Cour d’appel administrative de Lyon, le 12 mars 2025, n°23LY02673

Par un arrêt rendu le 12 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon précise les conditions de reconnaissance d’une maladie professionnelle pour un agent hospitalier. Un agent de service, employé depuis trois décennies, a bénéficié d’un congé de maladie prolongé pour une affection lombaire à compter du mois de janvier 2019. Au terme de cette période d’inactivité, l’intéressé a sollicité la prise en charge d’une pathologie de l’épaule déclarée durant son arrêt de travail. L’administration a refusé cette demande en mars 2021, décision que le tribunal administratif de Grenoble a annulée lors d’un premier jugement le 23 mai 2023. Saisie en appel, la juridiction devait déterminer si une affection survenue pendant une interruption de service pouvait conserver un caractère professionnel certain. La Cour annule le jugement de première instance en considérant que la preuve d’un lien direct avec les fonctions exercées n’est pas rapportée.

I. La détermination rigoureuse du cadre juridique et de l’exigence de causalité

A. La survie du régime législatif antérieur à la réforme de 2017

Les juges d’appel ont d’abord dû identifier les dispositions applicables, compte tenu de l’entrée en vigueur différée de l’ordonnance du 19 janvier 2017. L’arrêt souligne que l’application du nouveau texte était « manifestement impossible en l’absence d’un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables ». Le décret nécessaire n’étant intervenu qu’en mai 2020, le litige demeure régi par les anciennes dispositions de la loi du 9 janvier 1986. Cette stabilité juridique garantit la prévisibilité des droits des agents dont la pathologie a été diagnostiquée avant la mise en œuvre de la réforme. L’analyse de la Cour administrative d’appel de Lyon confirme ainsi que les droits des agents se cristallisent à la date du diagnostic médical initial.

B. La démonstration nécessaire d’un lien direct entre les fonctions et la pathologie

La Cour rappelle qu’une maladie est imputable au service si elle présente un « lien direct avec l’exercice des fonctions » ou les conditions de travail. Le juge administratif impose au demandeur de prouver que son activité professionnelle est la cause déterminante du développement ou de l’aggravation de son affection. Cette exigence de preuve s’applique même lorsque les travaux effectués par l’agent correspondent à ceux listés dans les tableaux de la sécurité sociale. L’administration conserve le pouvoir de contester l’origine professionnelle d’une maladie si des circonstances particulières permettent de détacher la pathologie du service. La seule constatation de tâches physiquement exigeantes ne suffit pas à créer une présomption d’imputabilité automatique pour un agent du service public hospitalier.

II. La régularité de l’instruction administrative et l’exclusion de l’origine professionnelle

A. La présence facultative du médecin spécialiste au sein de la commission de réforme

La requérante soulevait une irrégularité de procédure liée à l’absence d’un médecin spécialiste lors de la réunion de la commission de réforme compétente. Les juges considèrent toutefois que l’absence d’un tel praticien ne constitue pas un vice si l’organe consultatif disposait déjà d’informations médicales suffisantes. La commission était valablement éclairée par « un rapport d’expertise excluant l’imputabilité au service » et plusieurs rapports rédigés par un spécialiste en rhumatologie. Cette solution confirme que la garantie de l’agent réside davantage dans la complétude du dossier médical que dans la présence physique d’un expert. L’avis rendu par la commission de réforme est donc régulier dès lors que les membres disposent des éléments nécessaires pour statuer.

B. La rupture du lien de causalité par la chronologie des faits pathologiques

Le refus de reconnaissance se fonde essentiellement sur le fait que la pathologie s’est manifestée après onze mois d’interruption totale des fonctions. La Cour relève qu’au moment de la manifestation de la lésion, l’agent « était en congé de maladie depuis près de onze mois (…) et n’exerçait pas ses fonctions ». Les éléments versés au dossier n’établissaient pas la réalité de douleurs antérieures à la cessation d’activité intervenue au début de l’année 2019. L’absence de concordance chronologique entre les tâches effectuées et l’apparition du dommage corporel interdit dès lors la reconnaissance de l’imputabilité au service. Les juges concluent que le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur d’appréciation en retenant l’existence d’une maladie contractée durant l’activité professionnelle.

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Hassan KOHEN
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