Par une décision rendue le 22 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a précisé les exigences probatoires pesant sur un étranger invoquant des violences conjugales pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour. En l’espèce, une ressortissante marocaine, entrée régulièrement en France et titulaire d’une carte de séjour en qualité de conjointe d’un citoyen français, avait sollicité le renouvellement de ce titre. La communauté de vie ayant cessé, elle fondait sa demande sur l’exception prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui autorise un tel renouvellement lorsque la rupture est imputable à des violences conjugales. Le préfet de la Côte-d’Or avait rejeté sa demande, estimant les violences alléguées non établies, une décision confirmée en première instance par le tribunal administratif de Dijon le 10 juillet 2023. Saisie en appel, la requérante soutenait que l’administration avait commis une erreur de droit en n’estimant pas les preuves suffisantes. Se posait alors la question de savoir si un ensemble d’attestations et de certificats médicaux relatant principalement les déclarations de la victime suffit à caractériser la réalité des violences conjugales au sens de la loi. La cour administrative d’appel a répondu par la négative, jugeant que les éléments produits, n’étant pas suffisamment circonstanciés ou corroborés par des faits objectifs, ne permettaient pas de tenir pour établies les violences invoquées.
Cette décision illustre le contrôle exercé par le juge sur l’appréciation des preuves en matière de violences conjugales dans le cadre du droit au séjour (I), tout en rappelant les conséquences inéluctables d’un défaut de preuve sur les autres décisions administratives (II).
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I. L’appréciation contrôlée des preuves de violences conjugales
La cour confirme que l’administration doit procéder à un examen concret des éléments fournis par le demandeur (A), mais elle valide le rejet de la demande lorsque ces preuves sont jugées insuffisamment probantes (B).
A. La nécessité d’un examen concret des allégations
La décision rappelle que l’autorité préfectorale ne peut se contenter de constater l’absence d’une condamnation pénale pour écarter l’existence de violences conjugales. Le juge vérifie que l’administration a bien procédé à une analyse approfondie des pièces versées au dossier. En l’espèce, il est relevé que le préfet « a procédé à une analyse des éléments qu’elle a produits, tendant à établir les violences dont elle aurait été victime ». Cette démarche démontre que l’administration a rempli son office en ne se fondant pas sur un critère unique et formel, mais en appréciant la situation dans sa globalité. La cour écarte ainsi l’erreur de droit, car l’examen a bien eu lieu, son contenu relevant non de la légalité externe mais de l’appréciation des faits.
B. L’insuffisance des éléments non corroborés
Toutefois, si l’examen doit être effectif, il n’oblige pas l’administration à conclure à l’existence de violences lorsque les preuves manquent de force. La cour détaille les pièces produites par la requérante, notamment une main courante, des attestations de tiers et des certificats médicaux. Elle observe que ces documents s’avèrent « peu circonstanciées et se bornant à relater les déclarations de la requérante ». De même, les certificats médicaux, bien que faisant état d’un « syndrome anxiodépressif » ou de « troubles psychiatriques réactionnels à une conjugopathie », ne font que « reprendre de façon sommaire les déclarations de l’intéressée ». Faute d’éléments objectifs et indépendants venant corroborer ces dires, la réalité des violences n’est pas considérée comme établie, justifiant ainsi le refus de renouvellement du titre de séjour.
II. La portée limitée des autres moyens soulevés
Le rejet du moyen principal relatif aux violences conjugales entraîne logiquement le rejet des arguments concernant l’admission exceptionnelle au séjour (A) et les mesures d’éloignement (B).
A. L’inopposabilité d’une demande non réceptionnée
La requérante invoquait également un droit à l’admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cependant, la cour écarte ce moyen au motif qu’elle « n’établit pas que les services préfectoraux en auraient accusé réception ». Cette position souligne un principe fondamental de procédure administrative : la charge de la preuve de l’accomplissement d’une démarche incombe au demandeur. En l’absence d’un accusé de réception ou de tout autre élément probant, la demande est réputée ne pas avoir été formée, et l’administration n’est donc pas tenue de l’examiner, ni de motiver un refus sur ce point.
B. La validation en cascade des décisions d’éloignement
Les autres décisions contestées, à savoir l’obligation de quitter le territoire français, le délai de départ volontaire et la fixation du pays de destination, sont examinées par la cour par voie de conséquence. Le refus de renouvellement de titre de séjour n’étant pas jugé illégal, l’obligation de quitter le territoire qui en découle est mécaniquement validée. De même, la cour écarte les moyens tirés d’une méconnaissance de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’erreur manifeste d’appréciation, en adoptant les motifs des premiers juges. Cette approche illustre la logique séquentielle du contentieux des étrangers, où la légalité de la mesure d’éloignement dépend étroitement de celle du refus de séjour.