Cour d’appel administrative de Lyon, le 19 juin 2025, n°24LY02733

L’arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Lyon le 19 juin 2025 précise les conséquences nécessaires de l’annulation d’une mesure d’éloignement. Une ressortissante étrangère a contesté un refus de certificat de résidence assorti d’une obligation de quitter le territoire français devant la juridiction administrative. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, par un jugement du 27 juin 2024, a annulé la mesure d’éloignement mais a rejeté les conclusions tendant au réexamen de sa situation. L’intéressée a interjeté appel de ce jugement en tant qu’il a refusé de prononcer l’injonction sollicitée auprès de l’autorité administrative. La question posée à la cour concerne l’obligation pour le préfet de statuer à nouveau sur le droit au séjour après l’annulation d’une mesure d’éloignement. La cour administrative d’appel de Lyon infirme la position des premiers juges en affirmant que l’annulation d’une telle mesure implique nécessairement un réexamen complet. Nous analyserons d’abord le principe du réexamen obligatoire de la situation administrative avant d’étudier les modalités d’exécution de cette injonction par le juge.

I. L’impératif de réexamen de la situation administrative après l’annulation d’une mesure d’éloignement

A. Le fondement légal du droit à un nouvel examen de la situation

La cour administrative d’appel de Lyon rappelle que l’annulation d’une obligation de quitter le territoire français impose à l’administration de statuer à nouveau. Elle s’appuie sur le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour définir les obligations pesant sur le représentant de l’État. L’article L. 614-16 dispose que l’étranger doit être muni d’un titre provisoire « jusqu’à ce que l’autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ». Cette disposition législative crée une obligation automatique de réexamen qui ne dépend pas de la nature du motif d’annulation retenu par le juge administratif. Dès lors, le préfet doit se prononcer sur le droit au séjour de l’intéressé en tenant compte de l’ensemble des éléments de fait et de droit. La juridiction précise qu’il incombe à l’autorité préfectorale « de se prononcer sur son droit à un titre de séjour » indépendamment d’une nouvelle demande formelle.

B. L’obligation pour le juge d’ordonner d’office les mesures d’exécution

L’arrêt souligne le rôle actif du juge administratif dans le cadre de son pouvoir d’injonction défini par le code de justice administrative. La cour considère que le tribunal ne pouvait rejeter les conclusions de la requérante au motif que l’annulation n’impliquait aucune mesure d’exécution particulière. Elle rappelle que le juge doit faire usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 911-2 pour fixer le cadre du réexamen de la situation. Cette mission doit être accomplie « qu’il ait été saisi de conclusions en ce sens ou, le cas échéant, d’office » après avoir informé les parties. Le juge de l’excès de pouvoir assure ainsi l’effectivité de sa décision en contraignant l’administration à tirer les conséquences logiques de l’annulation prononcée. L’autorité de la chose jugée impose que la situation de l’étranger soit à nouveau évaluée pour garantir le respect de la légalité administrative.

II. Les modalités concrètes de mise en œuvre de l’injonction de réexamen

A. La garantie d’un séjour provisoire durant la phase d’instruction

La juridiction administrative d’appel insiste sur la nécessité de sécuriser la présence de l’étranger sur le territoire pendant la durée de la nouvelle instruction. L’annulation de la mesure d’éloignement redonne à l’intéressé un droit à un maintien temporaire dont le juge doit assurer la traduction concrète et immédiate. La cour enjoint donc au préfet de délivrer une « autorisation provisoire de séjour » afin de permettre le traitement serein du dossier administratif de la requérante. Cette mesure se fonde sur l’article L. 911-1 du code de justice administrative qui permet de prescrire des mesures d’exécution dans un sens déterminé. La délivrance de ce document provisoire constitue le préalable indispensable à tout réexamen sérieux de la situation de droit et de fait de l’étranger. Elle protège l’intéressé contre toute nouvelle mesure d’éloignement pendant que l’administration instruit à nouveau sa demande de titre de séjour ou de certificat.

B. L’exercice du pouvoir de contrainte par la fixation de délais

Le juge administratif encadre l’action de l’administration en fixant des limites temporelles strictes pour l’exécution de l’arrêt rendu en faveur de la requérante. La cour administrative d’appel de Lyon décide d’imposer un délai d’un mois pour la délivrance de l’autorisation provisoire de séjour après la notification de sa décision. Par ailleurs, elle impartit au représentant de l’État un délai de quatre mois pour procéder au réexamen complet de la situation administrative de l’intéressée. Ces prescriptions temporelles visent à prévenir toute inertie de l’administration et à garantir une réponse rapide à la situation de précarité de l’étranger. La cour estime cependant qu’il n’est pas nécessaire d’assortir ces injonctions d’une astreinte financière dans les circonstances particulières de l’espèce. Le dispositif de l’arrêt consacre ainsi la réformation du jugement de première instance et rétablit les droits procéduraux de la requérante face à l’autorité préfectorale.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture