Cour d’appel administrative de Lyon, le 13 février 2025, n°24LY00004

La Cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 13 février 2025, une décision relative au droit au séjour des anciens mineurs isolés étrangers. Cette affaire pose la question des critères d’attribution d’un titre de séjour pour un ressortissant étranger ayant bénéficié de l’aide sociale à l’enfance. Le requérant est entré sur le territoire national avant l’âge de seize ans et a fait l’objet d’un placement auprès des services départementaux compétents. À sa majorité, il a sollicité la délivrance d’un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale en application du code de l’entrée et du séjour. Le préfet de la Savoie a toutefois opposé un refus à cette demande par un arrêté en date du 28 novembre 2022. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la contestation formulée contre cet acte administratif par un jugement prononcé le 28 septembre 2023. L’intéressé a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en invoquant notamment une méconnaissance des dispositions législatives et des stipulations conventionnelles protectrices. La question centrale réside dans l’appréciation globale que doit porter l’autorité administrative sur le parcours et les attaches familiales de l’ancien mineur confié. La juridiction d’appel confirme la solution des premiers juges en estimant que le préfet n’a pas commis d’erreur d’appréciation au regard des faits. La présente étude examinera d’abord les conditions de délivrance du titre aux anciens mineurs confiés avant d’analyser l’appréciation globale de la situation du requérant.

I. Les conditions de délivrance du titre de séjour aux anciens mineurs confiés

L’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers définit le régime applicable aux jeunes majeurs ayant été pris en charge.

A. La réunion des critères légaux cumulatifs

La délivrance de plein droit du titre de séjour est subordonnée au respect de conditions temporelles et de critères qualitatifs précis par le demandeur. La loi dispose que l’étranger doit avoir été « confié au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance » avant seize ans. L’administration vérifie ensuite la réalité du parcours d’insertion à travers trois prismes complémentaires définis par les dispositions du code de l’entrée et du séjour. Le texte précise que la carte est accordée « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite ». L’autorité préfectorale doit également tenir compte de la nature des liens subsistant avec la famille restée dans le pays d’origine du ressortissant. Enfin, l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion dans la société française constitue le dernier élément nécessaire à l’examen complet de la demande.

B. L’exercice d’un entier contrôle par le juge administratif

La juridiction administrative rappelle l’étendue de sa mission de contrôle sur les décisions préfectorales prises sur le fondement de ces dispositions spécifiques. Le juge précise ainsi qu’il « exerce sur cette appréciation un entier contrôle » afin de garantir le respect scrupuleux des droits des administrés concernés. Cette plénitude de juridiction permet de vérifier si les motifs invoqués par le préfet reposent sur des faits exacts et une qualification juridique correcte. L’entier contrôle s’oppose ici au contrôle restreint à l’erreur manifeste, ce qui renforce la protection du jeune majeur étranger face à l’administration. Cette exigence de rigueur conduit la Cour à analyser concrètement le comportement et l’investissement du requérant durant sa période de prise en charge éducative.

II. L’appréciation globale de la situation individuelle du requérant

L’examen de la légalité du refus de séjour repose sur une analyse concrète des éléments de fait apportés au dossier par les deux parties.

A. Un investissement insuffisant et la persistance d’attaches familiales

Le bénéfice du titre de séjour est écarté lorsque le parcours de formation ne présente pas les garanties de sérieux attendues par le législateur. La Cour observe que l’intéressé « n’a toutefois pas obtenu son certificat d’aptitude professionnelle » en raison d’une motivation et de présences jugées aléatoires par l’établissement. Ce constat factuel vient contredire l’exigence de sérieux dans le suivi de la formation professionnelle prescrite par les services de l’aide sociale. Par ailleurs, le dossier révèle que le requérant conserve des attaches familiales effectives dans son pays d’origine où résident toujours ses deux parents. Il n’établit aucune circonstance particulière justifiant une rupture totale des liens avec sa famille alors qu’une requête a été introduite par son père. Ces éléments cumulés permettent au préfet de considérer que les conditions de délivrance du titre de séjour ne sont pas valablement remplies par l’appelant.

B. La validation de la mesure d’éloignement et du pays de destination

L’absence de droit au séjour entraîne logiquement la validation de l’obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays. Les juges considèrent que le refus de titre ne porte pas une « atteinte disproportionnée » au droit au respect de la vie privée et familiale. La présence en France depuis quatre ans et l’obtention d’un premier diplôme ne suffisent pas à contrebalancer l’absence de charges de famille. La Cour écarte également le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation concernant le choix du pays de destination pour le retour du ressortissant. L’argument relatif à l’impossibilité de poursuivre une scolarité dans le pays d’origine ne constitue pas un obstacle juridique suffisant pour annuler la décision. Le rejet de l’ensemble des conclusions confirme ainsi la parfaite légalité de l’arrêté préfectoral contesté devant la juridiction administrative d’appel lyonnaise.

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Hassan KOHEN
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