Cour d’appel administrative de Lyon, le 16 janvier 2025, n°23LY03156

Par un arrêt en date du 16 janvier 2025, une cour administrative d’appel a statué sur la légalité du licenciement pour suppression de poste d’un agent de statut public employé par une chambre de commerce et d’industrie. En l’espèce, une agente, employée depuis 1988 et titularisée en 1999 au sein d’une chambre de commerce et d’industrie locale, a été licenciée pour suppression de poste par la chambre de commerce et d’industrie régionale, devenue son employeur à la suite d’une réforme structurelle. L’agente a contesté cette décision devant le tribunal administratif, qui lui a donné raison en première instance en annulant le licenciement. Les premiers juges avaient estimé que l’employeur avait manqué à son obligation de recherche de reclassement ainsi qu’à son devoir d’information de la commission paritaire compétente. L’employeur a interjeté appel de ce jugement, tandis que l’agente formait un appel incident en soulevant d’autres moyens tirés notamment de la discrimination, du harcèlement moral et d’un détournement de pouvoir. Il revenait donc à la cour de déterminer si les obligations statutaires encadrant le licenciement pour suppression de poste avaient été respectées par l’employeur, et si la décision n’était pas entachée d’une autre illégalité. La cour administrative d’appel a infirmé le jugement de première instance, considérant que l’employeur avait valablement satisfait à ses obligations de reclassement et d’information. Elle a par la suite écarté l’ensemble des autres moyens soulevés par l’agente, validant ainsi la décision de licenciement.

La solution retenue par la cour d’appel repose sur une appréciation stricte des diligences procédurales incombant à l’employeur (I), ce qui la conduit logiquement à écarter les allégations de fautes substantielles faute de preuves suffisantes (II).

I. La validation du licenciement au prisme d’une application rigoureuse des garanties procédurales

La cour d’appel a estimé que l’employeur avait rempli ses obligations statutaires en procédant à une interprétation précise du point de départ et de la consistance de l’obligation de reclassement (A), tout en validant la procédure d’information menée auprès de l’instance paritaire (B).

A. La délimitation de l’obligation de reclassement

La cour a d’abord défini le périmètre temporel et matériel de l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur. Elle juge que cette obligation ne débute qu’au moment de l’acte formel engageant la procédure, et non lors des étapes préparatoires. Ainsi, « ce n’est qu’à compter des délibérations de l’assemblée générale de la CCIR AURA du 27 novembre 2019 (…) que la procédure de suppression de poste (…) et partant l’obligation de recherche de reclassement, a débuté ». Cette précision offre une sécurité juridique notable à l’employeur, en fixant un point de départ clair à ses diligences. Elle évite que des discussions internes ou des projets de réorganisation antérieurs ne soient considérés comme le déclencheur d’une obligation formelle.

Sur le fond, la cour examine ensuite la consistance des efforts de reclassement. Elle constate que l’employeur a proposé plus de cinquante postes, a consulté d’autres établissements du réseau et a mis en place un accompagnement. La cour considère ces démarches comme suffisantes, même si toutes les offres n’étaient pas parfaitement identiques au poste supprimé. Elle estime que les dispositions statutaires « ne sauraient être interprétées comme faisant obligation au président de la chambre (…) d’examiner les possibilités de reclassement de cet agent sur des postes sans rapport avec sa qualification et son rang hiérarchique ». Cette approche pragmatique confirme que l’obligation de reclassement est une obligation de moyens renforcée, mais non de résultat. L’employeur doit mener une recherche active et personnalisée, mais n’est pas tenu de garantir un reclassement à tout prix.

B. L’appréciation de la complétude de l’information de la commission paritaire

La cour administrative d’appel a également infirmé l’analyse des premiers juges concernant l’information de la commission paritaire régionale. Elle procède à un examen factuel et détaillé des documents transmis à cette instance consultative tout au long de la procédure. La cour relève qu’un premier dossier de trente pages, des documents complémentaires, puis un dossier final actualisé ont été communiqués aux membres de la commission. Ces éléments contenaient des informations précises sur les raisons de la réorganisation, la liste des postes supprimés, les critères de choix, les mesures de reclassement envisagées et les dispositifs d’accompagnement.

En conséquence, la cour conclut qu’il « n’apparaît pas, dans ces conditions, que la CPR n’aurait pas disposé de l’ensemble des informations prévues par les dispositions précitées pour se prononcer en toute connaissance de cause ». L’irrégularité est donc écartée. Cette solution réaffirme que le contrôle du juge sur ce point porte sur l’existence et la suffisance de l’information, et non sur l’opportunité des décisions de l’employeur. Tant que la commission a été mise en mesure de rendre un avis éclairé, la garantie procédurale est considérée comme respectée, et ce, même si son avis est défavorable ou si des tensions internes ont marqué ses débats. La cour veille au respect du formalisme protecteur de l’agent, sans pour autant paralyser l’action administrative.

II. Le rejet des allégations de fautes étrangères au manquement procédural

Après avoir validé la procédure, la cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, examine et rejette les autres moyens soulevés par l’agente. Elle écarte d’abord les vices de procédure allégués et le grief de harcèlement (A), avant de rejeter le moyen tiré de la discrimination en raison d’une insuffisance de preuve (B).

A. L’éviction des vices de procédure additionnels et du harcèlement moral

L’agente soutenait que la procédure devant la commission paritaire était entachée d’autres irrégularités, notamment l’exclusion de deux conseillers techniques lors du vote. La cour écarte ce moyen en relevant que ces conseillers ne disposaient pas du droit de vote et que leur absence n’a donc eu « aucune incidence sur le sens de ces avis ». Ce faisant, elle applique une jurisprudence constante selon laquelle un vice de procédure n’entraîne l’annulation d’un acte que s’il a privé l’intéressé d’une garantie ou a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision. La cour adopte une approche pragmatique, refusant de sanctionner des irrégularités purement formelles et sans impact.

De même, le grief tiré du harcèlement moral est rejeté de manière concise. La cour constate que « rien au dossier ne permet de tenir ces circonstances pour avérées », ajoutant que la « « placardisation » (…) n’est pas établie ». Cette motivation, bien que brève, rappelle que la charge de la preuve initiale pèse sur l’agent. Il doit apporter des éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. En l’absence de tels éléments, le juge ne peut que rejeter le moyen, sans même exiger de l’administration qu’elle fournisse des explications détaillées.

B. L’échec du moyen tiré de la discrimination

Enfin, la cour examine le grief de discrimination. L’agente alléguait avoir été victime d’une discrimination directe et indirecte fondée sur son sexe, sa situation de famille et son âge. La cour rappelle la règle de la charge de la preuve partagée en la matière : il appartient au demandeur de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une discrimination. Or, en l’espèce, la cour estime que l’agente « ne se prévaut d’aucun élément de fait suffisamment précis et circonstancié qui serait susceptible de laisser penser qu’elle aurait été victime de telles discriminations ».

Cette décision illustre la difficulté pratique pour un agent de satisfaire à cette première étape du mécanisme probatoire. Le juge exige des faits objectifs, et non de simples allégations ou un sentiment d’injustice. En l’absence d’un commencement de preuve, le moyen est écarté sans que l’employeur ait à se justifier sur le caractère non discriminatoire de sa décision. La protection contre les discriminations, bien que fondamentale, ne dispense pas le requérant d’étayer ses affirmations par des éléments factuels tangibles. La solution confirme une approche rigoureuse du contrôle juridictionnel qui, tout en garantissant les droits des agents, préserve l’administration de contestations fondées sur des arguments insuffisamment établis.

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Hassan KOHEN
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