Cour d’appel administrative de Lyon, le 19 juin 2025, n°24LY02281

La Cour administrative d’appel de Lyon, dans son arrêt du 19 juin 2025, précise le régime juridique de la répartition des dépenses de fonctionnement des écoles publiques. Une commune d’accueil réclamait à une commune de résidence une participation financière pour la scolarisation d’élèves domiciliés hors de son territoire. Le tribunal administratif de Dijon avait initialement annulé les titres de recettes ainsi que la délibération fixant le montant de cette contribution. Saisie en appel, la juridiction lyonnaise doit déterminer si l’arbitrage préfectoral constitue un préalable obligatoire au recours contentieux. Elle examine également la validité de la méthode de calcul retenue par la collectivité pour fixer la participation financière demandée. L’arrêt écarte le caractère obligatoire du recours administratif et censure la décision municipale pour une erreur manifeste d’appréciation.

**I. La délimitation de la compétence juridictionnelle en matière de charges scolaires**

**A. L’absence de recours administratif préalable obligatoire devant le préfet**

L’article L. 212-8 du code de l’éducation dispose qu’à défaut d’accord sur la répartition des dépenses, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l’État. La commune d’accueil soutenait que ce recours administratif spécifique constituait un préalable obligatoire à toute saisine du juge administratif par la commune de résidence. La Cour administrative d’appel de Lyon rejette cette interprétation en soulignant que les dispositions applicables « instituent un recours administratif spécifique » sans en faire une condition de recevabilité. Elle considère qu’il « ne résulte pas de l’économie générale des dispositions précitées que ce recours administratif serait un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux ».

Le juge administratif préserve ainsi la liberté des collectivités territoriales de porter directement leur différend devant la juridiction compétente. Cette solution garantit une protection juridictionnelle efficace contre les titres de recettes émis de manière unilatérale par la commune accueillant les élèves. L’arbitrage préfectoral demeure une faculté offerte aux maires mais ne saurait restreindre l’accès au juge de l’excès de pouvoir ou de plein contentieux. Cette interprétation libérale de la procédure administrative facilite le règlement des conflits financiers entre les communes voisines.

**B. La priorité accordée à la recherche d’un accord amiable**

La juridiction souligne que le législateur a entendu privilégier le consensus entre les collectivités locales pour le financement des structures scolaires communes. L’intervention du juge ou du préfet ne doit survenir qu’en l’absence d’une entente directe sur les modalités de répartition des charges financières. La Cour administrative d’appel de Lyon précise à cet égard que « la fixation des sommes dues par la commune de résidence à la commune d’accueil soit prioritairement opérée par accord ». Cette approche valorise l’autonomie de gestion des communes et leur capacité à négocier des conditions financières adaptées aux réalités locales.

L’accord amiable permet d’éviter les procédures contentieuses longues et coûteuses pour les budgets municipaux souvent contraints. Toutefois, la recherche de cet accord ne saurait occulter le respect des critères légaux de calcul prévus par le code de l’éducation. En cas d’échec des discussions, la décision unilatérale de la commune d’accueil doit impérativement reposer sur des bases objectives et vérifiables. La transition vers le contrôle de la légalité interne de la délibération permet d’apprécier la rigueur de la méthode de calcul employée.

**II. L’encadrement substantiel de la méthode de calcul de la participation**

**A. La liberté méthodologique relative dans l’évaluation du coût moyen**

Le tribunal administratif de Dijon avait annulé la délibération au motif que la commune n’avait pas précisé les modalités de prise en compte des ressources. La Cour administrative d’appel de Lyon censure ce raisonnement en rappelant que la loi n’impose pas de formalisme excessif aux communes lors de l’accord. Le juge d’appel estime que « le législateur n’a pas entendu contraindre de façon précise l’appréciation de ces communes ni imposer l’application d’une formule de calcul abstraite et uniforme ». Cette souplesse permet aux autorités municipales d’adapter leurs critères aux spécificités de chaque année scolaire et de chaque établissement.

La juridiction administrative refuse ainsi d’imposer une méthodologie rigide qui paralyserait l’action des services municipaux dans la détermination des coûts. Elle valide le principe d’un calcul fondé sur les dépenses réelles constatées dans le compte administratif de la collectivité d’accueil. Cette liberté apparente n’exclut pas une vérification de la cohérence globale du montant réclamé par rapport au service effectivement rendu. Le juge opère alors un contrôle sur l’adéquation entre le coût facturé et la situation concrète des élèves scolarisés.

**B. La sanction de l’inadéquation manifeste de la charge financière**

L’annulation de la décision attaquée est finalement prononcée en raison d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la commune d’accueil. La Cour relève que la participation a été fixée sur une moyenne globale incluant les classes maternelles, dont le coût est plus élevé. Or, les enfants de la commune de résidence étaient presque exclusivement scolarisés en classes élémentaires au sein de la structure d’accueil. Le juge affirme que « le montant qui lui est réclamé n’est pas calculé de façon cohérente avec la situation concrète des enfants accueillis ».

Par ailleurs, l’écart important entre les potentiels fiscaux des deux communes devait être pris en considération lors de la fixation du montant unitaire. La commune de résidence disposait de ressources très sensiblement plus faibles que celles de la commune d’accueil pour la période concernée. En ignorant ces disparités financières et pédagogiques, la délibération municipale a méconnu les principes de proportionnalité et d’équité territoriale. Cette décision rappelle que la solidarité intercommunale en matière scolaire doit reposer sur des critères de calcul justes et transparents.

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Hassan KOHEN
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