Cour d’appel administrative de Lyon, le 16 janvier 2025, n°24LY01452

Par un arrêt en date du 16 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur les conditions de prolongation d’une interdiction de retour sur le territoire français. En l’espèce, un ressortissant algérien avait fait l’objet d’un arrêté préfectoral en date du 22 octobre 2023 lui faisant obligation de quitter le territoire français, assorti d’une interdiction de retour de deux ans. Après l’exécution de son éloignement le 3 janvier 2024, l’intéressé est revenu sur le territoire national en méconnaissance de cette interdiction. Le préfet du Puy-de-Dôme a alors, par une décision du 4 avril 2024, prolongé de deux ans l’interdiction de retour le visant. L’étranger a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand afin d’obtenir l’annulation de cette décision de prolongation, mais sa demande a été rejetée par un jugement du 18 avril 2024. Il a donc interjeté appel de ce jugement, soutenant que la décision préfectorale était insuffisamment motivée et qu’elle méconnaissait les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à la prise en compte de sa situation personnelle. La question de droit posée à la cour était donc de savoir si l’autorité administrative, lorsqu’elle prolonge une interdiction de retour en raison de la violation de cette mesure par l’étranger, doit procéder à un nouvel examen des critères généraux d’appréciation et dans quelle mesure le juge administratif contrôle la proportionnalité de cette nouvelle décision. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, estimant que la décision de prolongation était légalement fondée et que l’appréciation du préfet n’était entachée d’aucune erreur.

L’arrêt permet ainsi de préciser l’articulation des règles applicables à la prolongation d’une interdiction de retour (I), tout en confirmant la rigueur de l’appréciation portée sur la situation de l’étranger lorsque celui-ci enfreint délibérément une mesure d’éloignement (II).

I. Une application rigoureuse du cadre légal de la prolongation

La cour administrative d’appel valide la décision préfectorale en s’assurant d’abord de sa régularité formelle (A), avant de clarifier le champ d’application respectif des dispositions régissant l’interdiction de retour initiale et sa prolongation (B).

A. La simple confirmation de la régularité formelle de la décision

Le requérant soutenait que la décision de prolongation n’était pas suffisamment motivée. La cour écarte ce moyen en relevant que le préfet a « indiqué de façon précise et circonstanciée les motifs de droit et de fait de sa décision ». Cette motivation, bien que succincte dans sa formulation, est jugée suffisante dès lors qu’elle vise les textes applicables, notamment l’article L. 612-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et rappelle le fait matériel déclencheur, à savoir le retour de l’étranger sur le territoire national en violation de l’interdiction initiale. Le juge administratif se limite ici à vérifier que l’administration a satisfait à son obligation formelle de motivation, sans exiger une argumentation détaillée sur l’opportunité de la mesure, l’existence des faits et la référence au cadre légal suffisant à cet égard.

B. La distinction opérée entre le régime de l’interdiction initiale et celui de sa prolongation

Le requérant invoquait la méconnaissance des articles L. 612-10 et L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. La cour administrative d’appel opère une distinction claire en jugeant que l’intéressé « ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l’article L. 612-6 du même code, qui régissent une interdiction de retour sur le territoire français initiale ». Cette précision est essentielle, car elle cantonne le débat juridique au seul régime de la prolongation, prévu par l’article L. 612-11 du même code. Si l’article L. 612-10, qui impose de tenir compte de divers critères personnels, s’applique bien à la prolongation, la base légale de la décision elle-même demeure distincte. La cour refuse ainsi de réexaminer les conditions d’édiction de la mesure initiale, confirmée par une précédente décision de justice, pour se concentrer exclusivement sur la légalité de l’acte de prolongation contesté.

II. Une validation de l’appréciation administrative face au comportement de l’étranger

La décision de la cour confirme que le comportement de l’étranger est un élément déterminant dans l’appréciation portée par l’administration (A), exerçant sur cette dernière un contrôle restreint à l’erreur manifeste (B).

A. La prise en compte du non-respect de l’interdiction de retour comme élément aggravant

Pour juger la prolongation de deux ans proportionnée, la cour ne se contente pas de constater le retour illégal de l’intéressé. Elle examine l’ensemble des éléments retenus par le préfet, en rappelant les motifs de la décision initiale : une présence récente en France, des antécédents pénaux, et l’absence « d’attaches privées et familiales ancrées dans la durée ». La cour souligne ensuite que le préfet a ajouté à ces éléments le fait que l’étranger a « méconnu l’interdiction de retour sur le territoire français » et a été interpellé pour de nouveaux faits délictueux. Le retour illégal n’est donc pas seulement le fait générateur de la prolongation, il constitue un facteur aggravant qui renforce l’appréciation négative portée sur la situation personnelle de l’étranger et justifie le prononcé d’une nouvelle sanction administrative dans sa durée maximale.

B. Le contrôle de l’erreur d’appréciation face à des allégations non circonstanciées

Le requérant se bornait à soutenir que le préfet aurait dû prendre en compte des « circonstances humanitaires » qu’il « ne détaille pas davantage la nature ni la teneur ». Face à la généralité de cette argumentation, le juge administratif ne dispose d’aucun élément concret lui permettant de contredire l’appréciation de l’administration. En l’absence de preuves ou même d’allégations précises relatives à une situation de vulnérabilité ou à des liens particulièrement forts en France, le contrôle du juge se limite nécessairement à celui de l’erreur manifeste d’appréciation. Compte tenu du comportement de l’étranger, de ses antécédents et du caractère non établi de ses attaches, la cour conclut logiquement que le préfet « n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation », validant ainsi une décision qui apparaît comme une conséquence directe et proportionnée de la transgression consciente d’une précédente mesure d’éloignement.

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Hassan KOHEN
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