Cour d’appel administrative de Lyon, le 26 mars 2025, n°24LY01925

Par un arrêt rendu le 26 mars 2025, la Cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur la légalité d’un refus de titre de séjour. Un ressortissant de nationalité tunisienne, entré régulièrement sur le territoire national en 2018, sollicitait la délivrance d’un titre de séjour portant la mention entrepreneur. L’autorité administrative a opposé un refus au motif que le requérant avait recruté un salarié étranger démuni d’autorisation de travail dans le cadre de son activité. Saisi d’une contestation, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande d’annulation de cet arrêté par un jugement daté du 14 juin 2024. L’intéressé a ensuite interjeté appel devant la juridiction lyonnaise en soutenant notamment la méconnaissance des stipulations de l’accord franco-tunisien et de la convention européenne. La Cour administrative d’appel devait déterminer si l’exercice d’une activité professionnelle irrégulière fait obstacle à l’obtention d’un titre de séjour malgré l’ancienneté du séjour. Les juges d’appel confirment la solution de première instance en relevant l’absence de violation des textes conventionnels et la réalité des manquements à la législation sociale. L’analyse de cette décision suppose d’examiner l’encadrement strict de l’admission au séjour professionnel avant d’apprécier la protection limitée de la vie privée et familiale.

I. Le strict encadrement de l’admission au séjour au regard de l’activité professionnelle

A. L’exigence d’une demande de titre de séjour explicite et motivée

Le requérant invoquait le bénéfice de l’article 3 de l’accord franco-tunisien prévoyant la délivrance d’une carte de dix ans après trois années de résidence régulière. Les magistrats soulignent qu’il « ne ressort pas des pièces du dossier » que l’intéressé ait explicitement sollicité un titre de séjour sur le fondement de cette stipulation précise. La Cour rappelle ainsi que l’administration n’est pas tenue d’examiner d’office une demande sur un fondement qui n’a pas été formellement invoqué par le pétitionnaire. Cette solution renforce l’obligation pour l’étranger de préciser le cadre juridique de sa demande afin de permettre une instruction complète par les services préfectoraux compétents.

B. L’incidence de l’emploi irrégulier d’un étranger sur l’appréciation du droit au séjour

Le refus de séjour reposait sur le recrutement d’un ressortissant étranger sans titre de séjour l’autorisant à travailler au sein de la société dirigée par l’appelant. L’intéressé contestait la réalité de ce grief en produisant tardivement un contrat de travail mentionnant une autre nationalité pour le salarié recruté par son entreprise. Toutefois, les juges estiment que la production tardive de cette pièce ne permet pas d’en regarder « les mentions comme probantes » au regard des autres éléments produits. La méconnaissance de la législation du travail constitue donc un motif légitime pour écarter l’application des dispositions relatives à la carte de séjour portant la mention entrepreneur. Après avoir validé le motif tiré de l’exercice irrégulier de l’activité professionnelle, le juge administratif examine la compatibilité de l’éloignement avec le droit à la vie privée.

II. La conciliation délicate entre pouvoir de police et protection de la vie privée

A. Une appréciation rigoureuse de l’intensité des liens familiaux sur le territoire

L’appelant se prévalait de sa présence en France depuis l’année 2018 ainsi que de la résidence sur le sol national de ses deux sœurs de nationalité étrangère. La Cour administrative d’appel de Lyon reconnaît ces attaches mais les juge insuffisantes pour caractériser une atteinte disproportionnée au droit protégé par l’article 8 de la convention. Les juges relèvent que le requérant est célibataire, sans charge de famille et qu’il n’établit pas une insertion sociale d’une intensité telle qu’elle justifierait sa régularisation. La stabilité des liens familiaux invoquée est ainsi mise en balance avec les exigences de l’ordre public et le respect des conditions de séjour des ressortissants étrangers.

B. Le maintien de la mesure d’éloignement face aux attaches conservées dans le pays d’origine

Pour confirmer la légalité de l’obligation de quitter le territoire français, la juridiction administrative insiste sur la persistance de liens forts avec le pays d’origine du requérant. L’arrêt mentionne expressément que l’intéressé a « conservé de fortes attaches familiales dans son pays d’origine où résident notamment ses parents et son frère » au jour de la décision. En dépit d’une activité professionnelle réelle dans le secteur de la restauration, l’absence d’isolement total en Tunisie justifie le rejet des moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation. La décision illustre la sévérité du juge administratif envers les étrangers ayant méconnu les règles du droit du travail tout en conservant un ancrage familial dans leur État.

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Hassan KOHEN
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