Cour d’appel administrative de Lyon, le 18 septembre 2025, n°24LY00564

Par un arrêt en date du 18 septembre 2025, une cour administrative d’appel a été amenée à se prononcer sur la légalité d’un refus de renouvellement de titre de séjour opposé à un étudiant étranger. En l’espèce, un ressortissant tchadien, entré en France en décembre 2021 pour y poursuivre des études supérieures, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Après une première année en tant qu’auditeur libre, il s’est inscrit en première année de licence mais n’a validé qu’une très faible partie des crédits universitaires requis. L’autorité préfectorale, par une décision du 10 août 2023, a refusé de renouveler son titre, a assorti ce refus d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. L’intéressé a alors saisi le tribunal administratif de Lyon, qui, par un jugement du 23 janvier 2024, a rejeté sa demande. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, soutenant que le refus de séjour méconnaissait l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, et que, par voie de conséquence, l’obligation de quitter le territoire était illégale, insuffisamment motivée et prise en violation des protections liées à son état de santé. La question de droit qui se posait à la cour était de savoir si l’absence de progression significative dans le cursus universitaire d’un étudiant étranger sur une période de deux ans suffisait à caractériser un défaut de sérieux et de réalité des études, justifiant ainsi un refus de renouvellement de son titre de séjour. La cour administrative d’appel a rejeté la requête, confirmant le jugement de première instance. Elle a estimé que l’autorité préfectorale n’avait pas commis d’erreur en considérant que « l’absence de progression de ses études supérieures » faisait obstacle au renouvellement du titre, et que les autres moyens soulevés à l’encontre de la mesure d’éloignement n’étaient pas fondés.

Cette décision illustre le contrôle exercé par le juge administratif sur l’appréciation du caractère réel et sérieux des études par l’administration (I), une appréciation dont découlent des conséquences quasi automatiques sur le droit au séjour de l’étranger (II).

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I. La confirmation du pouvoir d’appréciation de l’administration sur le sérieux des études

L’arrêt rappelle que la délivrance d’un titre de séjour pour un étudiant est conditionnée à la démonstration du caractère réel et sérieux de son parcours (A), et en fait une application rigoureuse aux faits de l’espèce (B).

A. Le rappel des critères d’appréciation du parcours de l’étudiant

L’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile subordonne la délivrance de la carte de séjour portant la mention « étudiant » à la condition que l’étranger établisse « qu’il suit un enseignement en France ou qu’il y fait des études ». La jurisprudence a depuis longtemps précisé que l’administration, sous le contrôle du juge, doit vérifier la réalité et le sérieux de ces études. Pour ce faire, elle examine un faisceau d’indices, incluant l’assiduité de l’étudiant, sa présentation aux examens et, de manière déterminante, les résultats obtenus et sa progression dans le cursus choisi. Le juge administratif exerce sur cette évaluation un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation, ne censurant que les décisions qui reposent sur une analyse des faits à l’évidence erronée. Le redoublement n’est pas en soi un obstacle dirimant, mais des échecs répétés et une stagnation dans le parcours académique peuvent légalement fonder un refus. La décision commentée s’inscrit pleinement dans cette ligne jurisprudentielle constante, en réaffirmant qu’il appartient bien à l’autorité préfectorale « d’apprécier notamment, à partir de l’ensemble du dossier et sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies ».

B. Une application factuelle rigoureuse des critères

En l’espèce, la cour a validé l’analyse de l’administration en se fondant sur des éléments objectifs et circonstanciés. Elle relève qu’au terme de deux années de présence sur le territoire, l’étudiant « n’avait ainsi validé aucune année d’enseignement supérieur ». Le fait qu’il n’ait obtenu que « quatre des soixante crédits » de sa première année de licence a été considéré comme un indice probant de l’absence de progression. La cour examine également les justifications avancées par le requérant, notamment des problèmes de santé. Cependant, elle les écarte en constatant que les pièces médicales produites « n’attestent par ailleurs d’aucune gravité » et ne sauraient, à elles seules, expliquer l’échec quasi complet de son année universitaire. Cette analyse factuelle précise démontre que le juge ne se contente pas de constater l’échec, mais en apprécie les causes pour s’assurer que le refus de l’administration n’est pas manifestement disproportionné. En concluant que le préfet « n’a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de renouveler le titre de séjour », la cour confirme que l’absence de résultats tangibles sur une période prolongée constitue un motif suffisant pour remettre en cause le sérieux des études.

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II. La portée limitée du contrôle sur les conséquences du refus de séjour

La validation du refus de renouvellement du titre de séjour entraîne des effets en cascade sur la mesure d’éloignement qui l’accompagne (A), face auxquels les autres moyens soulevés par le requérant s’avèrent inopérants (B).

A. Le caractère automatique de l’obligation de quitter le territoire

La décision de refus de séjour constitue le fondement juridique de l’obligation de quitter le territoire français, conformément au 3° de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par conséquent, dès lors que le refus de titre est jugé légal, l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de la mesure d’éloignement est nécessairement écartée. C’est ce que la cour constate logiquement en affirmant que le requérant « n’est pas fondé à invoquer, par voie d’exception, l’illégalité du refus de titre de séjour pour contester l’obligation de quitter le territoire français dont il est assorti ». De plus, l’arrêt rappelle une règle procédurale importante issue de l’article L. 613-1 du même code : lorsque l’obligation de quitter le territoire est fondée sur un refus de séjour, elle « n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour ». La motivation du refus de titre de séjour suffit donc à motiver la mesure d’éloignement. Le moyen tiré de l’insuffisance de motivation est ainsi rejeté, la légalité de la première décision rejaillissant sur la seconde.

B. L’inefficacité des protections subsidiaires invoquées

Le requérant tentait enfin de se prévaloir de la protection prévue au 9° de l’article L. 611-3 du code, qui interdit l’éloignement d’un étranger dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité. La cour se livre ici encore à une analyse concrète de la situation. Elle relève que les pathologies invoquées, à savoir des allergies cutanées et des douleurs abdominales, ne correspondent pas au degré de gravité exigé par la loi. Les pièces produites ne font état « d’un traitement dont le défaut entraînerait des conséquences d’une exceptionnelle gravité », ni de l’indisponibilité d’un tel traitement dans le pays d’origine. La cour en déduit que cette protection n’était pas applicable en l’espèce. Cet arrêt démontre ainsi que la protection liée à l’état de santé est d’interprétation stricte et ne peut être mobilisée pour des affections courantes ne présentant pas un risque vital avéré. Le rejet de l’ensemble des moyens confirme le caractère inéluctable de l’éloignement une fois le défaut de sérieux des études définitivement établi.

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Hassan KOHEN
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