La cour administrative d’appel de Lyon, par une décision rendue le 19 décembre 2024, précise les conditions d’application de l’autorité de la chose jugée en matière fiscale. Une entreprise du secteur du bâtiment a subi une vérification de comptabilité ayant entraîné des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de pénalités. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge par un jugement du 17 mars 2023. La requérante soutient devant le juge d’appel que la procédure d’imposition est irrégulière faute de saisine complète de la commission départementale compétente. Le ministre oppose alors une fin de non-recevoir tirée de l’existence d’un précédent arrêt définitif rendu par la même juridiction d’appel. La question posée concerne la nature juridique de l’exception de chose jugée ainsi que son incidence sur la recevabilité de nouveaux moyens contentieux. La cour administrative d’appel de Lyon rejette la fin de non-recevoir mais confirme que l’autorité de la chose jugée fait obstacle à toute nouvelle contestation.
I. La délimitation des notions de recevabilité et de régularité juridictionnelle
A. La nature substantielle de l’exception de chose jugée
La juridiction d’appel écarte d’abord la fin de non-recevoir soulevée par l’administration fiscale concernant l’autorité d’une précédente décision de justice. Le juge considère effectivement que « l’exception de chose jugée concerne le fond du droit et ne constitue pas une fin de non-recevoir ». Cette position réaffirme une distinction classique entre les conditions de recevabilité de l’action et les moyens de défense touchant au mérite du litige. L’autorité de la chose jugée ne s’oppose pas à l’introduction d’un recours mais dicte le sens de la réponse à apporter au litige. Elle constitue ainsi une exception de procédure dont le succès entraîne le rejet du fond de la demande sans empêcher l’examen de la requête.
B. L’étanchéité entre les moyens de régularité et le bien-fondé du jugement
L’arrêt précise ensuite le périmètre du contrôle exercé par le juge d’appel sur la régularité des décisions rendues en première instance. La société appelante invoquait une erreur de droit et une dénaturation des pièces du dossier pour contester la régularité du jugement attaqué. La cour juge que « de tels moyens se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué et sont sans incidence sur sa régularité ». Cette analyse préserve la séparation stricte entre les vices de forme de la sentence et les erreurs de raisonnement juridique. Les critiques relatives à la qualification des faits relèvent exclusivement du bien-fondé et n’affectent jamais la validité formelle de la décision rendue.
II. L’opposabilité de l’autorité de la chose jugée aux moyens de légalité externe
A. Le constat d’une triple identité de parties, d’objet et de cause
L’application de l’autorité de la chose jugée suppose la réunion de trois conditions cumulatives relatives aux parties, à l’objet et à la cause juridique. La cour administrative d’appel de Lyon relève ici une identité parfaite entre le présent litige et une instance précédemment tranchée de manière définitive. Elle mentionne ainsi « l’identité des parties, de l’objet de la demande de la société appelante et des motifs de l’arrêt » rendu en juin 2022. Cette concordance interdit au juge de statuer à nouveau sur des points déjà tranchés souverainement par une décision ayant force de chose jugée. Le respect de cette règle garantit la sécurité juridique et prévient toute contrariété entre les décisions successives d’une même juridiction.
B. L’éviction définitive des critiques relatives à la procédure d’imposition
Le juge conclut que l’autorité attachée au précédent arrêt fait obstacle à une nouvelle contestation de la régularité de la procédure d’imposition. La société tentait d’introduire un moyen nouveau tiré des conditions de saisine de la commission départementale des impôts directs. Ce moyen se rattachait cependant à la même cause juridique que celle soulevée lors de l’instance précédente entre les mêmes parties. L’arrêt souligne que cette identité de cause juridique « fait obstacle à ce qu’elle soulève à nouveau une contestation relative à la régularité de la procédure ». La solution confirme l’impossibilité pour un contribuable de multiplier les griefs de légalité externe une fois qu’un premier jugement définitif a statué.