Cour d’appel administrative de Lyon, le 30 avril 2025, n°24LY02480

Un formateur exerçant à titre individuel et dont l’activité relevait de la formation professionnelle continue a vu son chiffre d’affaires dépasser les seuils du régime de la franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée. L’administration fiscale a par conséquent procédé à un redressement en lui réclamant le paiement de cette taxe pour la période concernée. Le contribuable a contesté cette imposition en soutenant que son activité devait être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée. Saisi du litige, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 28 juin 2024, rejeté sa demande. Le requérant a alors interjeté appel de cette décision. Il faisait valoir principalement que la condition d’obtention d’une attestation administrative spécifique pour bénéficier de l’exonération, prévue par le droit français, était incompatible avec les objectifs de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. Il estimait également que sa déclaration d’activité de formateur aurait dû suffire à justifier l’exonération.

Par un arrêt du 30 avril 2025, la cour administrative d’appel rejette la requête. Elle juge que l’exigence d’une attestation pour reconnaître un organisme de formation comme ayant des fins comparables à celles d’un organisme de droit public est une condition de mise en œuvre adéquate et proportionnée du droit de l’Union européenne, qui laisse une marge d’appréciation aux États membres pour assurer l’application correcte de l’exonération et prévenir la fraude. La cour souligne en outre que cette attestation est une formalité distincte de la simple déclaration d’activité et qu’en l’absence de demande d’attestation par le requérant, celui-ci ne peut prétendre au bénéfice de l’exonération. La subordination de l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée pour des prestations de formation professionnelle continue à l’obtention d’une attestation administrative spécifique constitue-t-elle une condition de transposition valable du droit de l’Union européenne ? La juridiction administrative d’appel répond par l’affirmative, considérant cette exigence comme une modalité légitime du pouvoir d’appréciation reconnu aux États membres.

La solution retenue par les juges d’appel s’articule autour d’une validation des conditions nationales de l’exonération au regard des objectifs fixés par le droit de l’Union européenne (I), ce qui conduit à une application rigoureuse des formalités administratives opposées au contribuable (II).

I. La validation de la condition d’attestation au regard du droit de l’Union

La cour administrative d’appel confirme la compatibilité du dispositif national avec la directive européenne en écartant l’argument d’une méconnaissance de ses dispositions (A), pour ensuite justifier la pertinence de l’exigence d’une attestation comme un outil de contrôle proportionné (B).

A. L’absence de contrariété avec les dispositions de la directive

Le requérant soutenait que le droit interne, en imposant une démarche formelle pour bénéficier d’une exonération, créait un régime d’option fiscale non prévu par l’article 137 de la directive 2006/112/CE. Cette disposition énumère de façon limitative les cas dans lesquels les États membres peuvent accorder à leurs assujettis un droit d’opter pour la taxation. Toutefois, la cour écarte ce raisonnement en se fondant sur une lecture combinée des articles 131 et 132 de la même directive. Elle rappelle que si l’article 132 prévoit bien une exonération pour la formation professionnelle, l’article 131 précise que cette exonération s’applique « dans les conditions que les Etats membres fixent en vue d’assurer son application correcte et simple (…) et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels ». C’est sur ce fondement que la France a légitimement pu instaurer un mécanisme de reconnaissance des organismes privés.

L’analyse des juges d’appel s’inscrit dans une approche pragmatique du pouvoir de transposition des États membres. Plutôt que de voir dans le mécanisme de l’attestation une option déguisée, la cour y voit l’exercice d’une prérogative conférée par la directive elle-même. La finalité de la formalité n’est pas d’offrir un choix à l’assujetti, mais bien de permettre à l’administration de vérifier que les conditions de fond pour l’exonération sont remplies. La solution est ainsi conforme à l’esprit du système commun de TVA, qui cherche un équilibre entre l’harmonisation des règles et l’autonomie des États dans leur mise en œuvre administrative.

B. La reconnaissance d’un pouvoir d’appréciation proportionné de l’État membre

La cour précise que le mécanisme de l’attestation vise à s’assurer qu’un organisme privé poursuit des « fins comparables » à celles d’un organisme de droit public, condition posée par l’article 132, paragraphe 1, point i), de la directive. En ce sens, les dispositions nationales « se sont bornées à définir, de façon adéquate, pertinente et proportionnée à l’objectif de la directive du 28 novembre 2006, les conditions permettant de justifier qu’un organisme de formation professionnelle continue puisse être reconnu ». Ce faisant, la cour valide le choix du législateur français d’utiliser la procédure d’attestation comme un filtre permettant d’identifier les seuls prestataires éligibles.

Les critères retenus pour la délivrance de cette attestation, tels que la déclaration préalable d’activité et la production d’un bilan pédagogique et financier annuel, sont considérés comme des garanties nécessaires. Ils permettent à l’administration de s’assurer que l’activité déclarée correspond effectivement à de la formation professionnelle continue et non à d’autres types de prestations de services qui, elles, resteraient taxables. La cour souligne ainsi que le dispositif national ne dépasse pas les limites du pouvoir d’appréciation laissé aux États membres, respectant le principe de neutralité fiscale tout en prévenant les risques d’abus.

II. L’application rigoureuse des formalités administratives à la charge du contribuable

La décision tire les conséquences de sa validation du dispositif français en appliquant strictement la distinction entre les différentes formalités déclaratives (A), ce qui prive le contribuable du bénéfice de l’exonération en raison du non-respect de ses obligations (B).

A. La distinction formelle entre déclaration d’activité et demande d’attestation

Le requérant tentait d’établir une équivalence entre sa déclaration d’activité en tant que formateur et l’attestation requise pour l’exonération de TVA. La cour rejette fermement cette assimilation, en relevant que « la déclaration d’activité par toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle continue et l’attestation reconnaissant qu’un prestataire remplit les conditions fixées pour exercer son activité dans le cadre de la formation professionnelle continue sont distinctes ». La première est une obligation relevant du code du travail, permettant à l’autorité administrative de recenser les prestataires, tandis que la seconde est une démarche fiscale volontaire visant l’obtention d’un avantage spécifique.

Cette distinction est fondamentale car elle reflète la séparation des logiques administrative et fiscale. La déclaration d’activité est une condition préalable mais non suffisante. En outre, les juges notent qu’en l’espèce, il n’était même « pas de l’instruction qu’il aurait procédé à une déclaration d’activité auprès des services du préfet de région ». Cette précision, bien qu’accessoire, souligne les défaillances du requérant dans l’accomplissement de ses obligations les plus élémentaires. De même, l’avis prétendument favorable émis par une autorité administrative est jugé sans incidence, car une telle prise de position informelle ne saurait se substituer à la procédure officielle.

B. Le défaut d’accomplissement des diligences comme obstacle à l’exonération

En conséquence de ce qui précède, la conclusion de la cour est inéluctable. Le fait que le contribuable « n’a pas procédé au dépôt d’une demande d’attestation » suffit à lui seul à écarter le bénéfice de l’exonération. La charge de la preuve et l’initiative de la demande pèsent entièrement sur l’assujetti qui souhaite bénéficier d’un régime dérogatoire. L’exonération n’est pas un droit automatique découlant de la nature de l’activité, mais le résultat d’une démarche active auprès de l’administration compétente. Cette solution, bien que sévère pour le contribuable, est une illustration classique du principe selon lequel les avantages fiscaux sont d’interprétation stricte.

L’arrêt réaffirme ainsi le principe de sécurité juridique, qui protège le contribuable mais lui impose également une certaine diligence. En ne sollicitant pas l’attestation prévue par les textes, le formateur a pris le risque de voir son activité soumise au régime de droit commun de la TVA, surtout après avoir dépassé les limites de la franchise en base. La décision rappelle que nul ne peut se prévaloir de sa propre négligence pour échapper à ses obligations fiscales. La solution adoptée, bien que reposant sur une question de pure forme, trouve sa justification dans la nécessité d’assurer une application uniforme et contrôlée de la loi fiscale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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