Cour d’appel administrative de Lyon, le 17 juillet 2025, n°24LY01480

La Cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 17 juillet 2025, un arrêt précisant les conditions de licenciement d’un salarié protégé en situation d’inaptitude. Un directeur général, titulaire d’un mandat de conseiller prud’hommes, a fait l’objet d’une procédure disciplinaire engagée par son employeur au début du mois de février 2022. Quelques jours plus tard, le médecin du travail a déclaré l’intéressé définitivement inapte à son poste, excluant tout maintien dans un emploi au sein de l’entreprise. L’inspectrice du travail a néanmoins autorisé le licenciement pour faute, décision que le tribunal administratif de Dijon a annulée par un jugement du 21 mars 2024. La société a alors interjeté appel en soutenant que l’antériorité des poursuites disciplinaires et la fraude supposée du salarié devaient valider l’autorisation administrative. La juridiction d’appel devait déterminer si l’existence d’un avis d’inaptitude fait obstacle à une autorisation de licenciement fondée sur un motif étranger à l’état de santé. Elle confirme l’annulation de l’autorisation en jugeant que l’inaptitude médicale prime sur tout autre motif de rupture dès son prononcé officiel par le médecin. La solution retenue par les juges lyonnais invite à examiner la primauté absolue du régime de l’inaptitude avant d’analyser l’inefficacité des contestations patronales.

I. La prééminence impérative du régime de l’inaptitude physique sur le licenciement disciplinaire

A. L’indifférence de la chronologie de l’engagement des poursuites disciplinaires La juridiction administrative rappelle un principe protecteur de la santé des travailleurs dont le contrat est menacé par une sanction. L’arrêt précise qu’une fois le salarié déclaré inapte, l’inspecteur ne peut « postérieurement à cet avis, autoriser le licenciement pour un motif autre que l’inaptitude ». Cette règle s’applique avec une rigueur absolue, indépendamment du fait que la faute reprochée ait été commise ou constatée avant l’examen médical. L’employeur arguait vainement que la convocation à l’entretien préalable et la demande d’autorisation étaient intervenues antérieurement au constat de l’inaptitude. La Cour écarte ce moyen en soulignant que la situation de santé constatée au jour de la décision administrative doit prévaloir sur le pouvoir disciplinaire. Le juge administratif privilégie ainsi la protection physique du salarié sur l’exercice des prérogatives de sanction dont dispose normalement le chef d’entreprise.

B. La force contraignante du constat médical pour l’autorité administrative L’inspectrice du travail a méconnu l’étendue de ses obligations en validant une rupture pour faute après le constat définitif d’une incapacité physique. Le médecin du travail avait indiqué que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » dans son avis officiel. Un tel constat lie l’administration qui ne peut plus alors se prononcer sur la matérialité ou la gravité d’un quelconque manquement professionnel. La Cour administrative d’appel de Lyon confirme que l’avis médical s’impose à l’employeur comme à l’inspecteur dès qu’il est régulièrement rendu. Aucune dérogation n’est admise, même si la société invoque un comportement déloyal ou une absence d’origine professionnelle de l’altération de la santé. La solution garantit que l’impératif de santé publique l’emporte sur les considérations contractuelles lors de la phase terminale du contrat de travail.

II. L’encadrement strict des moyens de contestation et de la compétence juridictionnelle

A. L’absence d’effet suspensif du recours formé devant la juridiction prud’homale La société a tenté de paralyser les effets de l’avis médical en saisissant le conseil des prud’hommes pour en contester le bien-fondé technique. Cependant, l’arrêt souligne fermement que « un tel recours n’a pas d’effet suspensif » sur la validité immédiate des conclusions du médecin de prévention. L’existence d’une procédure judiciaire parallèle ne permet pas à l’inspecteur du travail de s’affranchir des constatations médicales en vigueur lors de son examen. La Cour relève d’ailleurs que l’employeur n’avait pas maintenu ses diligences devant le juge judiciaire de manière constante avant l’issue du litige administratif. Cette fermeté jurisprudentielle empêche les entreprises de retarder le traitement de l’inaptitude par des recours purement dilatoires dirigés contre les services de santé. La légalité de la décision administrative s’apprécie uniquement au regard des avis médicaux s’imposant aux parties au moment où elle intervient.

B. L’incompétence du juge administratif pour connaître des allégations de fraude médicale L’employeur soutenait que l’avis d’inaptitude résultait d’une fraude orchestrée par le salarié avec la complicité active de son médecin traitant personnel. Les juges administratifs refusent d’examiner ce moyen en affirmant que les « fraudes entachant cet avis d’inaptitude ne sauraient être connues du juge administratif ». Cette séparation des compétences interdit au juge de l’excès de pouvoir de remettre en cause la véracité d’un acte médical à caractère technique. Une telle contestation relève exclusivement de la compétence du juge judiciaire, gardien de la régularité des avis rendus sous le contrôle de l’ordre des médecins. Le juge administratif se borne à vérifier l’existence de l’avis sans interférer dans les débats sur la sincérité des pathologies constatées. Cette solution limite strictement le périmètre du contentieux de l’autorisation au contrôle de la procédure et de la qualification juridique des faits.

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Hassan KOHEN
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