Cour d’appel administrative de Lyon, le 17 avril 2025, n°23LY03986

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 17 avril 2025, précise le régime d’imposition des sommes issues de détournements de fonds sociaux par un salarié. Un directeur d’agence a fait supporter à son employeur des factures correspondant à des travaux réalisés à son domicile personnel en utilisant de faux bons de commande. À la suite d’une condamnation pénale pour abus de biens sociaux, l’administration fiscale a réintégré ces sommes dans le revenu imposable du foyer sous forme de revenus distribués. Le tribunal administratif de Lyon ayant rejeté leur demande de décharge, les contribuables ont interjeté appel afin de contester le bien-fondé et la procédure de cette imposition. Le litige porte principalement sur la catégorie d’imposition de ces profits illicites et sur la validité de la substitution de base légale opérée en cours d’instance. La Cour devait déterminer si de tels détournements relèvent des revenus de capitaux mobiliers ou des bénéfices non commerciaux, tout en statuant sur les garanties procédurales applicables. Elle juge que ces sommes constituent des bénéfices non commerciaux et valide la substitution de base légale en raison du caractère occulte de l’activité.

I. La requalification des fonds détournés en bénéfices non commerciaux

A. L’exclusion de la catégorie des revenus distribués

Le juge administratif écarte l’application de l’article 111 c du code général des impôts car le salarié n’exerçait aucune fonction de direction effective au sein de l’entreprise. La Cour relève que « ses fonctions de directeur d’agence ne lui conféraient pas la qualité de dirigeant ou de mandataire social de cette société ». L’imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers suppose traditionnellement que le bénéficiaire dispose d’un pouvoir de décision ou que les dirigeants aient consenti aux détournements. En l’espèce, les manœuvres étaient « habilement mises en œuvre et difficiles à détecter » par le service comptable, ce qui exclut toute carence manifeste ou comportement délibéré des mandataires sociaux. Les sommes litigieuses ne procèdent pas d’une distribution occulte mais d’un profit purement individuel réalisé à l’insu de la structure employeuse.

B. La substitution de base légale vers les bénéfices non commerciaux

L’administration fiscale peut demander à substituer le fondement de l’article 92 du code général des impôts à celui, erroné, des rémunérations et avantages occultes initialement retenus. La Cour rappelle que « l’administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse […] de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée ». Cette faculté est toutefois subordonnée à la condition que la substitution ne prive pas le contribuable des garanties de procédure prévues par la loi. Les bénéfices non commerciaux constituent la catégorie résiduelle destinée à appréhender toutes « sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Les détournements de fonds par un subordonné répondent parfaitement à cette définition dès lors qu’ils échappent à la qualification de salaires ou de revenus distribués.

II. Les conséquences procédurales du caractère occulte des profits

A. La reconnaissance d’une activité illicite et occulte

Le détournement de fonds constitue une activité illicite qui entraîne l’application des règles relatives à l’activité occulte pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Le juge souligne explicitement que « l’activité de détournement de fonds à laquelle s’est livré [le contribuable] est illicite » au sens des dispositions du livre des procédures fiscales. L’absence de déclaration des sommes perçues et le défaut de déclaration d’activité auprès d’un centre de formalités des entreprises caractérisent l’exercice d’une activité occulte. Cette situation autorise l’administration à mettre en œuvre la procédure d’évaluation d’office sans mise en demeure préalable conformément aux articles L. 68 et L. 73 du même livre. La qualification juridique des faits criminels influe ainsi directement sur les prérogatives de puissance publique dont dispose le service pour établir l’imposition.

B. La restriction des garanties tenant à la commission départementale

En situation d’évaluation d’office, les contribuables perdent le bénéfice de certaines garanties procédurales normalement attachées à la procédure contradictoire, notamment la saisine de la commission des impôts. La Cour affirme que « les requérants ne peuvent utilement soutenir que la substitution de base légale […] les priverait de la garantie tenant à la saisine de la commission ». L’existence d’une activité occulte purge le vice de procédure qui aurait pu résulter du changement de fondement légal opéré lors de l’instance devant le juge. La charge de la preuve se trouve renversée, contraignant les administrés à démontrer par la voie contentieuse l’exagération manifeste des bases d’imposition retenues. Les requérants n’apportant aucun élément probant à cet égard, la Cour confirme le rejet de leur demande de décharge ainsi que l’application des majorations.

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Hassan KOHEN
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