Cour d’appel administrative de Lyon, le 13 février 2025, n°24LY00147

La cour administrative d’appel de Lyon, dans son arrêt du 13 février 2025, précise les conditions d’engagement de la responsabilité d’un centre hospitalier universitaire. Un patient a subi une prostatectomie radicale en juin 2019 pour traiter un cancer agressif mais a souffert de complications post-opératoires sévères. Après une expertise ordonnée par la commission de conciliation et d’indemnisation, le requérant a sollicité une nouvelle mesure d’instruction et une indemnisation. Le tribunal administratif compétent a rejeté ses demandes par un jugement du 8 décembre 2023, dont l’intéressé a interjeté appel devant la juridiction lyonnaise. La question juridique porte sur l’utilité d’une expertise complémentaire et la preuve du respect de l’obligation d’information par le personnel médical de l’établissement. La juridiction administrative rejette la requête en confirmant la validité des premières constatations de l’expert et l’existence d’une information préalable suffisante. L’étude de cette décision permet d’analyser d’une part l’appréciation de l’utilité de la mesure d’expertise et d’autre part la preuve de l’exécution du devoir d’information.

I. L’appréciation souveraine de l’utilité de la mesure d’expertise

A. La suffisance des constatations de la commission de conciliation

L’article R. 621-1 du code de justice administrative subordonne toute expertise à son caractère utile pour le règlement du litige par les juges. La cour rappelle que cette utilité s’apprécie au regard des pièces déjà versées au dossier, notamment les rapports établis par les instances de conciliation. En l’espèce, un chirurgien urologue avait déjà analysé le dossier médical et conclu que l’indication opératoire était « licite et conforme aux règles de l’art ». L’expert avait relevé la complexité d’une dissection difficile ayant duré six heures en raison de l’étendue particulièrement invasive de la tumeur cancéreuse traitée. Cette analyse circonstanciée permet à la juridiction de considérer que les points techniques nécessaires à la solution du litige sont déjà suffisamment éclairés.

B. Le rejet d’une nouvelle mesure d’instruction faute d’éléments nouveaux

Le requérant critiquait le caractère incomplet des conclusions de l’expert sans toutefois apporter de pièces médicales contraires ou de faits nouveaux sérieux. Pour solliciter une nouvelle mesure d’instruction, il appartient à la victime d’établir que l’analyse initiale comporte des lacunes manifestes ou des erreurs de raisonnement. La cour souligne qu’en « se bornant à faire valoir que cette expertise n’est pas complète », l’appelant ne justifie pas la nécessité d’une expertise supplémentaire. Le juge administratif refuse ainsi de multiplier les frais d’instruction lorsque les premiers éléments de preuve offrent une base de décision solide et cohérente. Ce refus de l’expertise avant-dire droit marque une volonté de célérité procédurale face à des critiques jugées purement formelles par les magistrats.

II. La preuve rapportée de l’exécution du devoir d’information

A. La pluralité des modes de preuve de l’information préalable

L’établissement hospitalier doit établir que le patient a reçu une information claire sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles de l’acte médical. L’article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose que cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel pour recueillir un consentement. Le requérant invoquait l’absence de fiche de consentement signée pour contester la réalité de cette étape cruciale avant son intervention chirurgicale lourde. Toutefois, la cour administrative d’appel retient que la preuve peut être rapportée par tout moyen, y compris par des déclarations orales. L’expert a noté que l’intéressé « a déclaré que le chirurgien l’avait informé des risques » lors des opérations menées devant la commission de conciliation.

B. L’absence de manquement et de préjudice d’impréparation indemnisable

Le compte-rendu de consultation mentionnait explicitement que le patient avait été averti des complications possibles, notamment l’impuissance et l’incontinence liée à la prostatectomie. Ces documents, corroborés par les aveux du requérant devant l’expert, suffisent à démontrer que l’établissement hospitalier a respecté ses obligations légales d’information. Dès lors que le manquement n’est pas établi, les juges rejettent logiquement la demande d’indemnisation au titre d’une perte de chance ou d’impréparation. Le préjudice moral d’impréparation ne peut être présumé que si le défaut d’information est préalablement caractérisé par les pièces produites au dossier. Le jugement de première instance est confirmé car la responsabilité de l’établissement public de santé ne saurait être engagée sans faute prouvée.

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Hassan KOHEN
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Hassan Kohen

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