Cour d’appel administrative de Lyon, le 12 mars 2025, n°24LY03110

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt du 12 mars 2025, précise les conditions de recevabilité du recours contre un refus d’enregistrement. Un ressortissant étranger sollicitait un changement de statut vers la mention entrepreneur sur le fondement des stipulations de l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Le représentant de l’État a refusé d’enregistrer cette demande au motif que le dossier déposé par l’intéressé présentait un caractère manifestement incomplet. Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la requête dirigée contre cet acte en estimant que la décision ne faisait pas grief. La juridiction d’appel devait déterminer si l’absence de pièces justificatives au jour du dépôt interdit systématiquement tout recours pour excès de pouvoir. Le juge censure le raisonnement de première instance en relevant que les pièces manquantes étaient soit produites, soit indisponibles au jour de la demande.

I. La caractérisation du refus d’enregistrement comme acte faisant grief

A. Les conditions réglementaires de l’incomplétude du dossier

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers définit les pièces dont la production est nécessaire à l’instruction d’une demande de titre de séjour. La jurisprudence précise que « le refus d’enregistrer une demande de titre de séjour motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief ». Cette règle s’applique strictement lorsque l’absence d’une pièce exigée par le pouvoir réglementaire « rend impossible l’instruction de la demande » par l’autorité administrative. L’administration peut ainsi refuser de délivrer un récépissé si les documents essentiels permettant de vérifier l’identité ou la situation du demandeur font défaut.

B. Le contrôle de l’exactitude matérielle des pièces produites

La Cour administrative d’appel exerce un contrôle approfondi sur la réalité de l’incomplétude invoquée par le préfet pour justifier son refus d’enregistrement. Dans cette affaire, l’intéressé prouvait avoir transmis l’avis favorable de la plateforme de la main-d’œuvre étrangère par un courrier recommandé dûment réceptionné. Les juges soulignent qu’il avait « adressé, par courrier du 3 juillet 2024 réceptionné le 8 juillet suivant par les mêmes services, l’avis favorable rendu ». L’erreur de fait commise par le préfet transforme la mesure d’ordre intérieur en un acte faisant grief car le dossier était en réalité complet.

II. La protection du droit au séjour contre les exigences illicites

A. L’illégalité de l’exigence de documents impossibles à produire

Le droit administratif prohibe l’opposition d’un refus fondé sur l’absence d’un document dont la production s’avère matériellement impossible au moment de la demande. Le préfet exigeait la production d’un avis d’imposition sur les revenus perçus l’année précédente alors que les services fiscaux ne l’avaient pas établi. Le requérant a produit le dernier avis disponible en sa possession, respectant ainsi les prescriptions de « l’annexe 10 du code de l’entrée et du séjour ». Imposer la fourniture d’une pièce inexistante constitue une entrave injustifiée qui empêche l’étranger de voir sa situation examinée par les services de l’État.

B. La sanction de l’irrecevabilité et le renvoi au premier juge

L’annulation de l’ordonnance de rejet entraîne mécaniquement le renvoi du litige devant le tribunal administratif pour qu’il soit statué au fond sur la demande. La Cour décide que « c’est à tort que le préfet s’est fondé sur le caractère incomplet de sa demande » pour opposer un refus d’enregistrement. Cette solution jurisprudentielle protège les administrés contre les pratiques tendant à bloquer l’accès au guichet administratif par des exigences formelles dépourvues de base légale. L’arrêt confirme que la complétude du dossier s’apprécie au regard des seules pièces exigibles dont l’absence rendrait réellement l’instruction du dossier totalement impraticable.

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Hassan KOHEN
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