Cour d’appel administrative de Lyon, le 20 février 2025, n°24LY02178

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt du 20 février 2025, s’est prononcée sur le refus de délivrance d’un titre de séjour opposé à un ressortissant étranger. Ce dernier invoquait sa prise en charge passée par l’aide sociale à l’enfance pour solliciter sa régularisation exceptionnelle par le travail. L’administration a toutefois rejeté cette demande en janvier 2023, décision initialement confirmée par le tribunal administratif de Dijon le 28 mai 2024. Le requérant soutient en appel que les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile auraient été méconnues. Il invoque également une erreur matérielle sur sa date de naissance ainsi que la violation de son droit à une vie privée et familiale normale. La juridiction d’appel doit déterminer si l’expiration du délai d’un an après la majorité fait obstacle au bénéfice du dispositif de régularisation des mineurs confiés. Elle examine par ailleurs l’invocabilité d’une circulaire ministérielle dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’autorité préfectorale. La Cour rejette la requête en constatant que la demande de titre de séjour est intervenue tardivement par rapport à l’anniversaire du postulant. Elle souligne ensuite l’absence d’opposabilité des orientations ministérielles générales face à une décision de refus de régularisation purement gracieuse. Cette solution invite à analyser d’une part la rigueur des conditions temporelles d’admission au séjour (I) et d’autre part l’encadrement limité de la discrétion administrative (II).

I. La stricte application des conditions temporelles de l’admission exceptionnelle au séjour

A. La forclusion du droit à la régularisation des anciens mineurs protégés

Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit une passerelle vers le séjour pour les anciens mineurs protégés. L’article L. 435-3 dispose que l’étranger confié entre seize et dix-huit ans peut recevoir un titre « dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ». La Cour relève ici que l’intéressé est né en 1999 alors que sa demande n’a été formalisée qu’au mois de décembre 2022. Le délai légal étant largement dépassé, le juge administratif considère que le requérant « n’est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées ». Cette solution confirme le caractère strictement exceptionnel et temporellement borné de ce mode particulier de régularisation de plein droit. Le respect de cette borne chronologique constitue une condition impérative dont l’administration ne saurait s’écarter sans méconnaître les intentions claires du législateur.

B. La confirmation de l’exactitude des constatations matérielles et de la proportionnalité de l’atteinte

Le requérant alléguait une erreur de fait concernant les dates de naissance mentionnées dans les documents produits lors de son instruction administrative. Les magistrats constatent cependant que la décision contestée mentionne correctement les divergences entre le passeport et les déclarations figurant dans le formulaire de demande. L’exactitude matérielle des motifs est ainsi validée par la juridiction d’appel qui écarte tout grief d’illégalité fondé sur une perception erronée de la réalité. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée et familiale est également rejeté par adoption des motifs de première instance. La Cour valide l’appréciation portée sur la situation personnelle de l’étranger en estimant que le refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée à ses attaches. Cette rigueur dans le contrôle des faits s’accompagne d’une approche restrictive quant aux normes invocables pour contester le pouvoir souverain de l’État.

II. Les limites de l’encadrement juridique du pouvoir discrétionnaire préfectoral

A. L’inopérance des orientations ministérielles dépourvues de caractère réglementaire

Le postulant se prévalait des orientations générales contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 pour contester le refus opposé à sa demande de régularisation. La Cour administrative d’appel de Lyon juge toutefois que ces instructions ne créent aucun droit au profit des étrangers souhaitant obtenir un titre de séjour. Elle précise avec fermeté que le requérant « ne peut utilement se prévaloir des orientations générales » issues de ce texte ministériel pour obtenir l’annulation de la décision. Cette position réaffirme la distinction fondamentale entre les règles de droit opposables et les simples directives internes destinées à guider l’action des services préfectoraux. Le pouvoir de régularisation demeure une prérogative discrétionnaire dont l’usage ne saurait être dicté par des documents dépourvus de toute valeur juridique contraignante à l’égard des tiers.

B. L’absence d’illégalité fautive comme obstacle à la responsabilité de la puissance publique

Le rejet des conclusions en annulation entraîne mécaniquement celui des demandes indemnitaires formulées par le requérant au titre du préjudice résultant de l’absence de droits. En l’absence d’illégalité entachant la décision de refus, la Cour administrative d’appel de Lyon ne peut que constater l’inexistence de toute faute de service. L’arrêt énonce en conséquence qu’en « l’absence d’illégalité fautive », l’intéressé ne saurait prétendre à une quelconque réparation pour la privation alléguée de ses droits sociaux. Cette solution illustre le lien de dépendance étroit unissant le contentieux de la légalité et celui de la responsabilité en matière de droit des étrangers. La requête est donc rejetée dans son intégralité car aucun vice propre à la décision ou à la procédure n’a pu être valablement établi par le demandeur.

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Hassan KOHEN
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