Cour d’appel administrative de Lyon, le 13 juin 2025, n°23LY01914

Par un arrêt en date du 13 juin 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a précisé les conditions de calcul et de recouvrement de la redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique. En l’espèce, une agence de l’eau avait émis un titre de recettes à l’encontre d’une société coopérative agricole de vinification au titre de cette redevance pour l’année 2019. La société ayant obtenu en première instance la décharge de la somme réclamée, l’agence de l’eau a interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Lyon.

Les premiers juges avaient annulé le titre de recettes au motif que l’agence, en retenant des éléments de calcul différents de ceux déclarés par la coopérative, aurait dû mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue à l’article L. 213-11-3 du code de l’environnement. Devant la cour, l’agence soutenait n’avoir procédé à aucune rectification, mais s’être bornée à liquider la redevance conformément aux textes applicables. La société intimée, quant à elle, soulevait plusieurs autres moyens, tenant notamment à l’insuffisante motivation du titre exécutoire et à une erreur de droit dans la détermination de l’assiette.

Il appartenait ainsi à la cour de déterminer si l’application de coefficients réglementaires au calcul d’une redevance constitue une rectification soumise à une procédure contradictoire. Elle devait également se prononcer sur la validité d’un titre de recettes ne détaillant pas ses bases de calcul et fondé sur une méthode réglementairement inapplicable. La cour administrative d’appel, tout en censurant le raisonnement du tribunal administratif, rejette finalement la requête de l’agence. Elle estime que si la procédure contradictoire n’était pas requise, le titre de recettes était néanmoins entaché d’illégalité en raison de son insuffisante motivation et d’une erreur de droit dans le calcul de la pollution évitée.

L’arrêt permet ainsi de distinguer clairement la simple liquidation de la redevance de sa rectification (I), avant de sanctionner rigoureusement les manquements de l’administration dans l’établissement du titre de créance (II).

I. La distinction entre liquidation et rectification de la redevance

La cour administrative d’appel opère une distinction fondamentale entre la phase de calcul de l’impôt et celle de son contrôle. Elle écarte ainsi l’application d’une garantie procédurale jugée inadaptée au cas d’espèce (A), ce qui a pour effet de clarifier le champ d’application de la procédure contradictoire en matière de redevances pour pollution (B).

A. Le rejet d’une irrégularité procédurale

La cour administrative d’appel infirme le jugement de première instance qui avait retenu une irrégularité procédurale. Le tribunal avait en effet considéré que l’agence, en substituant ses propres données à celles déclarées par la coopérative, avait mis en œuvre une procédure de rectification sans en respecter les garanties. Or, la cour établit que l’agence s’est contentée d’appliquer les dispositions réglementaires pour déterminer l’assiette de la redevance.

Elle juge en ce sens que l’administration n’a pas entendu « mettre en cause une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des redevances au sens de l’article L. 213-11-3 du code de l’environnement ». En se bornant à effectuer les calculs prévus par le II de l’article L. 213-10-2 du même code et les textes d’application, l’agence n’a pas procédé à une rectification des éléments déclarés par le redevable. Elle a simplement liquidé l’imposition. La procédure contradictoire, conçue pour dialoguer sur un redressement, n’avait donc pas lieu d’être engagée.

B. La portée clarifiée de la garantie contradictoire

En adoptant cette solution, la cour précise la portée de la garantie prévue par l’article L. 213-11-3 du code de l’environnement. Cette procédure n’est obligatoire que lorsque l’agence de l’eau entend redresser la déclaration du redevable sur la base d’informations qu’elle a elle-même recueillies ou de constatations matérielles. Elle ne s’applique pas lorsque l’administration, dans le cadre de sa mission de liquidation, se limite à appliquer les formules de calcul et les coefficients forfaitaires prévus par la réglementation.

Cette clarification offre une sécurité juridique aux agences de l’eau, dont la mission de calcul de la redevance n’est pas systématiquement assimilée à une procédure de contrôle contentieux. La décision rappelle ainsi que le simple fait que le montant calculé par l’administration diffère des estimations du redevable ne suffit pas à caractériser une rectification. Pour autant, cette liberté dans la phase de liquidation ne dispense pas l’administration de ses obligations de rigueur, comme le montre la suite de l’arrêt.

II. La sanction des défaillances du titre de recettes

Saisie par l’effet dévolutif de l’appel, la cour examine les autres moyens soulevés par la coopérative et y trouve deux motifs justifiant la décharge de l’imposition. Elle sanctionne d’abord un défaut de motivation du titre exécutoire (A), puis une erreur de droit manifeste dans le calcul de l’assiette (B), réaffirmant ainsi des exigences fondamentales du droit fiscal.

A. L’exigence de motivation du titre de recouvrement

La cour rappelle que le titre de recettes doit permettre au débiteur de comprendre les bases et les éléments de calcul de la créance. En l’espèce, le titre litigieux, bien que présentant des tableaux récapitulatifs, « ne mentionne aucun texte » et « ne donne aucune précision sur les modalités de calcul tant de la grandeur caractéristique retenue (…) que du coefficient de récupération évalué à 0,929 ».

Le fait que l’agence ait produit en appel un tableau justificatif ne saurait régulariser la procédure, dès lors que ces éléments n’avaient pas été portés à la connaissance de la société avant l’émission du titre. Par conséquent, la cour juge que la société « n’a pas été régulièrement informée des bases et éléments de calcul des sommes dont il lui était demandé le règlement ». Cette méconnaissance des prescriptions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique vicie le titre et justifie à elle seule la décharge de la redevance.

B. La censure d’une erreur de droit dans la méthode de calcul

Au-delà du vice de forme, la cour relève une erreur de droit substantielle. L’agence de l’eau a appliqué un « coefficient de récupération » pour calculer la pollution évitée par les installations de la coopérative. Or, ce coefficient, prévu par l’annexe VI de l’arrêté du 21 décembre 2007, ne s’applique qu’en cas « d’épandage d’effluents sur des terres agricoles ». Les installations de la société, des bassins d’évaporation, relèvent d’une autre catégorie, celle des « autres dispositifs de dépollution », pour laquelle ce coefficient n’est pas prévu.

La cour juge donc que « l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse a méconnu les dispositions du I de l’article R. 213-48-9 du code précité ce qui implique la décharge de la somme mise à sa charge ». L’administration ne peut appliquer une méthode de calcul prévue pour une situation technique à une autre qui n’est pas visée par le texte. Cette censure rappelle le strict respect du principe de légalité qui s’impose à l’administration fiscale dans la détermination de l’assiette de l’impôt.

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Hassan KOHEN
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