La cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 20 mars 2025, précise les conditions de recevabilité d’une demande indemnitaire. Cette décision s’inscrit dans le cadre d’un litige relatif à la responsabilité d’une collectivité publique pour défaut d’entretien normal d’un ouvrage. Un conducteur a heurté un socle de balise de signalisation temporaire situé sur la chaussée lors d’un accident nocturne. Le tribunal administratif de Grenoble avait initialement condamné la collectivité à réparer les préjudices matériels subis par l’automobiliste. La personne publique a alors interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ce jugement en invoquant une fin de non-recevoir. Le juge d’appel devait déterminer si les courriers d’un assureur pouvaient lier le contentieux en l’absence de mandat explicite de l’assuré. La juridiction annule le premier jugement en déclarant la demande de première instance irrecevable faute de réclamation préalable régulière. La solution repose sur l’exigence d’un mandat explicite pour l’assureur (I) et sur la sanction de l’absence de décision administrative (II).
**I. L’exigence d’un mandat explicite pour la validité de la réclamation préalable**
L’article R. 421-1 du code de justice administrative impose l’existence d’une décision préalable pour toute requête tendant au paiement d’une somme d’argent. Cette règle fondamentale permet à l’administration de prendre position sur les prétentions d’un administré avant toute saisine du juge. L’analyse de ce principe révèle l’importance de la liaison du contentieux (A) et le cadre légal du mandat de l’assureur (B).
**A. La liaison du contentieux comme condition de recevabilité d’ordre public**
La cour rappelle que « la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision » administrative préalable. La liaison du contentieux constitue une formalité substantielle destinée à favoriser le règlement amiable des litiges avec les personnes publiques. Le juge doit vérifier l’existence d’une décision de rejet, expresse ou tacite, avant de statuer sur le bien-fondé d’une demande. Cette exigence s’applique strictement aux actions en responsabilité visant à obtenir le versement d’une indemnité pour un dommage subi.
**B. L’encadrement législatif du mandat de l’assureur de protection juridique**
Le code des assurances prévoit qu’un assureur peut accomplir toute démarche utile à la résolution d’un litige au nom de l’assuré. Toutefois, ce mandat légal de représentation suppose que le sociétaire ait explicitement activé sa garantie de protection juridique lors du sinistre. La cour souligne que cette mention précise est nécessaire pour habiliter l’assureur à former une réclamation préalable pour son client. L’absence d’une telle stipulation contractuelle prive les courriers de l’assureur de toute valeur juridique dans la procédure administrative contentieuse. Le constat de l’absence de mandat conduit alors le juge à examiner les conséquences sur la recevabilité de l’action indemnitaire.
**II. La sanction rigoureuse de l’absence de décision administrative préalable**
Le défaut de liaison régulière du contentieux entraîne l’irrecevabilité de la requête, ce qui nécessite d’analyser l’insuffisance des démarches (A) et l’annulation (B).
**A. L’insuffisance des courriers de l’assureur dépourvus de portée juridique**
Dans cette affaire, l’automobiliste n’avait pas invoqué sa garantie de protection juridique lors de sa déclaration de sinistre initiale. Les correspondances de la compagnie d’assurances ne mentionnaient aucunement agir dans le cadre d’une mission de représentation légale de l’usager. Par conséquent, ces écrits « ne valaient pas réclamation préalable » et ne pouvaient pas faire naître une décision de l’administration. Le rejet du recours amiable par la collectivité « n’a pas lié le contentieux » faute de mandat régulier donné à l’assureur.
**B. L’annulation du jugement pour irrecevabilité de la demande de première instance**
La collectivité n’avait pas renoncé à soulever l’irrecevabilité de la demande devant les juges du second degré de juridiction. La cour administrative d’appel de Lyon annule donc le jugement du tribunal de Grenoble qui avait indûment condamné la personne publique. Cette solution confirme le caractère impératif du préalable administratif dans le contentieux de la pleine juridiction des collectivités territoriales. Les requérants doivent impérativement s’assurer de la régularité de leur réclamation pour éviter une éviction purement procédurale de leurs demandes.