Cour d’appel administrative de Lyon, le 30 avril 2025, n°25LY00118

La Cour administrative d’appel de Lyon, par un arrêt rendu le 30 avril 2025, se prononce sur une demande d’exécution d’une précédente décision juridictionnelle. Un ressortissant étranger avait initialement contesté un refus de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français devant le tribunal administratif de Grenoble. Par un jugement du 24 février 2023, la juridiction de premier ressort avait annulé les décisions préfectorales et enjoint la délivrance d’un titre de séjour. Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Lyon a réformé ce jugement le 13 mars 2024. Elle a substitué à l’injonction de délivrance une obligation de réexamen après consultation de la commission du titre de séjour. Le requérant a toutefois saisi la cour d’une demande d’exécution le 22 juillet 2024 en invoquant l’inertie de l’administration.

Le litige repose sur la capacité du juge administratif à contraindre l’autorité publique à respecter ses précédentes injonctions. Le requérant soutient que l’administration n’a procédé ni à sa convocation devant la commission, ni au réexamen effectif de sa situation. La question de droit porte sur les conditions dans lesquelles le juge de l’exécution peut constater la méconnaissance d’un arrêt et prononcer des mesures de coercition financière. La Cour administrative d’appel de Lyon confirme ici l’inexécution de son propre arrêt et assortit ses nouvelles injonctions d’une astreinte journalière.

I. La caractérisation souveraine d’une défaillance dans l’exécution de la chose jugée

A. L’étendue de l’obligation de réexamen issue de la décision initiale

L’arrêt du 13 mars 2024 imposait à l’autorité préfectorale une obligation de faire précise consistant à réexaminer la demande de titre de séjour. Cette mesure d’exécution impliquait nécessairement la saisine préalable de la commission du titre de séjour dans un délai de trois mois. La cour rappelle que « l’exécution de l’arrêt n° 23LY01221 susvisé comportait l’obligation pour la préfète de l’Isère de saisir la commission du titre de séjour ». Cette étape procédurale constitue une garantie essentielle pour le requérant dont la situation familiale et privée doit être appréciée. L’autorité de chose jugée s’attache non seulement au dispositif de l’arrêt, mais également aux motifs qui en sont le soutien nécessaire. L’administration ne disposait donc d’aucune marge d’appréciation quant à l’opportunité de consulter cet organisme consultatif avant de statuer à nouveau.

B. Le constat d’une inertie persistante de l’autorité préfectorale

Le juge de l’exécution constate le défaut d’accomplissement des diligences prescrites malgré le temps écoulé depuis la notification de la décision initiale. Le requérant a produit des éléments probants, notamment un courrier adressé au service compétent resté sans réponse. La cour relève que l’intéressé n’a pas été convoqué devant la commission et que sa demande n’a pas fait l’objet d’un nouveau traitement. L’absence de toute contestation ou production de la part de l’administration durant l’instance d’exécution conforte le juge dans son constat. En l’espèce, « dans ces conditions, en l’absence d’exécution de l’arrêt, il y a lieu d’enjoindre à la préfète de l’Isère de saisir la commission ». Ce silence administratif prolongé caractérise une méconnaissance manifeste de l’obligation de célérité inhérente à l’exécution des décisions de justice.

II. La mise en œuvre de la contrainte juridictionnelle pour garantir l’effectivité du droit

A. Le renouvellement des injonctions de procédure et de délivrance de titre

Face à l’inexécution constatée, le juge fait usage des pouvoirs qu’il tire de l’article L. 911-4 du code de justice administrative. Il réitère l’injonction de saisir la commission compétente pour examiner la situation particulière du ressortissant étranger. Parallèlement, la cour ordonne la délivrance d’une nouvelle autorisation provisoire de séjour pour garantir la régularité de sa présence durant l’instruction. Cette mesure accessoire est indispensable pour préserver les droits du requérant dans l’attente de la décision administrative définitive. Le juge précise que cette attestation doit autoriser l’intéressé à travailler conformément aux nécessités de sa vie privée et familiale. La juridiction assure ainsi une protection intérimaire effective tout en restaurant le cadre légal de l’examen de la demande.

B. L’usage de l’astreinte comme instrument de coercition nécessaire

Pour vaincre la résistance de l’administration, la cour assortit ses injonctions d’une astreinte financière de cinquante euros par jour de retard. Cette somme commencera à courir après un délai de deux mois suivant la notification de l’arrêt de l’exécution. Cette modulation temporelle laisse une dernière opportunité à l’autorité préfectorale pour régulariser la situation sans subir de sanction pécuniaire immédiate. La cour affirme son autorité en précisant que l’astreinte courra « jusqu’à la date à laquelle l’arrêt n° 23LY01221 du 13 mars 2024 aura reçu exécution ». Cette décision illustre la fonction régulatrice du juge administratif qui veille à ce que l’autorité de ses décisions ne reste pas théorique. La condamnation de l’État au titre des frais liés à l’instance souligne enfin la responsabilité de la puissance publique dans la prolongation indue du litige.

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Hassan KOHEN
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