Par un arrêt rendu le 18 septembre 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon précise les conditions de légalité d’une mesure d’éloignement fondée sur une menace pour l’ordre public. Un ressortissant étranger a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, demande sur laquelle l’autorité préfectorale a gardé le silence pendant plus de quatre mois. Suite à une interpellation pour des faits de violences, le représentant de l’État a édicté une obligation de quitter le territoire français sans délai. Le Tribunal administratif de Lyon a initialement annulé cet arrêté, décision contre laquelle l’autorité préfectorale a formé un recours en appel. Le litige porte sur la validité d’un refus de séjour implicite et sur la réalité des garanties de représentation de l’administré. La juridiction d’appel confirme la légalité de l’obligation de quitter le territoire tout en censurant l’absence de délai de départ volontaire.
I. La reconnaissance du bien-fondé de l’obligation de quitter le territoire
A. La confirmation d’une décision implicite de refus de séjour
Le juge d’appel rappelle que « le silence gardé par l’administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet » au terme d’un délai de quatre mois. En l’espèce, l’intéressé avait déposé sa demande de renouvellement le 25 février 2020, faisant naître une décision négative dès le 25 juin de la même année. L’autorité préfectorale s’est valablement fondée sur ce refus pour édicter l’obligation de quitter le territoire français conformément aux dispositions du code de l’entrée et du séjour. Le préfet n’a pas entendu substituer une décision explicite au rejet initial mais a simplement constaté que le requérant entrait dans une catégorie d’éloignement. Cette interprétation sécurise la base légale de la mesure d’éloignement en la rattachant à une procédure de demande de titre restée sans réponse positive.
B. La caractérisation de la menace pour l’ordre public
La Cour administrative d’appel de Lyon valide le motif tiré de la menace pour l’ordre public malgré l’existence de faits postérieurs à la décision. Le juge administratif souligne que « le préfet aurait pris la même décision s’il s’était fondé seulement sur les faits antérieurs ou contemporains » du refus implicite. L’intéressé était déjà connu pour des faits de violences conjugales, de recel de biens et de conduite sans permis ayant entraîné des incarcérations. Ces éléments, antérieurs au 25 juin 2020, suffisaient à établir que la présence de l’étranger constituait un trouble pour la sécurité et la tranquillité publiques. Le juge rejette ainsi l’exception d’illégalité du refus de séjour, considérant que l’examen de la situation personnelle avait été suffisamment opéré par l’administration.
La validation du motif de fond n’exclut toutefois pas un contrôle rigoureux des modalités d’exécution de l’éloignement imposées par l’autorité préfectorale à l’administré.
II. L’infirmation des modalités d’exécution et de l’interdiction de retour
A. La protection du droit au délai de départ volontaire
L’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ lorsqu’il existe un risque que l’étranger se soustraie à la mesure d’éloignement prévue. Pour justifier ce refus, le préfet invoquait l’instabilité du logement du requérant suite à une nouvelle interpellation pour des violences sur sa conjointe résidente. La Cour administrative d’appel de Lyon considère cependant que l’intéressé, étant titulaire du bail et à jour de ses loyers, disposait d’une résidence effective. Le juge précise que « cette seule circonstance relevée par le préfet ne permet pas de considérer que son adresse est dépourvue de pérennité » suffisante. L’absence de renouvellement du récépissé de demande de titre de séjour ne suffit pas non plus à démontrer une absence de garanties de représentation.
B. L’annulation par voie de conséquence de l’interdiction de retour
L’annulation du refus de délai de départ volontaire entraîne nécessairement celle de l’interdiction de retour sur le territoire français édictée pour une durée de deux ans. En vertu de l’article L. 612-6 du code de l’entrée et du séjour, une telle interdiction est de droit lorsque aucun délai n’est accordé. La décision d’interdiction de retour « doit être annulée par voie de conséquence de l’annulation du refus d’octroyer » un délai pour quitter volontairement le pays. Cette solution restaure les droits procéduraux de l’étranger tout en maintenant le principe de son obligation de quitter la France pour des raisons d’ordre public. L’arrêt censure ainsi un automatisme administratif qui n’aurait pas tenu compte de la réalité des garanties de domiciliation du ressortissant étranger.