Cour d’appel administrative de Lyon, le 11 juin 2025, n°24LY00585

La Cour administrative d’appel de Lyon, par une décision du 11 juin 2025, s’est prononcée sur la recevabilité d’un recours dirigé contre une mesure de suspension. Un attaché territorial exerçant les fonctions de directeur général des services a fait l’objet d’un arrêté de suspension pour des motifs de service. L’agent se trouvait alors en congé de maladie ordinaire et a finalement quitté définitivement la collectivité par voie de mutation peu de temps après. Le tribunal administratif de Grenoble avait annulé la mesure contestée malgré les arguments de l’administration invoquant l’absence d’objet ou l’irrecevabilité du recours. La question posée aux juges d’appel est de savoir si un agent conserve un intérêt à contester une mesure n’ayant jamais reçu exécution. La juridiction rejette la demande initiale en considérant que l’acte avait disparu de l’ordonnancement juridique avant même l’introduction de l’instance devant les juges. Cette solution repose sur l’identification d’un acte administratif dépourvu d’effets juridiques (I) avant de confirmer l’exigence d’un intérêt à agir actuel et certain (II).

I. L’identification d’un acte administratif dépourvu d’effets juridiques

A. Le report implicite de l’entrée en vigueur de la mesure

L’article L. 221-8 du code des relations entre le public et l’administration dispose qu’une « décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l’objet au moment où elle lui est notifiée ». En l’espèce, l’autorité administrative avait édicté l’acte de suspension alors que le fonctionnaire concerné bénéficiait déjà d’un congé de maladie ordinaire. Les magistrats relèvent que la décision devait entrer en vigueur à la date de fin du repos médical prévue au 31 juillet 2021. L’absence de précision sur le caractère immédiat de l’exécution conduit la Cour à considérer que l’application de la mesure était juridiquement différée. L’applicabilité différée de l’acte est rapidement suivie d’une modification structurelle de la situation administrative de l’agent qui en neutralise définitivement la portée.

B. La disparition de l’acte consécutive à la mutation de l’agent

Le lien de service entre l’agent et la collectivité a été rompu avant le terme initialement fixé pour le début de la suspension. L’intéressé a obtenu une mutation anticipée vers une autre commune, rendant l’acte attaqué totalement inapplicable pour l’avenir au sein de son ancienne administration. La Cour souligne que cette circonstance de fait nouvelle entraîne la perte de tout effet de la décision qui n’est plus susceptible d’exécution. L’acte a disparu de l’ordonnancement juridique puisque la rupture du lien administratif prive la mesure conservatoire de tout fondement et de toute utilité. L’inexistence juridique de la mesure au moment du recours rend nécessaire une analyse rigoureuse de la qualité de la contestation portée devant le juge.

II. L’exigence d’un intérêt à agir actuel et certain

A. L’absence de grief caractérisé par l’inexécution de la suspension

L’article L. 531-2 du code général de la fonction publique définit la suspension comme une mesure conservatoire prise dans le souci de préserver le service. Cette décision ne constitue pas une sanction disciplinaire et ne doit donc pas figurer dans le dossier individuel du fonctionnaire territorial concerné. L’absence totale de commencement d’exécution empêche la mesure de produire des effets préjudiciables sur la carrière ou la rémunération de l’agent demandeur. La recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir impose l’existence d’une décision faisant grief lors de l’introduction de l’instance devant le tribunal administratif de Grenoble. Le défaut de grief matériel conduit l’intéressé à invoquer vainement des motifs immatériels pour tenter de justifier la poursuite de son action contentieuse.

B. L’insuffisance du préjudice moral pour justifier la recevabilité

Le requérant invoque une atteinte à son honneur pour maintenir l’intérêt de sa demande malgré l’absence d’application réelle de la décision administrative. Cependant, le juge administratif estime que le seul bénéfice moral retiré d’une annulation ne suffit pas à conserver l’objet du litige engagé. L’atteinte à la réputation ou à la santé doit être démontrée par des éléments probants qui font défaut dans les écritures du fonctionnaire. La juridiction d’appel annule donc le jugement du 28 novembre 2023 et rejette la demande comme étant irrecevable dès l’origine de la procédure. Cette décision rappelle fermement que le juge de l’excès de pouvoir ne saurait statuer sur des actes dépourvus de toute portée juridique concrète.

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Hassan KOHEN
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