Cour d’appel administrative de Lyon, le 18 septembre 2025, n°24LY02892

Par un arrêt en date du 18 septembre 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a statué sur les conditions de renouvellement d’un titre de séjour portant la mention « étudiant ». En l’espèce, une ressortissante étrangère, entrée en France en 2020 pour y poursuivre des études supérieures, s’est vu opposer un refus de renouvellement de son titre de séjour par l’autorité préfectorale. Cette décision était motivée, d’une part, par l’absence de progression dans son cursus universitaire et, d’autre part, par le dépassement de la durée légale de travail autorisée pour les étudiants étrangers.

Saisi d’un recours en annulation, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l’intéressée par un jugement du 18 juin 2024. La requérante a interjeté appel de ce jugement, contestant l’appréciation portée par l’administration sur sa scolarité et sur ses ressources. Elle soutenait notamment avoir validé plusieurs unités d’enseignement et que le dépassement de son temps de travail ne pouvait justifier un refus de séjour. Se posait donc au juge d’appel la question de savoir si le non-respect des conditions de progression des études et de la durée accessoire de travail peut, cumulativement, fonder légalement un refus de renouvellement de titre de séjour pour un étudiant.

La cour administrative d’appel de Lyon a confirmé la légalité de la décision administrative, considérant que les faits reprochés à la requérante justifiaient le rejet de sa demande. Elle estime que l’absence de progression sur plusieurs années et l’exercice d’une activité salariée au-delà du plafond autorisé caractérisent un manquement aux obligations attachées à son statut. Cette décision réaffirme la rigueur avec laquelle les conditions du séjour étudiant sont examinées (I), tout en confirmant l’étendue du pouvoir d’appréciation de l’administration sous le contrôle du juge (II).

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I. La confirmation des exigences cumulatives du droit au séjour de l’étudiant

La solution retenue par la cour administrative d’appel de Lyon s’articule autour de deux critères principaux que sont le sérieux des études et le caractère accessoire de l’activité professionnelle, dont elle rappelle le caractère impératif. Elle valide ainsi une interprétation stricte de l’exigence d’une progression effective dans le parcours universitaire (A) et précise les conséquences juridiques du dépassement de la quotité de travail autorisée (B).

A. L’exigence d’une progression réelle et sérieuse des études

L’un des fondements du droit au séjour pour les étudiants réside dans la réalité de leur projet d’études. L’arrêt commenté réaffirme avec force que la seule inscription administrative dans un établissement d’enseignement supérieur est insuffisante. En l’espèce, le juge relève que la requérante, après quatre années d’inscription en troisième année de licence puis de bachelor, « ne justifie d’aucune progression dans ses études ». Cette formule souligne que le contrôle de l’administration ne se limite pas à une vérification formelle des certificats de scolarité.

La cour entérine une appréciation globale et concrète du parcours académique. Le fait que l’étudiante ait pu valider quelques unités de valeur n’a pas été jugé suffisant pour établir la réalité et le sérieux de ses études. Ce qui importe est l’avancée tangible vers l’obtention d’un diplôme. La décision confirme ainsi une jurisprudence constante qui exige des résultats et une progression cohérente, et non une simple persistance dans un même cycle sans succès. L’échec répété sur plusieurs années est interprété comme un détournement de l’objet même du titre de séjour « étudiant ».

B. Le caractère accessoire de l’activité professionnelle salariée

Le second motif de la décision administrative, validé par la cour, concerne les moyens d’existence de l’étudiante. La législation autorise les étudiants étrangers à exercer une activité professionnelle salariée « à titre accessoire », dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle, soit 964 heures. En l’espèce, les pièces du dossier ont révélé que l’intéressée avait travaillé au-delà de cette limite.

L’apport de l’arrêt est de lier explicitement ce dépassement à la condition de justification de « moyens d’existence suffisants ». Le juge considère que le travail au-delà du plafond légal fait obstacle à ce que l’étudiante puisse « être regardée comme disposant de revenus au plus égaux à ceux tirés d’une activité exercée dans la limite de 60 % ». Autrement dit, l’activité professionnelle salariée doit conserver un caractère secondaire. Lorsqu’elle devient l’activité principale, elle remet en cause le statut même de l’étudiant, dont le séjour est principalement conditionné par la poursuite de ses études.

II. La portée de l’appréciation administrative de la situation de l’étudiant

En rejetant la requête, la cour administrative d’appel ne se contente pas de valider les motifs du refus ; elle confirme également la marge d’appréciation dont dispose l’autorité préfectorale pour évaluer la situation globale d’un demandeur (A). Cette décision a également pour effet de valider, par voie de conséquence, les mesures d’éloignement qui accompagnaient le refus de titre (B).

A. Une appréciation concrète de l’ensemble de la situation

Cet arrêt illustre parfaitement l’exercice du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation par le juge administratif. La cour ne substitue pas sa propre évaluation à celle de l’administration, mais vérifie si cette dernière n’a pas commis une erreur grossière en analysant les faits. En l’espèce, la combinaison de l’absence de progrès universitaire et d’une activité professionnelle excédant le cadre légal a permis au juge de conclure à l’absence d’une telle erreur.

La force de la motivation de l’administration réside dans la convergence de plusieurs éléments. Pris isolément, un redoublement ou un léger dépassement du temps de travail n’aurait peut-être pas suffi à justifier un refus. C’est bien la conjonction des deux manquements qui a convaincu le juge du bien-fondé de la décision. La portée de l’arrêt est donc de rappeler que l’administration est en droit de procéder à un examen d’ensemble de la situation de l’étranger, en appréciant la cohérence entre son statut déclaré et son comportement effectif sur le territoire.

B. La légalité du refus de séjour et de ses mesures accessoires

La validation du refus de renouvellement du titre de séjour emporte des conséquences directes sur la légalité des autres décisions contestées. La requérante soutenait en effet que l’illégalité du refus de titre devait entraîner, par ricochet, l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français, du délai de départ volontaire et de la décision fixant le pays de destination.

Conformément à une jurisprudence établie, le juge écarte ce moyen en appliquant la théorie des décisions formant une chaîne d’opérations complexes. La légalité de la mesure principale, à savoir le refus de séjour, ayant été confirmée, les mesures accessoires qui en découlent logiquement ne peuvent être jugées illégales pour ce motif. L’arrêt confirme ainsi que, sauf moyen propre dirigé contre elles, les mesures d’éloignement sont justifiées dès lors que l’étranger ne dispose plus d’un droit au séjour. La solution est classique mais rappelle la mécanique implacable du contentieux des étrangers.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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