Par un arrêt en date du 26 juin 2025, la cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur les conditions d’octroi d’un titre de séjour pour raisons de santé. En l’espèce, un ressortissant géorgien atteint de plusieurs pathologies, dont une addiction sévère, a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de son état de santé. Le préfet du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande par une décision du 13 juillet 2023, assortie d’une obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination. Saisi par l’intéressé, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a confirmé ces décisions par un jugement du 18 octobre 2024. Le requérant a alors interjeté appel de ce jugement, en soutenant notamment que les décisions préfectorales méconnaissaient les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives à la protection des étrangers malades. Se posait ainsi à la cour la question de savoir si des certificats médicaux produits par un requérant, attestant de la gravité de sa condition, pouvaient suffire à remettre en cause un refus de séjour fondé sur un avis contraire du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, particulièrement lorsque ces documents n’établissent pas de manière certaine l’indisponibilité d’un traitement approprié dans le pays d’origine. La cour administrative d’appel de Lyon a répondu par la négative, rejetant l’ensemble des prétentions du requérant. Elle a estimé que les pièces versées au dossier ne permettaient pas de démontrer que les conditions légales pour la délivrance d’un titre de séjour pour soins étaient réunies, confirmant ainsi l’appréciation portée par l’administration.
La décision de la cour administrative d’appel de Lyon illustre l’application rigoureuse des critères cumulatifs conditionnant la protection des étrangers malades (I), protection dont l’octroi dépend de l’appréciation souveraine par le juge de la valeur probante des éléments médicaux fournis (II).
I. L’application rigoureuse des critères légaux de protection
La cour rappelle d’abord le cadre juridique strict qui régit la délivrance d’un titre de séjour pour raisons de santé, lequel repose sur une double condition légale (A) et accorde une place prépondérante à l’avis d’une instance médicale spécialisée (B).
A. La réaffirmation d’une double exigence cumulative
L’octroi d’une protection au titre de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est subordonné à la réunion de deux conditions. L’étranger doit non seulement souffrir d’une pathologie dont le défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, mais également démontrer qu’il ne pourrait pas bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans son pays d’origine. La cour prend soin de citer le texte pertinent, soulignant ainsi le caractère indissociable de ces deux exigences. Le défaut de l’une suffit à justifier légalement un refus de séjour, l’administration n’étant pas tenue d’examiner la seconde si la première n’est pas satisfaite. Cette approche formaliste garantit une application uniforme de la loi sur le territoire, tout en laissant une marge d’appréciation limitée à l’autorité préfectorale, qui doit fonder sa décision sur des éléments objectifs et circonstanciés.
B. La place centrale de l’avis du collège de médecins de l’OFII
Pour évaluer la situation médicale de l’étranger, l’autorité administrative s’appuie sur l’avis d’un collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Dans cette affaire, cet avis, en date du 22 novembre 2022, a été déterminant. La cour relève que ce collège a estimé que l’état de santé du requérant « nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d’une exceptionnelle gravité ». Cet avis technique constitue le pivot de la décision administrative, et le juge lui accorde un poids considérable. En reprenant ses conclusions, la cour confirme que l’administration n’a pas commis d’erreur en suivant l’expertise de l’organe compétent. Le requérant se heurte donc à une présomption de régularité de la décision, et il lui incombe de la renverser en apportant des éléments de preuve suffisamment convaincants pour remettre en cause le bien-fondé de cette analyse médicale initiale.
Face à cet avis défavorable, le requérant a tenté de produire des preuves contraires, dont l’appréciation par le juge administratif révèle la portée de son contrôle sur la matérialité des faits.
II. L’appréciation souveraine de la force probante des preuves médicales
Le juge administratif exerce un contrôle entier sur les faits de l’espèce, ce qui le conduit à évaluer la pertinence des certificats médicaux produits par le requérant (A) et à confirmer, en conséquence, l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de la part de l’administration (B).
A. L’insuffisance des certificats médicaux contradictoires
L’arrêt procède à un examen méticuleux des pièces médicales fournies par le requérant pour contredire l’avis de l’OFII. Un premier certificat évoque des « conséquences sérieuses », terminologie jugée moins forte que l’« exceptionnelle gravité » requise par la loi. Un second, émanant d’un psychiatre, affirme bien que l’arrêt du traitement aurait des conséquences d’une exceptionnelle gravité, mais il ne démontre pas que ce traitement serait indisponible en Géorgie. De même, un courrier d’un service d’addictologie indique que l’accès au traitement de substitution est « souvent restreint », ce qui ne signifie pas une impossibilité d’accès effective. Quant à l’affirmation selon laquelle un retour mettrait la vie de l’intéressé en danger, la cour la juge non corroborée, la qualifiant d’« assertion ». Ce faisant, le juge ne se contente pas d’enregistrer les documents produits ; il en analyse le contenu, en pèse la portée et en évalue la précision au regard des strictes exigences du code.
B. La confirmation de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation
En écartant un à un les éléments présentés par le requérant comme étant insuffisants à établir sa situation, la cour valide le raisonnement de l’administration. Elle conclut que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l’étranger. Le rejet des moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile découle logiquement de cette analyse factuelle. En l’absence de preuve tangible et concordante d’un risque d’une exceptionnelle gravité lié à une absence de soins effectifs dans le pays de renvoi, la décision de refus de séjour et l’obligation de quitter le territoire français qui en découle apparaissent comme légalement fondées. La cour confirme ainsi que le doute sur la disponibilité ou l’efficacité des soins ne suffit pas ; seule une démonstration étayée peut utilement prospérer devant le juge.