Par une ordonnance du 26 mai 2025, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon précise les conditions d’octroi d’une provision. Un patient sollicitait l’indemnisation de préjudices corporels consécutifs à plusieurs interventions chirurgicales pratiquées au sein d’un établissement public de santé. Par une ordonnance du 5 février 2025, le tribunal administratif de Grenoble a ordonné une expertise mais a rejeté la demande de provision provisionnelle. Le requérant a interjeté appel de ce rejet tandis que l’établissement hospitalier et son assureur ont formé des conclusions incidentes contre l’expertise. La juridiction doit déterminer si l’absence de consolidation médicale fait obstacle au caractère non sérieusement contestable de l’obligation de l’administration. Elle se prononce également sur la recevabilité d’un appel incident portant sur une mesure d’instruction lors d’une instance relative au référé-provision. La cour rejette la requête principale en raison de l’incertitude des préjudices et déclare l’appel incident irrecevable car tardif.
**I. Les conditions de l’octroi d’une provision en référé**
**A. L’exigence d’une obligation non sérieusement contestable**
En vertu de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge peut accorder une provision si l’existence de l’obligation est certaine. Le magistrat doit s’assurer que les éléments soumis par les parties établissent cette créance avec un degré suffisant de certitude. Le juge précise que « le montant de la provision n’a d’autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l’obligation ». Cette règle permet d’indemniser rapidement une victime lorsque la responsabilité de la puissance publique semble manifestement engagée par les pièces du dossier. L’octroi d’une telle somme demeure toutefois subordonné à l’absence de toute contestation sérieuse portant sur le principe ou l’étendue du droit.
**B. L’incertitude sur la consolidation et l’imputabilité du dommage**
L’ordonnance souligne que la créance liée au déficit fonctionnel permanent ne peut être déterminée si la date de consolidation n’est pas acquise. L’état de santé du requérant était susceptible d’évoluer en raison d’une éventuelle ablation de matériel chirurgical au niveau de son genou. Par ailleurs, l’existence d’une infection nosocomiale rendait incertaine l’identité du débiteur final de l’obligation d’indemnisation selon les règles de droit positif. Le juge considère ainsi que les conditions posées par les dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative ne sont pas remplies. L’incertitude sur l’évolution des séquelles et sur l’imputabilité exacte des fautes justifie légalement le rejet de la demande de provision.
**II. L’irrecevabilité de l’appel incident relatif à un litige distinct**
**A. La distinction entre le référé-expertise et le référé-provision**
L’établissement public de santé a contesté par voie d’appel incident l’utilité de l’expertise ordonnée initialement sur le fondement de l’article R. 532-1. La cour administrative d’appel de Lyon relève que cette contestation porte sur un objet différent de celui de l’appel principal du requérant. L’appel de la victime ne visait que le refus de provision alors que les conclusions incidentes de l’administration critiquaient la mesure d’instruction. Le juge estime que ces conclusions « soulèvent un litige distinct de l’appel principal » formé contre l’article 8 de l’ordonnance de première instance. Cette autonomie procédurale des différents types de référés interdit de greffer une contestation sur l’expertise lors d’un débat sur la provision.
**B. La protection du délai d’appel par le rejet des conclusions tardives**
Le délai pour interjeter appel contre une ordonnance de référé est fixé à quinze jours suivant sa notification régulière aux parties au litige. Les conclusions de l’administration hospitalière ont été enregistrées après l’expiration de ce délai impératif prévu par le code de justice administrative. Un appel incident tardif n’est recevable que s’il ne soulève pas un litige distinct de celui présenté dans la requête d’appel principale. Puisque l’expertise et la provision constituent deux objets contentieux indépendants, l’irrecevabilité des conclusions incidentes tardives doit être prononcée d’office par le juge. La solution retenue assure ainsi la sécurité juridique en limitant les possibilités de contestation hors des délais prévus par les textes.