La cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 13 février 2025, une décision marquante concernant la légalité d’une autorisation environnementale pour l’exploitation éolienne. Ce litige opposait des riverains à une décision préfectorale autorisant l’installation de trois aérogénérateurs de grande dimension sur le territoire de la commune d’Andelaroche. Les requérants contestaient l’insuffisance de l’étude d’impact et dénonçaient des risques majeurs pour la biodiversité ainsi qu’une atteinte caractérisée aux paysages bocagers environnants. Après un rejet en première instance par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 25 mai 2021, l’affaire fut portée devant la juridiction d’appel lyonnaise. La question centrale consistait à savoir si le projet respectait les seuils de protection de l’environnement et si les capacités financières de l’exploitant étaient dûment établies. La cour confirme la validité de l’autorisation sur le fond mais procède à une réévaluation substantielle des garanties financières de remise en état. Le juge administratif valide ainsi la procédure d’évaluation environnementale (I) tout en ajustant les obligations économiques imposées à la société pétitionnaire (II).
I. La validation du processus d’évaluation environnementale
A. La régularité formelle de l’instruction administrative
La cour vérifie d’abord l’autonomie de l’autorité environnementale dont l’avis est une pièce maîtresse de la procédure d’autorisation des installations classées. Elle rappelle que l’indépendance est présumée satisfaite lorsque l’avis a été préparé « par le service mentionné à l’article R. 122-21 du code de l’environnement ». Le juge relève que le service instructeur bénéficiait de « garanties d’autonomie effective conformes aux exigences de l’article 6 de la directive » européenne du 13 décembre 2011. L’étude d’impact est également jugée suffisante car elle repose sur des méthodes d’inventaire cohérentes et des expertises techniques dont la compétence n’est pas remise en cause. Les magistrats considèrent que les omissions éventuelles n’ont pas eu « pour effet de nuire à l’information complète de la population » lors de l’enquête publique préalable. Cette validation procédurale permet au juge d’aborder l’examen concret des impacts du projet sur les intérêts protégés par le code de l’environnement.
B. La préservation proportionnée de la biodiversité et du cadre paysager
L’arrêt analyse précisément les incidences du parc sur les espèces protégées, notamment les chiroptères et l’avifaune dont le Milan Royal est un représentant emblématique. La cour estime que les mesures de bridage prévues permettent de ramener l’impact du projet à un niveau « jugé non significatif » pour les populations animales. Elle souligne que « le choix d’implantation des éoliennes, en dehors des couloirs migratoires identifiés […] limite l’effet barrière » et réduit ainsi notablement les risques de collision. Concernant le paysage, les juges écartent tout grief de saturation visuelle en raison de l’insertion des machines dans un massif forestier et de leur éloignement. Ils concluent que les « conséquences pour les chiroptères ne seraient pas excessives au regard des exigences de l’article L. 511-1 du code de l’environnement ». La protection du milieu naturel étant assurée par ces prescriptions techniques, la cour se prononce alors sur les garanties économiques du projet industriel.
II. L’encadrement financier et l’exercice des pouvoirs de pleine juridiction
A. La confirmation des capacités financières de l’exploitant
La juridiction administrative rappelle que le pétitionnaire doit fournir des indications précises sur sa solvabilité afin de garantir la viabilité de l’exploitation sur le long terme. Bien que le capital social de la société d’exploitation soit modeste, les engagements fermes des sociétés mères assurent la crédibilité financière de l’ensemble du projet. La cour note que le dossier contient des « engagements des sociétés mères » qui rendent précisément compte et de manière étayée des capacités financières nécessaires. Les juges estiment que l’absence d’audit financier exhaustif ne constitue pas un vice de procédure dès lors que les garanties apportées par le groupe paraissent suffisantes. Le juge du plein contentieux considère que l’information délivrée permet à l’administration de s’assurer que l’exploitant disposera des moyens requis pour mener l’opération. Cette solidité financière établie, il restait à vérifier l’adéquation du montant des garanties destinées à couvrir la fin de vie des installations industrielles.
B. La réévaluation dynamique des garanties de remise en état
Le juge use de ses pouvoirs de pleine juridiction pour appliquer les règles de fond en vigueur à la date à laquelle il statue sur le litige. Il constate que le montant initial des garanties de démantèlement fixé par le préfet est devenu « insuffisant au regard des dispositions désormais en vigueur » en 2024. L’arrêt procède donc à une réformation partielle en portant la somme de 158 593 euros à 345 000 euros pour l’ensemble des trois aérogénérateurs. Cette modification répond à l’obligation de couvrir les frais de remise en état du site « en cas de défaillance de l’exploitant » conformément au code de l’environnement. La cour substitue ainsi sa propre évaluation à celle de l’administration pour garantir que les intérêts environnementaux seront protégés même après la cessation d’activité. Cette décision illustre la volonté du juge administratif d’assurer une protection effective du territoire par un contrôle rigoureux des obligations pécuniaires des exploitants.