Cour d’appel administrative de Lyon, le 19 décembre 2024, n°24LY00419

La Cour administrative d’appel de Lyon, dans son arrêt du 19 décembre 2024, se prononce sur le refus de délivrance d’un titre de séjour exceptionnel. Un ressortissant étranger, entré sur le territoire national en 1998, sollicitait la régularisation de sa situation administrative après le rejet de sa demande d’asile. Malgré une présence prolongée, l’intéressé a fait l’objet de nombreuses mesures d’éloignement et d’une interdiction judiciaire du territoire restées sans exécution.

Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté préfectoral par un jugement rendu le 18 janvier 2024. Le requérant a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure en invoquant une méconnaissance de sa vie privée et de son insertion professionnelle. Il soutient notamment que son activité de plaquiste et l’ancienneté de sa présence justifient son admission au séjour à titre exceptionnel.

La question posée aux juges porte sur la possibilité d’obtenir un titre de séjour malgré un maintien irrégulier persistant et des attaches familiales inexistantes. La Cour administrative d’appel de Lyon confirme la décision des premiers juges en soulignant la fragilité des preuves apportées par le requérant. L’analyse portera d’abord sur l’appréciation rigoureuse des conditions d’admission exceptionnelle au séjour (I), avant d’étudier la conciliation entre vie privée et contrôle de l’immigration (II).

I. L’appréciation rigoureuse des conditions d’admission exceptionnelle au séjour

A. L’exigence de preuves probantes d’une insertion professionnelle

La juridiction administrative rappelle que l’admission au séjour pour des motifs exceptionnels nécessite des éléments concrets justifiant une intégration réelle par le travail. Le requérant invoquait une activité de plaquiste exercée durant la quasi-totalité de son séjour en France pour appuyer sa demande. Toutefois, le juge estime qu’il « n’établit pas (…) la réalité de l’activité professionnelle de plaquiste qu’il soutient avoir exercée durant l’ensemble de son séjour en France ».

Cette exigence de preuve renforce le pouvoir d’appréciation du préfet sur le caractère exceptionnel ou humanitaire de la situation de l’étranger. Les magistrats écartent les documents imprécis comme les virements bancaires d’origine inconnue ou les attestations limitées à la seule période du confinement sanitaire. L’absence de stabilité professionnelle avérée fait ainsi obstacle à la reconnaissance d’un motif exceptionnel au sens du code de l’entrée et du séjour.

B. L’insuffisance de la durée du séjour comme motif autonome de régularisation

La présence sur le territoire depuis plus de vingt-cinq ans ne constitue pas, en elle-même, une circonstance suffisante pour obtenir un titre de séjour. La Cour administrative d’appel de Lyon souligne que l’intéressé s’est maintenu illégalement malgré huit mesures d’éloignement successives prises par l’autorité préfectorale compétente. Le refus de séjour ne constitue pas une erreur manifeste d’appréciation dès lors que les attaches privées demeurent particulièrement ténues.

L’arrêt précise que le requérant « n’établit pas que son admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels ». Cette position confirme une jurisprudence constante refusant de valider une stratégie de maintien irrégulier prolongé pour forcer une régularisation administrative ultérieure. La situation du requérant doit également être examinée au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale.

II. La conciliation entre le droit au respect de la vie privée et les impératifs de l’ordre public

A. L’absence d’une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et familiale

L’examen de la situation personnelle du requérant au regard de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme reste central. Les juges notent que l’intéressé est célibataire, dépourvu de descendance sur le territoire national et ne justifie d’aucun logement personnellement géré ou autonome. La Cour affirme qu’il « n’établit pas la réalité et l’intensité des attaches privées et familiales qu’il aurait nouées en France, en dépit de la durée de son séjour ».

Le droit au respect de la vie privée ne saurait être invoqué utilement lorsque l’insertion sociale reste aussi superficielle malgré les années écoulées. L’atteinte portée aux intérêts personnels du ressortissant étranger ne présente pas un caractère disproportionné par rapport aux buts légitimes de la décision. Cette rigueur dans l’appréciation des liens personnels se double d’une prise en compte des antécédents judiciaires et administratifs du requérant.

B. La portée de l’arrêt face à une présence irrégulière persistante

La décision s’inscrit dans une volonté de fermeté vis-à-vis des étrangers ayant fait l’objet de condamnations pénales assorties d’une interdiction du territoire. La juridiction mentionne explicitement la mesure d’interdiction judiciaire du territoire national pour trois ans prononcée par une juridiction répressive quelques années auparavant. Cette circonstance pèse lourdement dans la balance des intérêts en présence en faveur de l’administration lors de l’examen de la demande.

La solution retenue par la Cour administrative d’appel de Lyon dissuade le recours systématique aux dispositions relatives à la vie privée pour contourner l’éloignement. Cet arrêt illustre parfaitement la rigueur du contrôle juridictionnel exercé sur les décisions préfectorales refusant l’admission au séjour des étrangers sans attaches réelles. Le maintien du refus de titre de séjour confirme la primauté de l’ordre public sur une présence durable mais dépourvue d’insertion véritable.

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Hassan KOHEN
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