et du code général. Le juge administratif vérifie systématiquement si des faits extérieurs au comportement de l’agent justifient une reconnaissance de l’imputabilité au service de sa pathologie.
B. L’absence de dysfonctionnement caractérisé de l’environnement professionnel
L’appelante invoque une surcharge de travail et un environnement pathogène liés au remplacement tardif d’une adjointe au sein de l’établissement public concerné. La Cour relève toutefois qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’encadrement ait confié des tâches excédant les prévisions statutaires. Les demandes formulées par la direction n’ont pas « excédé l’exercice normal du pouvoir hiérarchique » et ne constituent donc pas des faits de harcèlement moral. Malgré l’existence de certains dysfonctionnements organisationnels, le contexte professionnel ne présentait pas un caractère de gravité suffisant pour détacher la pathologie du service. L’absence de fautes de l’administration fait obstacle à la reconnaissance d’un lien de causalité exclusif entre le travail et l’épuisement professionnel constaté.
II. Le rejet de l’imputabilité fondé sur l’inadaptation personnelle de l’agent
A. L’influence prépondérante des difficultés d’adaptation au poste
La décision souligne que la requérante « n’a pas réussi à s’adapter à ses nouvelles fonctions » de responsable malgré son expérience dans l’animation territoriale. Un rapport médical souligne d’ailleurs la « difficulté d’adaptation au stress de l’intéressée », ce qui constitue une circonstance particulière au sens de la jurisprudence. La hiérarchie avait identifié rapidement un positionnement inadapté vis-à-vis des équipes et des difficultés persistantes dans la gestion courante des délais administratifs. L’agent ne conteste pas utilement les reproches formulés dans les notes internes rédigées par son supérieur hiérarchique direct lors de sa prise de poste. L’imputabilité est écartée car la pathologie trouve son origine principale dans une inaptitude personnelle à répondre aux exigences normales de l’emploi occupé.
B. L’exclusion de la responsabilité administrative et de l’expertise médicale
L’absence d’illégalité de la décision de refus d’imputabilité interdit à l’appelante de solliciter une indemnisation pour les préjudices moraux et financiers subis. Le juge rejette également la demande d’expertise médicale contradictoire car les éléments produits au dossier suffisent à éclairer les juges pour trancher le litige. Cette solution confirme une application rigoureuse des critères de reconnaissance des maladies professionnelles psychiques dans le cadre de la fonction publique territoriale. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon s’inscrit ainsi dans une lignée jurisprudentielle protectrice de l’équilibre financier des collectivités publiques. Les conclusions présentées par les deux parties au titre des frais liés au litige sont rejetées par les juges du second degré.