Cour d’appel administrative de Lyon, le 20 février 2025, n°24LY00768

La cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 20 février 2025, précise le régime de déductibilité des provisions pour dépréciation de créances. Une société mère d’un groupe fiscal intégré a constitué des provisions sur des avances de trésorerie détenues à l’encontre de plusieurs filiales en difficulté. L’administration fiscale a réintégré ces sommes dans les résultats imposables, estimant que la probabilité de la perte n’était pas suffisamment établie par la requérante. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de décharge formulée par la société par un jugement en date du 19 janvier 2024. La juridiction d’appel doit déterminer si la situation nette négative d’une filiale suffit à justifier la déductibilité d’une provision pour dépréciation de créance financière. Elle confirme le rejet de la requête, jugeant que le paiement de dettes commerciales et la poursuite des investissements contredisent le caractère probable de la perte. L’analyse de cette décision suppose d’étudier l’encadrement strict de la preuve avant d’examiner les critères matériels d’appréciation du risque de non-recouvrement des créances.

I. L’exigence de justification de la probabilité de perte de la créance financière

A. Le fondement légal de la déductibilité des provisions pour dépréciation

L’article 39 du code général des impôts autorise la déduction des « provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées ». Ces charges doivent être rendues probables par des événements en cours et être effectivement constatées dans les écritures de l’exercice pour être fiscalement valables. La jurisprudence exige que les pertes soient susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante à la date de clôture de l’exercice comptable de la société. Elles doivent également se rattacher par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées par l’entreprise à cette même date de clôture. Le juge administratif rappelle ici que la déduction fiscale reste subordonnée au respect rigoureux de ces conditions cumulatives prévues par les dispositions législatives en vigueur. La précision de la perte envisagée constitue le premier pilier indispensable pour valider l’inscription comptable de la provision au sein du bilan de l’entreprise.

B. La charge de la preuve pesant sur le contribuable

Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des provisions déduites que de la correction de leur inscription en comptabilité selon les règles précitées. La société doit démontrer le principe même de la déductibilité en apportant des éléments objectifs qui établissent le risque réel de non-recouvrement de sa créance. La cour administrative d’appel de Lyon souligne que cette preuve doit être apportée pour chaque créance de manière individuelle et documentée par des pièces probantes. L’administration peut remettre en cause les écritures comptables si les justifications produites ne permettent pas d’établir la réalité du risque encouru par la société prêteuse. La charge de la preuve ne saurait être renversée par la simple production d’un bilan comptable déficitaire sans analyse complémentaire de la situation du débiteur. Cette exigence probatoire conditionne l’examen de la substance économique des difficultés rencontrées par les filiales au cours des exercices faisant l’objet du contrôle fiscal.

II. L’appréciation souveraine du juge sur la réalité de la dépréciation intra-groupe

A. L’insuffisance de la seule dégradation des indicateurs comptables de la filiale

La société requérante soutenait que les provisions étaient déductibles en raison de la situation nette négative de ses filiales exploitant des établissements de restauration divers. Néanmoins, la cour observe que certaines de ces filiales ont dégagé des bénéfices ou des résultats d’exploitation positifs dès les exercices suivant la dotation litigieuse. Un déficit comptable ponctuel ne suffit pas à rendre probable la perte d’une créance financière si l’activité de la filiale montre des signes de reprise. Le juge souligne également que les provisions ont parfois été reprises intégralement par la société au cours des exercices suivants, témoignant d’une absence de risque durable. La situation nette négative est un indicateur de fragilité mais elle ne constitue pas une preuve irréfutable de l’impossibilité pour le débiteur d’honorer ses engagements. L’examen global de la santé financière des filiales permet d’écarter la déduction de provisions qui apparaîtraient comme prématurées ou excessives au regard du droit fiscal.

B. La pertinence des indicateurs économiques de continuité d’exploitation

La cour administrative d’appel de Lyon relève que les filiales ont continué de régler régulièrement leurs créances à caractère commercial auprès de la société holding mère. Le paiement de ces dettes d’exploitation contredit directement l’affirmation selon laquelle les avances financières de trésorerie seraient devenues irrécouvrables à la clôture de l’exercice. Par ailleurs, l’acquisition de nouveaux fonds de commerce ou l’ouverture de restaurants par les filiales démontrent une stratégie de développement incompatible avec une défaillance probable. Les investissements significatifs réalisés par les sociétés débitrices témoignent de leur capacité à mobiliser des ressources et à poursuivre une activité économique pérenne sur le marché. Le maintien d’un flux financier vers la société mère pour des prestations de services confirme que la trésorerie des filiales permettait d’honorer une partie des dettes. En l’absence de risque avéré, la juridiction administrative confirme que la réintégration des provisions dans le résultat imposable de la société intégrante était parfaitement justifiée.

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Hassan KOHEN
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