Par un arrêt en date du 19 juin 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon a précisé les conditions dans lesquelles l’administration peut exiger le remboursement des aides versées au titre du fonds de solidarité institué durant la crise sanitaire. En l’espèce, un auto-entrepreneur exerçant une activité de restauration rapide avait perçu plusieurs aides entre mars 2020 et février 2021. À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale a constaté que l’allocataire n’avait pas transmis l’ensemble des pièces justificatives demandées afin de vérifier son éligibilité et le montant des sommes allouées. Par conséquent, elle a émis un titre de perception visant à recouvrer l’intégralité des aides versées, soit une somme de 30 431 euros. L’entrepreneur a formé une réclamation préalable, qui a été rejetée. Il a alors saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande tendant à l’annulation du titre de perception et à la décharge partielle de l’obligation de payer. Par un jugement du 28 mai 2024, le tribunal a rejeté sa demande. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, soutenant d’une part que la décision de rejet de sa réclamation était insuffisamment motivée, et d’autre part qu’il remplissait effectivement les conditions d’octroi des aides litigieuses. Il se posait donc à la cour la question de savoir si le défaut de production de justificatifs probants par le bénéficiaire d’une aide du fonds de solidarité est suffisant pour fonder juridiquement la décision de l’administration d’en exiger le remboursement intégral. La cour administrative d’appel répond par l’affirmative, considérant que l’absence de documents permettant de corroborer les déclarations de chiffre d’affaires justifie la récupération des sommes versées, et que les moyens relatifs à la régularité de la décision de rejet de la réclamation sont inopérants dans le cadre d’un recours de plein contentieux.
Le juge administratif rappelle ainsi le cadre procédural strict encadrant le contentieux du recouvrement de ces aides (I), avant de confirmer que la charge de la preuve de l’éligibilité repose entièrement sur le bénéficiaire (II).
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I. Une conception rigoureuse du cadre contentieux de la récupération des aides
La cour administrative d’appel conforte la position de l’administration en neutralisant les moyens de pure procédure soulevés par le requérant. Elle écarte d’abord le grief tiré de l’irrégularité de la décision de rejet de la réclamation préalable (A), puis elle valide la motivation du titre de perception lui-même (B).
A. Le caractère inopérant du moyen tiré de l’illégalité de la décision sur réclamation
Le requérant soutenait que la décision du 12 mai 2022, rejetant sa contestation initiale, était mal fondée en droit et donc illégale. La cour écarte ce moyen en le jugeant « inopérant ». Elle rappelle en effet que le litige portant sur le bien-fondé de la créance confère au recours un caractère de « plein contentieux ». Dans ce cadre, le juge n’examine pas la légalité des décisions administratives préparatoires ou confirmatives, mais statue directement sur le droit à la créance. Par conséquent, d’éventuels vices affectant la décision qui rejette la réclamation préalable sont sans incidence sur la solution du litige. Cette approche classique permet de purger le débat des questions formelles pour se concentrer sur le fond du droit, à savoir si les sommes réclamées sont effectivement dues par l’administré.
B. La motivation suffisante du titre de perception litigieux
Le juge examine ensuite la régularité du titre exécutoire du 21 octobre 2021, qui constitue l’acte fondant la poursuite du recouvrement. Le requérant semblait contester implicitement sa motivation. La cour relève toutefois que le courrier d’information préalable du 11 juin 2021, auquel le titre se réfère, mentionnait « l’article 3-1 de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 » et indiquait « les montants versés et le montant de l’indu pour chaque mois en cause ». De plus, le titre de perception lui-même précisait l’objet de la créance. La cour en déduit que le requérant a bien été mis en mesure de « discuter utilement les bases de liquidation de la somme mise en recouvrement ». Cette analyse pragmatique de l’obligation de motivation confirme une jurisprudence constante, selon laquelle la motivation est suffisante dès lors qu’elle permet au débiteur de connaître les éléments de fait et de droit qui fondent la créance.
II. Une confirmation de la charge de la preuve pesant sur le bénéficiaire de l’aide
Au-delà des aspects procéduraux, l’arrêt précise la portée des obligations du bénéficiaire en matière de justification de son éligibilité. Il souligne l’insuffisance probatoire des seules déclarations de l’allocataire (A), et en tire la conséquence logique d’une récupération intégrale des aides en cas de défaillance (B).
A. L’insuffisance probante des documents déclaratifs non corroborés
Le cœur du raisonnement de la cour repose sur l’appréciation des éléments produits par l’entrepreneur pour justifier son droit aux aides. Celui-ci versait au dossier les relevés de situation de l’URSSAF, établis sur la base de ses propres déclarations. Or, la cour note que ces déclarations sont en contradiction avec celles qu’il a effectuées par ailleurs auprès de l’administration fiscale. Face à ces « incohérences », elle juge que de tels documents ne peuvent suffire. Elle précise que la preuve de l’éligibilité et du correct montant des aides exige la production de « tout document comptable, administratif ou financier permettant de les corroborer ». En l’absence de telles pièces, la simple déclaration, même effectuée auprès d’un organisme social, n’a pas de force probante suffisante pour établir la réalité du chiffre d’affaires et de sa baisse.
B. La légalité de la récupération intégrale comme sanction du défaut de justification
La cour tire la conséquence de cette carence probatoire en validant la démarche de l’administration. Elle s’appuie sur l’article 3-1 de l’ordonnance du 25 mars 2020, qui prévoit qu’en cas « d’absence de réponse ou de réponse incomplète » à une demande de communication de documents, « les sommes indûment perçues font l’objet d’une récupération ». Le juge considère que le fait de ne pas fournir des justificatifs suffisants pour lever les doutes sur les déclarations initiales équivaut à une réponse incomplète. Dans une telle situation, l’administration était fondée à procéder à la récupération des aides versées pour l’ensemble des mois en cause. La solution est sévère mais conforme à la lettre du texte, qui organise un régime déclaratif fondé sur la confiance, mais dont la contrepartie est une obligation de transparence et de justification a posteriori rigoureuse.