Cour d’appel administrative de Lyon, le 19 juin 2025, n°24LY01677

Par un arrêt rendu le 19 juin 2025, la cour administrative d’appel de Lyon précise les conditions de consultation obligatoire de la commission du titre de séjour. Une ressortissante étrangère est entrée sur le territoire national en 2012 avec sa famille et a sollicité vainement l’obtention de l’asile auprès des autorités. Après plusieurs refus de séjour, l’intéressée a déposé en 2018 une nouvelle demande d’admission exceptionnelle au séjour fondée sur des motifs humanitaires et familiaux. La représentante de l’État dans le département a opposé un refus exprès à cette requête par une décision datée du 24 novembre 2023. Le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande d’annulation de cet acte par un jugement dont la requérante a ensuite relevé régulièrement appel. Le litige porte sur l’obligation pour l’administration de consulter la commission compétente lorsque l’étranger justifie d’une résidence habituelle supérieure à dix années. L’autorité préfectorale est-elle tenue de solliciter l’avis de cet organisme avant de refuser un titre de séjour à un étranger présent depuis une décennie ? La cour administrative d’appel annule le jugement ainsi que la décision contestée en constatant l’absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour. L’examen du caractère impératif de cette garantie procédurale précédera l’analyse de l’appréciation concrète portée par le juge sur la continuité de la résidence.

I. L’affirmation d’une garantie procédurale impérative

A. Le champ d’application de la saisine obligatoire

L’article L. 432-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers dispose que « dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour ». Cette instance doit être saisie par l’autorité administrative lorsqu’elle envisage de refuser la délivrance d’un titre dans certains cas limitativement énumérés par la loi. L’admission exceptionnelle au séjour, prévue par l’article L. 435-1 du même code, constitue l’une des hypothèses déclenchant obligatoirement cette consultation sous certaines conditions. L’administration dispose certes d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier les motifs humanitaires, mais elle doit respecter les formes protectrices prévues pour les résidents de longue durée. La jurisprudence administrative rappelle ainsi que le respect de cette procédure constitue une garantie substantielle dont la méconnaissance entache systématiquement la légalité de la décision.

B. L’automatisme de la consultation liée à la durée du séjour

Selon le texte susvisé, l’autorité administrative « est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission » si l’étranger réside habituellement en France. Cette obligation de saisine devient automatique dès lors que la durée de présence sur le territoire national excède dix ans au moment de l’examen. Le juge d’appel relève ici que la représentante de l’État ne justifie d’aucune diligence concernant la consultation de l’organisme compétent avant l’édiction du refus. La requérante se trouvait pourtant dans la situation juridique exacte prévue par le législateur pour bénéficier de cette protection procédurale particulière contre l’éloignement. Le défaut de consultation prive l’intéressée d’une étape essentielle de l’instruction de son dossier, justifiant ainsi l’annulation de l’acte administratif pour vice de procédure.

II. Une appréciation souveraine et concrète de la présence territoriale

A. La diversité des modes de preuve de la résidence

Pour bénéficier de la garantie, l’administré doit apporter la preuve de sa résidence habituelle par tout moyen présentant un caractère de précision et de probant. La requérante produit de nombreux documents tels que des certificats de scolarité, des diplômes, des factures d’hébergement ainsi que des attestations de suivi médical. La cour administrative d’appel estime que l’intéressée « justifie suffisamment, par les pièces produites au dossier, de la continuité de son séjour au France » depuis 2012. L’examen global des documents permet d’établir une présence ininterrompue couvrant la période décennale exigée par les dispositions protectrices du code de l’entrée et du séjour. Le juge refuse de s’en tenir aux seules déclarations administratives pour privilégier une analyse matérielle et concrète de la situation réelle de la famille.

B. La sanction nécessaire de l’irrégularité administrative

L’absence de saisine de la commission constitue une irrégularité qui vicie la décision de refus sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés. La cour administrative d’appel de Lyon souligne que « la décision, qui est entachée d’un vice de procédure, doit pour ce motif être annulée ». Cette solution oblige l’administration à reprendre l’instruction du dossier en respectant les formes légales, incluant le recueil de l’avis de la commission départementale. Les juges ordonnent par conséquent le réexamen de la situation de la requérante dans un délai de deux mois à compter de la notification. Ils prescrivent également la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour afin de sécuriser la présence de l’intéressée durant cette nouvelle phase de procédure. L’arrêt rappelle ainsi que la durée de présence en France crée des droits procéduraux dont le respect s’impose strictement aux autorités préfectorales.

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Hassan KOHEN
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