Cour d’appel administrative de Lyon, le 17 juillet 2025, n°24LY01363

Par un arrêt en date du 17 juillet 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur les conditions d’octroi d’un titre de séjour à un étranger confié à l’aide sociale à l’enfance avant sa majorité. En l’espèce, un jeune ressortissant étranger, pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance alors qu’il était mineur, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour une fois devenu majeur. L’administration a rejeté sa demande par un arrêté lui faisant également obligation de quitter le territoire français. Saisi du litige, le tribunal administratif de Dijon a confirmé la légalité de cette décision. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, soutenant principalement que le préfet avait commis une erreur d’appréciation au regard de son parcours d’intégration et de la nature des faits qui lui étaient reprochés, et que la décision portait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il appartenait ainsi à la cour de déterminer si le préfet peut légalement fonder un refus de titre de séjour sur des faits ayant donné lieu à un simple rappel à la loi, et dans quelle mesure le juge administratif contrôle l’appréciation portée par l’administration sur la situation personnelle d’un jeune majeur anciennement protégé. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, validant la méthode d’appréciation des antécédents de l’intéressé tout en rappelant les limites du contrôle exercé sur l’opportunité d’une mesure de régularisation.

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I. L’appréciation des critères d’admission au séjour d’un jeune majeur anciennement protégé

La décision commentée confirme que l’examen d’une demande de titre de séjour sur le fondement de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile autorise l’administration à une évaluation globale de la situation du demandeur. Cette évaluation inclut non seulement l’examen de son intégration, mais également la prise en compte de son comportement général, y compris des faits n’ayant pas fait l’objet d’une condamnation pénale (A), ce qui conditionne l’appréciation de son insertion dans la société française (B).

A. La prise en compte des faits sous-jacents à un rappel à la loi

Le requérant soutenait que le préfet ne pouvait tenir compte d’un rappel à la loi pour motiver son refus, cette mesure constituant une alternative aux poursuites et non une déclaration de culpabilité. La cour écarte cet argument en opérant une distinction subtile mais classique en droit des étrangers. Elle ne confère pas au rappel à la loi la valeur d’une condamnation, mais examine les circonstances matérielles qui y ont conduit. Le juge relève en effet qu’il « ressort toutefois du rapport social du 3 mars 2022 que ces faits, commis avec un autre jeune qui aurait subtilisé le portefeuille avant de lui remettre, sont avérés et qu’il les regrette ».

Cette approche permet à l’administration, sous le contrôle du juge, de se forger une opinion sur la situation personnelle du demandeur au-delà des seules qualifications juridiques retenues par l’autorité judiciaire. Le comportement de l’individu est ainsi apprécié dans sa globalité. La solution n’est pas nouvelle et réaffirme que l’absence de condamnation pénale n’interdit pas à l’autorité administrative de considérer des agissements qui, à ses yeux, peuvent révéler un trouble à l’ordre public ou un défaut d’adhésion aux valeurs de la société. Le juge administratif valide ici une conception extensive des pouvoirs du préfet dans l’évaluation de la condition de non-menace à l’ordre public, critère implicite de nombreuses dispositions relatives au séjour.

B. La caractérisation du défaut d’intégration suffisant

Au-delà de la question des antécédents comportementaux, l’arrêt confirme que les éléments positifs du parcours du demandeur ne créent pas un droit automatique au séjour. Le requérant mettait en avant le sérieux de sa formation et son insertion en France. La cour, en adoptant les motifs des premiers juges et en ajoutant que l’intéressé était « célibataire et sans enfant » et ne résidait en France que « depuis seulement quatre ans à la date de la décision », procède à une mise en balance des différents éléments du dossier.

Il en résulte que la condition tenant au caractère réel et sérieux du suivi d’une formation, prévue par l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, n’est qu’un des aspects de l’appréciation globale que doit porter le préfet. La durée modérée du séjour et la faiblesse des attaches privées et familiales en France ont été considérées comme des facteurs qui, combinés au comportement de l’intéressé, justifiaient un refus de régularisation. La décision illustre ainsi que même pour une catégorie de public que le législateur a entendu protéger, l’admission au séjour demeure une faculté pour l’administration, et non une obligation, dès lors que l’ensemble des conditions ne sont pas jugées pleinement satisfaisantes.

II. La confirmation du contrôle restreint du juge sur l’appréciation préfectorale

L’arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante relative à l’office du juge administratif face aux décisions prises en considération de la situation personnelle d’un étranger. La cour administrative d’appel confirme qu’elle n’exerce qu’un contrôle limité à l’erreur manifeste sur l’appréciation du droit au respect de la vie privée (A), ce qui entraîne logiquement la validation de la mesure d’éloignement subséquente (B).

A. Le rejet de l’erreur manifeste d’appréciation au regard de la vie privée

Le requérant invoquait une méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle. La cour rejette ces moyens en s’appuyant sur les mêmes éléments factuels : son célibat, l’absence d’enfant et la durée de sa présence en France de quatre années. Cette motivation succincte témoigne de l’application du contrôle restreint du juge en la matière.

Le juge ne substitue pas sa propre appréciation à celle du préfet ; il vérifie seulement que la décision de ce dernier n’est pas manifestement disproportionnée au regard des buts poursuivis et des intérêts en présence. En l’espèce, la cour a estimé que le refus de séjour, malgré le parcours d’intégration du requérant, n’excédait pas la marge d’appréciation reconnue à l’administration. Cet arrêt constitue donc une décision d’espèce qui réaffirme que le seuil de l’erreur manifeste d’appréciation est élevé. Seule une décision incohérente ou reposant sur des faits matériellement inexacts aurait pu conduire à une annulation sur ce fondement.

B. La validation consécutive de l’obligation de quitter le territoire français

La légalité de l’obligation de quitter le territoire français était contestée par le requérant par voie d’exception, en conséquence de l’illégalité supposée du refus de séjour. L’arrêt applique sans surprise le mécanisme de l’annulation par ricochet, mais a contrario. Ayant jugé le refus de titre de séjour légal, la cour en déduit mécaniquement que le moyen tiré de son illégalité pour contester l’obligation de quitter le territoire ne peut qu’être écarté. Le juge précise que « M. A… n’est pas fondé à demander l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l’annulation de cette décision ».

De même, les moyens propres dirigés contre la mesure d’éloignement, tirés de l’article 8 et de l’erreur manifeste d’appréciation, sont rejetés « pour les mêmes motifs » que ceux ayant conduit à valider le refus de séjour. Finalement, l’argumentation fondée sur l’article 3 de la convention est balayée faute de preuves. La décision illustre la cohérence du raisonnement du juge administratif, qui, une fois l’appréciation globale du préfet validée, en tire toutes les conséquences sur les décisions qui en découlent. L’arrêt confirme ainsi une approche rigoureuse, où le pouvoir d’appréciation de l’administration est respecté tant qu’il ne franchit pas les limites de l’erreur manifeste.

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