En l’espèce, un ressortissant algérien, entré sur le territoire français en 2018 et marié à une citoyenne française en 2023, a sollicité la délivrance d’un certificat de résidence. L’autorité préfectorale a rejeté sa demande par un arrêté du 25 janvier 2024, assortissant cette décision d’une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le demandeur a alors saisi le tribunal administratif de Lyon, lequel a rejeté sa requête par un jugement du 18 juillet 2024. Le requérant a interjeté appel de ce jugement, contestant la régularité du jugement de première instance et le bien-fondé de la décision administrative sur plusieurs fondements. Il soutenait notamment que le refus de séjour méconnaissait son droit au respect de sa vie privée et familiale, et que la décision fixant le délai de départ volontaire était fondée sur des dispositions nationales incompatibles avec le droit de l’Union européenne. La question de droit soumise à la cour administrative d’appel de Lyon était double. D’une part, il s’agissait de déterminer si le refus de titre de séjour portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. D’autre part, la cour devait se prononcer sur la conformité des dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatives au délai de départ volontaire avec les objectifs de la directive 2008/115/CE, et sur l’étendue de l’obligation de motivation pesant sur l’administration lorsqu’elle fixe ce délai. Par un arrêt du 29 janvier 2025, la cour administrative d’appel de Lyon rejette la requête. Elle écarte les moyens dirigés contre le refus de séjour en adoptant les motifs des premiers juges, et valide la décision fixant le délai de départ volontaire en jugeant que le droit national est compatible avec la directive européenne et que l’octroi du délai de droit commun n’exige pas de motivation particulière. L’analyse de cette décision révèle une approche différenciée, confirmant d’une part la légalité du refus de séjour par une motivation succincte (I), et clarifiant d’autre part le régime juridique du délai de départ volontaire de manière plus détaillée (II).
I. La confirmation de la légalité du refus de séjour par une approche procédurale
L’arrêt commenté traite les moyens contestant le fond du refus de titre de séjour de manière expéditive, en s’appuyant sur la procédure d’appel pour confirmer la décision des premiers juges. Cette méthode conduit à une décision d’espèce, dont la portée sur le droit au séjour des conjoints de Français est limitée.
A. Le recours à l’adoption des motifs des premiers juges
La cour administrative d’appel choisit de ne pas développer sa propre argumentation pour répondre aux critiques formulées contre le refus de certificat de résidence. Elle constate que « le requérant ne se prévalant devant la cour d’aucun élément de droit nouveau par rapport à l’argumentation développée devant le tribunal administratif de Lyon, il y a lieu d’écarter les moyens susmentionnés par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges ». Cette technique de l’adoption des motifs est un outil de bonne administration de la justice, permettant au juge d’appel de statuer avec célérité lorsque le débat en appel n’est qu’une simple répétition de l’argumentaire de première instance. En l’espèce, la cour estime que les moyens tirés de l’insuffisante motivation, de l’erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ont déjà reçu une réponse adéquate. Si cette méthode est procéduralement efficace, elle laisse cependant le justiciable sur l’impression que ses arguments n’ont pas été pleinement réexaminés en fait et en droit par la juridiction d’appel.
B. La qualification implicite de décision d’espèce
En statuant par adoption de motifs sur la question du droit au séjour, la cour signale que la solution retenue est avant tout dépendante des circonstances factuelles propres au dossier. Le rejet de l’argument fondé sur le droit au respect de la vie privée et familiale n’établit pas un principe général, mais résulte de l’appréciation souveraine des faits à laquelle se sont livrés les juges du fond. La cour ne se prononce pas sur la balance des intérêts en présence, ni sur l’intensité du contrôle qu’elle exerce sur les décisions préfectorales en matière de vie familiale. La portée de l’arrêt sur ce point est donc faible ; il s’agit d’une décision d’espèce, qui n’a pas vocation à influencer la jurisprudence relative à l’application de l’article 8 de la Convention européenne ou de l’accord franco-algérien. La solution ne vaut que pour le cas particulier du requérant, dont la situation personnelle n’a manifestement pas été jugée suffisante pour justifier la délivrance d’un titre de séjour.
II. La validation du régime juridique du délai de départ volontaire
La seconde partie de l’arrêt est plus instructive, la cour se livrant à une analyse détaillée des obligations de l’administration concernant la fixation du délai de départ volontaire. Elle conclut à la conformité du droit interne au droit de l’Union, tout en précisant l’absence d’obligation de motivation pour l’octroi du délai de droit commun.
A. La compatibilité affirmée du droit national avec la directive européenne
Le requérant soutenait que l’article L. 612-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile était incompatible avec les objectifs de la directive 2008/115/CE. La cour rejette fermement cette argumentation. Elle rappelle que le délai de trente jours prévu par le droit français correspond « au délai de droit commun le plus long susceptible d’être accordé en application des dispositions de l’article 7 de la directive précitée ». Surtout, elle souligne que le même article L. 612-1 « permettent à l’administration d’accorder, si nécessaire, en tenant compte de circonstances propres à chaque cas, un délai supérieur à trente jours ». Cette possibilité d’extension exceptionnelle suffit, selon les juges, à assurer la transposition correcte de la directive qui impose de tenir compte des circonstances particulières. Cette interprétation confirme la flexibilité du cadre juridique français et assure une sécurité juridique aux services préfectoraux, dont la pratique consistant à octroyer un délai de trente jours se trouve ainsi validée au regard du droit de l’Union.
B. La définition d’un pouvoir gracieux dispensé de motivation
L’apport principal de l’arrêt réside dans la clarification de l’obligation de motivation. La cour énonce que « lorsque l’autorité administrative ne fait pas usage, eu égard à la situation personnelle de l’intéressé, de la possibilité d’accorder à titre exceptionnel un délai de départ supérieur à trente jours, elle n’est pas tenue de motiver sa décision ». La raison en est qu’il s’agit de la mise en œuvre d’un « pouvoir purement gracieux ». La nuance est de taille : l’administration n’a pas à justifier pourquoi elle n’accorde pas une faveur que le requérant n’a d’ailleurs pas sollicitée. L’obligation de motiver n’existerait qu’en cas de refus d’une demande explicite de prolongation du délai. En l’absence d’une telle demande, l’octroi du délai de droit commun de trente jours n’est pas une décision défavorable nécessitant une motivation. Cette solution a une portée pratique considérable : elle allège la charge de l’administration et place la charge de l’initiative sur l’étranger, qui doit non seulement demander un délai prolongé mais aussi et surtout justifier sa demande par des circonstances particulières.