La Cour administrative d’appel de Lyon, le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq, examine les conditions d’engagement de la responsabilité de deux collectivités locales. Des commerçants d’un quartier urbain soutiennent que des travaux de réhabilitation ainsi que des carences dans l’exercice du pouvoir de police ont causé des pertes d’exploitation. Le tribunal administratif de Grenoble ayant rejeté leurs demandes indemnitaires le douze octobre deux mille vingt-trois, les requérants ont alors interjeté appel devant la juridiction lyonnaise. La question posée au juge porte sur l’imputabilité des préjudices invoqués à la réalisation d’ouvrages publics ou à une faute dans la gestion de l’ordre public. La juridiction rejette la requête en examinant successivement le régime de responsabilité sans faute des travaux publics puis les éventuelles carences dans l’exercice des pouvoirs de police.
I. L’exigence de preuve d’un préjudice anormal et spécial lié aux travaux publics
A. Le régime de responsabilité sans faute à l’égard des tiers
« Le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers. » Cette responsabilité sans faute impose néanmoins aux victimes de démontrer un lien de causalité direct entre l’existence de l’ouvrage et le préjudice commercial subi. En l’espèce, les commerçants affirmaient que les opérations de démolition et de réhabilitation avaient durablement entravé l’accès à leurs établissements et dégradé leur environnement immédiat. Cependant, cette garantie de principe ne dispense pas les victimes de prouver la réalité d’un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ou de l’urbanisation.
B. L’absence de démonstration d’une rupture d’égalité devant les charges publiques
« Les tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. » À l’inverse, pour les dommages permanents résultant de la seule présence ou du fonctionnement de l’ouvrage, le caractère anormal et spécial du préjudice demeure exigé. Le juge relève que la municipalité a pris des mesures concrètes, telles qu’une signalétique adaptée et le maintien du stationnement, pour préserver l’attractivité du quartier. Dès lors, les photographies et les témoignages généraux versés au dossier ne permettent pas d’établir une incidence réelle et persistante des travaux sur l’activité commerciale.
II. Le partage des compétences de police et l’appréciation de la carence fautive
A. La distinction entre missions de police municipale et police étatisée
« Dans les communes où la police est étatisée, le maire est compétent pour réprimer les atteintes à la tranquillité publique en ce qui concerne les troubles de voisinage. » L’État assure, par principe, la répression des autres atteintes à la sécurité et à la tranquillité publiques, limitant ainsi la responsabilité de la commune aux seules carences municipales. Les faits d’incendies de véhicules ou d’infractions graves commis dans l’espace public relèvent ainsi de la police étatisée et non de l’autorité du maire de la commune. Si la sécurité générale échappe à la compétence municipale, le maire conserve néanmoins des obligations spécifiques en matière de salubrité et de commodité du passage.
B. Le contrôle restreint sur l’adéquation des mesures de salubrité publique
« Les requérants ne sont pas fondés à reprocher au maire une insuffisance des mesures prises pour lutter contre les atteintes portées à la commodité de passage. » L’administration a ordonné des opérations régulières de ramassage des encombrants, démontrant ainsi une action positive face aux dépôts sauvages d’ordures signalés par les habitants. Faute de démontrer une carence persistante, les requérants ne peuvent engager la responsabilité de la métropole pour la gestion des déchets ménagers sur le territoire concerné. La juridiction administrative confirme ainsi l’absence de droit à réparation, faute pour les commerçants d’établir l’existence de fautes administratives ou de dommages indemnisables.