La cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 3 avril 2025, une décision relative au régime contentieux des mesures d’éloignement des ressortissants étrangers. Un ressortissant de nationalité algérienne a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire sans délai, assortie d’une interdiction de retour et d’une assignation à résidence. Le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions le 10 décembre 2024 en retenant le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’acte contesté. L’administration a alors interjeté appel afin d’obtenir l’annulation de ce jugement et le rejet des conclusions initiales présentées par le conseil du requérant. La juridiction d’appel doit déterminer si la signature d’un acte distinct par le préfet suffit à écarter l’existence d’un empêchement justifiant une délégation. Elle doit également se prononcer sur la proportionnalité de la mesure d’éloignement au regard de l’insertion sociale et du comportement frauduleux de l’intéressé. La cour censure le raisonnement des premiers juges en validant la compétence du signataire avant de rejeter l’ensemble des moyens de légalité interne.
I. La validité du pouvoir de signature de l’autorité administrative
A. Le rejet d’une preuve indiciaire de l’absence d’empêchement du délégant
La cour administrative d’appel de Lyon précise les conditions de preuve relatives à l’indisponibilité du délégant lors de l’exercice d’une compétence par délégation. Le tribunal administratif de Grenoble avait estimé que la signature d’un acte concomitant par le préfet démontrait l’absence d’un empêchement réel du délégant. La juridiction d’appel infirme cette analyse en considérant que « la seule circonstance que le préfet aurait signé le 22 novembre 2024 un autre arrêté sans lien » est insuffisante. Elle rappelle que l’indisponibilité s’apprécie au moment précis de la signature de l’acte en litige et non sur l’ensemble d’une journée administrative. Aucun élément probant ne permettait en l’espèce de remettre en cause la réalité de l’empêchement temporaire justifiant le recours à la délégation. Cette solution préserve l’efficacité de l’action préfectorale en évitant une exigence de preuve diabolique quant à l’emploi du temps précis de l’autorité préfectorale.
B. La présomption de régularité des actes de délégation et de leur publicité
Le juge d’appel rejette les critiques relatives au formalisme de l’arrêté de délégation de signature ainsi qu’aux modalités techniques de la signature électronique employée. Le requérant soutenait que l’absence de reproduction de la signature manuscrite sur la version publiée de la délégation de signature entachait l’acte d’une irrégularité. La cour écarte ce moyen en précisant que « l’indication ‘signé’, qui établit l’existence d’une signature effective, est sans portée utile sur la légalité de la délégation ». Elle confirme également que la signature électronique de l’arrêté d’éloignement est présumée régulière dès lors qu’aucun élément ne démontre une discordance avec son auteur. Les vices de forme invoqués par voie d’exception contre l’acte réglementaire de délégation sont jugés inopérants puisque celui-ci était déjà devenu définitif. L’administration peut donc valablement se fonder sur une délégation régulièrement publiée pour justifier la compétence de ses agents subordonnés lors de l’édiction.
II. La validation des mesures d’éloignement face au comportement frauduleux
A. La prédominance de l’ordre public sur l’insertion professionnelle précaire
La cour administrative d’appel de Lyon examine ensuite la légalité interne de l’obligation de quitter le territoire français au regard de la vie privée. L’intéressé invoquait une présence de quatre années sur le territoire national ainsi qu’une activité professionnelle régulière pour contester la mesure prise à son encontre. La juridiction souligne toutefois que ces activités ont été exercées « sous couvert de faux papiers » d’identité, ce qui altère la valeur de l’insertion. Elle relève que le requérant est célibataire et sans enfant, ne disposant que d’attaches familiales très limitées sur le sol français à l’exception d’une tante. Le préfet n’a donc pas porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale défini par la convention européenne de sauvegarde. L’usage de documents frauduleux constitue un élément déterminant dans l’appréciation du comportement de l’étranger et justifie la priorité donnée aux impératifs de l’éloignement.
B. La licéité des mesures d’exécution garantissant l’effectivité du départ
Le juge d’appel valide enfin les décisions accessoires relatives au refus de délai de départ volontaire, à l’interdiction de retour et à l’assignation à résidence. La cour confirme l’existence d’un risque de fuite caractérisé par l’entrée irrégulière sur le territoire et l’utilisation persistante de fausses identités par l’intéressé. Elle précise que « la circonstance que l’intéressé justifierait de garanties de représentation est sans incidence utile » dès lors que le motif de fuite est établi. L’assignation à résidence est jugée proportionnée, y compris l’obligation de pointage bihebdomadaire, car elle répond à la nécessité de maintenir l’étranger à disposition. La cour écarte également le moyen tiré de la concomitance des signatures entre l’obligation de quitter le territoire et la mesure d’assignation à résidence. Elle considère que ces décisions peuvent être signées simultanément dès lors qu’elles ne produisent leurs effets juridiques que de manière successive et ordonnée.