Cour d’appel administrative de Lyon, le 25 septembre 2025, n°24LY02307

En présence d’une décision de la cour administrative d’appel de Lyon rendue le 25 septembre 2025, il est question de la recevabilité d’une réclamation fiscale formée à l’encontre d’un avis de mise en recouvrement. Cet avis avait pour seul objet de mettre en œuvre une précédente décision de justice devenue définitive, qui avait rétabli des impositions initialement déchargées par les juges de première instance.

Les faits à l’origine du litige concernent un contribuable ayant fait l’objet d’un contrôle fiscal révélant une activité professionnelle non déclarée. À l’issue de ce contrôle, l’administration fiscale a procédé à une évaluation d’office de ses bénéfices et l’a assujetti à l’impôt sur le revenu ainsi qu’à la taxe sur la valeur ajoutée pour plusieurs années.

La procédure a débuté par une demande du contribuable devant le tribunal administratif de Grenoble, qui a prononcé la décharge des impositions par un jugement du 21 septembre 2018. Saisie par l’administration fiscale, la cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt du 6 août 2020, a annulé ce jugement et a remis les impositions à la charge du redevable. En exécution de cette décision de justice, le comptable public a émis, le 31 octobre 2020, un avis de mise en recouvrement pour les sommes dues. Le contribuable a alors formé une réclamation contre ce nouvel acte, laquelle a été rejetée. Il a saisi à nouveau le tribunal administratif de Grenoble, qui, par un jugement du 14 juin 2024, a déclaré sa demande irrecevable au motif que le délai de réclamation était expiré. C’est dans ce contexte que le contribuable a interjeté appel de ce dernier jugement. Il soutenait que l’avis de mise en recouvrement, qui selon lui ne lui avait pas été régulièrement notifié, constituait un acte susceptible de faire l’objet d’une contestation ouvrant un nouveau délai.

La question de droit soumise à la cour était donc de savoir si un avis de mise en recouvrement, émis en simple exécution d’une décision de justice passée en force de chose jugée ayant rétabli une créance fiscale, constitue un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation contentieuse prévu par l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

La cour administrative d’appel de Lyon répond par la négative. Elle juge que l’avis de mise en recouvrement « n’a eu d’autre objet que de tirer les conséquences de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 6 août 2020 rétablissant les impositions mises à sa charge ». Par conséquent, cet acte, qualifié de surcroît de « superfétatoire », ne constitue pas un événement au sens des dispositions précitées, et n’est donc pas de nature à permettre au contribuable de contester à nouveau le bien-fondé de l’imposition. La cour confirme ainsi l’irrecevabilité de la demande initiale.

Cette solution conduit à examiner la nature de l’acte d’exécution pris par l’administration fiscale et son impuissance à ouvrir une nouvelle voie de droit (I), avant d’analyser la portée de cette décision qui réaffirme le principe de l’autorité de la chose jugée en matière fiscale (II).

I. La qualification de l’avis de mise en recouvrement comme acte d’exécution insusceptible d’ouvrir un nouveau délai de réclamation

La décision commentée repose entièrement sur la qualification juridique de l’avis de mise en recouvrement émis le 31 octobre 2020. En le privant de toute portée décisionnelle autonome (A), la cour en déduit une application stricte des conditions d’ouverture du délai de réclamation (B).

A. Le rejet du caractère décisionnel de l’avis de mise en recouvrement

Le contribuable, dans son argumentation, tentait de conférer à l’avis de mise en recouvrement la nature d’une nouvelle décision administrative lui faisant grief, ce qui lui aurait permis de le contester. La cour écarte fermement cette analyse en se fondant sur la finalité même de l’acte. Elle relève que celui-ci se borne à formaliser pour le service du recouvrement une créance fiscale déjà définitivement établie par une décision de justice. L’administration, en émettant cet avis, n’a pris aucune nouvelle décision sur le principe ou le montant de l’impôt ; elle n’a fait qu’exécuter l’arrêt de la cour du 6 août 2020.

C’est ce qui justifie l’emploi du terme « superfétatoire » par les juges, indiquant par là que l’émission de cet acte n’était même pas indispensable. En effet, l’arrêt de 2020, devenu définitif, constituait à lui seul le titre exécutoire permettant au comptable public de poursuivre le recouvrement de la créance. L’avis de mise en recouvrement n’est donc qu’un document interne ou informatif, un simple instrument de la procédure de recouvrement, et non une décision fixant la créance fiscale elle-même. Cette analyse prive l’acte de toute substance décisionnelle qui pourrait fonder une nouvelle contestation sur le fond du droit.

B. Une application rigoureuse des dispositions de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales

En conséquence logique de cette qualification, la cour refuse de considérer l’avis de mise en recouvrement comme un « événement » au sens du c) de l’article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. La jurisprudence constante interprète cette notion comme visant un fait nouveau, postérieur à la naissance de l’obligation fiscale, et de nature à exercer une influence sur le bien-fondé ou le montant de l’imposition. Il peut s’agir par exemple d’une décision de justice tierce modifiant les données du litige ou d’un changement de doctrine administrative.

Or, un acte qui se limite à poursuivre l’exécution d’une décision de justice ayant précisément statué sur le bien-fondé de l’impôt ne saurait, par définition, constituer un tel événement. Il ne modifie en rien la dette fiscale, mais se borne à la rappeler en vue de son paiement. La cour administrative d’appel de Lyon s’en tient à une lecture stricte du texte et de son interprétation jurisprudentielle, fermant ainsi la porte à une contestation tardive. Le jugement de première instance qui avait déclaré la demande irrecevable pour forclusion est donc logiquement confirmé, la réclamation du contribuable ayant été présentée bien après l’expiration du délai initial.

II. La consécration de l’autorité de la chose jugée et la limitation des voies de recours du contribuable

Au-delà de la simple question de procédure fiscale, l’arrêt revêt une importance particulière en ce qu’il renforce la portée de la décision de justice en matière fiscale (A), et par là même, clarifie les limites des voies de contestation offertes au contribuable (B).

A. La portée de la décision de justice rétablissant l’imposition

Le principe de l’autorité de la chose jugée implique qu’une décision de justice devenue définitive ne peut plus être remise en cause. Dans la présente affaire, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 6 août 2020 avait définitivement tranché le litige relatif au bien-fondé des impositions en annulant le jugement de première instance qui en avait prononcé la décharge. La dette fiscale du contribuable était donc juridiquement établie et incontestable à compter de cette date.

En jugeant que l’avis de mise en recouvrement subséquent ne pouvait rouvrir un délai de contestation, la cour ne fait que tirer toutes les conséquences de ce principe. Admettre la solution contraire reviendrait à priver de son effet utile la décision de 2020. Le contribuable aurait pu, par le biais d’une contestation de l’acte d’exécution, tenter de remettre en cause indirectement ce qui avait déjà été jugé, portant ainsi atteinte à la sécurité juridique et à la stabilité des situations juridiques définitivement établies. La cour réaffirme donc avec force que la décision de justice qui rétablit une imposition se suffit à elle-même pour fonder la créance du Trésor.

B. La fermeture d’une voie de contestation tardive pour le contribuable

La solution retenue a pour effet de bien délimiter les différentes phases de la procédure fiscale et les contestations possibles à chaque étape. Le contribuable dispose d’un délai pour contester l’avis d’imposition ou l’avis de mise en recouvrement initial. Une fois ce débat sur le bien-fondé de l’impôt tranché définitivement par le juge, la phase de recouvrement s’ouvre. Si le contribuable peut contester la régularité des actes de poursuite eux-mêmes, il ne peut se servir de cette contestation pour réintroduire un débat sur le fond de la dette.

En l’espèce, les moyens soulevés par le requérant, tels que le défaut de notification de l’arrêt de 2020 ou l’absence de motivation du titre de perception, deviennent inopérants dès lors que la réclamation au fond est jugée irrecevable. La cour opère une distinction claire entre le contentieux de l’assiette, qui était clos, et le contentieux du recouvrement, qui ne permet pas de revenir sur le principe de l’imposition. Cette décision, bien que sévère pour le contribuable qui voit ses ultimes tentatives de contestation rejetées, apparaît juridiquement fondée et nécessaire à la bonne administration de la justice et à l’effectivité des décisions juridictionnelles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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