La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 19 décembre 2024, précise les conditions de recevabilité du recours en contestation de validité contractuelle.
Un marché de services portant sur la gestion des déchets ménagers a été conclu en juillet 2018 entre un pouvoir adjudicateur et une société. Le titulaire a constaté une baisse importante des volumes collectés par rapport aux prévisions initiales, impactant ainsi directement sa rémunération contractuelle. Après le refus de conclure un avenant compensatoire, la société a sollicité la résiliation juridictionnelle du contrat ainsi que l’indemnisation de ses préjudices. Le Tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande pour irrecevabilité le 23 novembre 2023, faute de réclamation préalable conforme au cahier des clauses générales. La société requérante a alors interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ce jugement et le versement d’une indemnité pour les pertes subies. Le défendeur a soulevé un non-lieu à statuer au motif que le contrat était parvenu à son terme définitif avant la clôture de l’instruction.
La juridiction d’appel doit déterminer si l’expiration du contrat prive d’objet le recours et si la procédure préalable amiable s’impose à la contestation de validité. La Cour écarte le non-lieu à statuer et juge que les stipulations relatives aux différends d’exécution ne s’appliquent pas aux recours contestant la validité.
I. Le maintien de l’intérêt à agir après l’expiration du lien contractuel
A. L’absence de non-lieu à statuer malgré le terme du contrat
Le pouvoir adjudicateur soutenait que la fin du contrat, intervenue le 1er février 2024, rendait désormais sans objet la demande de résiliation présentée. La Cour rejette cet argument en affirmant que « ce recours n’a pas perdu son objet du seul fait que ce contrat est depuis parvenu à son terme ». Cette position protège le droit au recours des cocontractants contre les irrégularités ayant pu affecter la formation ou l’équilibre de la convention initiale. L’expiration naturelle des relations contractuelles n’efface pas l’intérêt pour le titulaire d’obtenir une décision sur la régularité de l’engagement qu’il a exécuté.
B. L’étendue de l’office du juge saisi d’une contestation de validité
Le juge du contrat dispose du pouvoir de prononcer l’annulation du marché en raison de vices d’une particulière gravité relatifs au consentement des parties. Son office implique d’apprécier les conséquences des irrégularités invoquées tout en tenant compte de l’exigence de loyauté ainsi que de la stabilité contractuelle. La disparition matérielle de l’engagement n’empêche pas le juge de constater une illicéité passée pour ouvrir droit à une éventuelle et nécessaire réparation indemnitaire. L’intérêt général commande que la fin de l’exécution ne valide pas rétroactivement des manquements graves commis lors de la passation du marché public.
II. L’inapplicabilité de la procédure de réclamation préalable à la validité contractuelle
A. Le domaine réservé aux seuls litiges nés de l’exécution
Le tribunal administratif avait opposé l’irrecevabilité de la demande faute pour le titulaire d’avoir respecté la procédure de règlement amiable prévue au contrat. L’arrêt précise toutefois que les stipulations du cahier des clauses administratives générales concernent « uniquement les litiges nés de l’exécution du marché ». Cette interprétation stricte du champ d’application de l’article 37 limite l’exigence d’une réclamation préalable aux seuls différends relatifs aux prestations de service. Les manquements liés à la définition des besoins ou à l’évaluation des volumes ne relèvent pas, par nature, du régime des litiges d’exécution.
B. L’annulation du jugement d’irrecevabilité fondé sur une interprétation erronée
La contestation de la validité du contrat constitue un recours de plein contentieux autonome qui n’est pas assujetti aux formalités propres aux différends contractuels. Par conséquent, l’absence de mémoire en réclamation ne saurait légalement fonder une décision d’irrecevabilité à l’encontre d’une action contestant la validité du marché. La Cour annule donc le jugement du Tribunal administratif de Lyon et lui renvoie l’affaire pour qu’il soit statué au fond sur le litige. Cette solution garantit au cocontractant un accès effectif au juge pour discuter des fautes commises par le pouvoir adjudicateur durant la phase précontractuelle.