Par un arrêt rendu le 3 avril 2025, la cour administrative d’appel de Lyon apporte des précisions sur le contrôle de l’accès aux professions de sécurité privée. Un individu a sollicité le renouvellement de sa carte professionnelle, mais l’autorité administrative a opposé un refus fondé sur une enquête de moralité défavorable. Après le rejet de son recours par le tribunal administratif de Lyon le 21 novembre 2023, le requérant soutient devant le juge d’appel l’irrégularité de la procédure. Il invoque notamment l’absence d’habilitation de l’agent ayant consulté ses antécédents judiciaires ainsi que l’ancienneté des faits de travail dissimulé qui lui sont reprochés. La juridiction doit déterminer si une méconnaissance des règles d’habilitation lors de l’enquête et l’écoulement du temps depuis les faits fautifs peuvent vicier la décision de refus. Le juge confirme la légalité de l’acte en soulignant l’autonomie du pouvoir de police administrative et la gravité des manquements constatés.
I. La validation d’une procédure d’enquête administrative rigoureuse
A. L’inopérance des vices affectant la consultation des fichiers de police
Le requérant soutient que la consultation du système de traitement des antécédents judiciaires a été effectuée par un agent dépourvu de l’habilitation individuelle et régulière requise. La cour administrative d’appel de Lyon écarte ce moyen en considérant que cette circonstance, « si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l’accès à ces traitements, n’est pas, par elle-même, de nature à entacher d’irrégularité la décision ».
Le juge administratif distingue ainsi les règles régissant l’accès aux fichiers sensibles de la légalité intrinsèque de la décision administrative prise sur le fondement des informations recueillies. Cette solution renforce l’efficacité de l’action de l’autorité de police dont la mission préventive ne saurait être paralysée par des manquements formels aux règles de consultation. L’enquête administrative prime ici sur les modalités techniques de vérification des antécédents, dès lors que la matérialité des faits invoqués n’est pas sérieusement contestée.
B. L’autonomie du contrôle administratif face aux inscriptions au casier judiciaire
La décision de refus s’appuie sur des faits de travail dissimulé pour lesquels le requérant a subi une condamnation pénale à une peine d’emprisonnement avec sursis. Le juge administratif rappelle que l’autorité compétente apprécie si le comportement est « contraire à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens ». Cette évaluation s’effectue indépendamment de la mention de la condamnation au bulletin numéro deux du casier judiciaire de l’intéressé.
L’absence d’inscription ou l’effacement ultérieur de la peine demeure « sans incidence » sur l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’administration chargée de la sécurité publique. Cette autonomie permet de protéger les secteurs sensibles de personnes dont les agissements passés révèlent une incompatibilité manifeste avec les exigences de probité. L’enquête administrative dispose donc d’une portée plus large que le simple contrôle des condamnations pénales définitives figurant dans les fichiers judiciaires classiques.
II. Une appréciation stricte de la compatibilité comportementale
A. La persistance du risque professionnel malgré l’écoulement du temps
L’administration a relevé que le requérant avait commis des faits de travail dissimulé et d’emploi de personnel non habilité sur une période continue de quatre années. Bien que ces agissements soient présentés par l’intéressé comme étant « d’une relative ancienneté », la juridiction estime qu’ils traduisent la persistance délibérée d’un comportement frauduleux grave. La dissimulation d’emplois salariés a d’ailleurs causé un préjudice financier considérable de plusieurs centaines de milliers d’euros à l’organisme de recouvrement des cotisations sociales.
La cour administrative d’appel de Lyon juge que la répétition de ces actes révèle une méconnaissance profonde des obligations légales incombant à un professionnel de la sécurité. « La commission nationale d’agrément et de contrôle a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, estimer que les agissements révélaient un comportement contraire à l’honneur et à la probité ». L’écoulement d’un délai de plusieurs années depuis le dernier fait fautif ne suffit pas à effacer le risque de réitération pour une telle fonction.
B. Le caractère inopérant des considérations tenant à la situation personnelle
Le requérant invoque les conséquences sociales de ce refus, mentionnant notamment son licenciement et les difficultés familiales qui découlent de la perte de son emploi. La juridiction écarte systématiquement ces arguments en précisant que les difficultés personnelles sont « sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ». Le juge privilégie la sauvegarde de l’ordre public et la moralisation du secteur de la sécurité privée sur les intérêts individuels du travailleur.
Le caractère proportionné de la mesure est validé par le juge au regard de la nature particulièrement sensible des activités de surveillance et de gardiennage concernées. Même l’obtention préalable d’une autorisation pour suivre une formation professionnelle ne saurait constituer un droit acquis au renouvellement ultérieur de la carte professionnelle. La rigueur de cette solution illustre la volonté de garantir que seuls des agents d’une probité irréprochable puissent exercer des missions de protection des biens et des personnes.