En date du 30 janvier 2025, une cour administrative d’appel s’est prononcée sur les conditions d’octroi d’un titre de séjour pour raisons de santé. En l’espèce, un ressortissant guinéen a sollicité la délivrance d’un titre de séjour en argüant d’un état de santé psychique fragile. Il produisait à cet effet un certificat médical faisant état de troubles psychiatriques et d’un « risque de réactivation traumatique avec risque suicidaire en cas de retour au pays ». Se fondant sur un avis du collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), lequel estimait que l’état de santé du demandeur ne présentait pas de conséquences d’une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer le titre de séjour par un arrêté du 2 août 2022, assortissant cette décision d’une obligation de quitter le territoire français. L’intéressé a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, qui a rejeté sa demande par un jugement du 24 novembre 2023. Il a alors interjeté appel de ce jugement, soutenant notamment que le refus de séjour méconnaissait l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Se posait ainsi à la cour la question de savoir dans quelle mesure un certificat médical produit par un étranger peut utilement contester l’avis du collège de médecins de l’OFII, sur lequel se fonde l’autorité administrative pour apprécier la gravité de son état de santé. La cour administrative d’appel rejette la requête, considérant qu’une « seule affirmation évasive » d’un médecin généraliste ne suffit pas à remettre en cause l’appréciation portée par le collège spécialisé de l’OFII.
Cette décision confirme la place centrale de l’avis du collège de médecins de l’OFII dans l’appréciation de l’état de santé de l’étranger (I), tout en procédant à une application rigoureuse des critères légaux conditionnant l’octroi d’une protection (II).
I. La consécration du rôle prépondérant du collège des médecins de l’OFII
La cour administrative d’appel, par cet arrêt, établit une hiérarchie claire dans la force probante des avis médicaux. Elle minimise la valeur d’un certificat de médecine générale (A) pour mieux asseoir la présomption de pertinence qui s’attache à l’avis du collège de médecins de l’OFII (B).
A. La portée probatoire limitée du certificat médical de médecine générale
Le requérant fondait une part significative de son argumentation sur un certificat médical qui alertait sur un « risque de réactivation traumatique avec risque suicidaire en cas de retour au pays ». Or, la cour écarte cet élément en le qualifiant de « seule affirmation évasive ». Cette qualification révèle que, pour le juge administratif, un tel document ne constitue pas en soi une preuve suffisante. La formule employée suggère que le certificat manquait de développements cliniques objectifs et circonstanciés, se limitant à une assertion générale sur les risques encourus. En agissant ainsi, la cour souligne qu’un certificat médical, pour emporter la conviction du juge et remettre en cause une décision administrative, doit présenter des garanties de précision et de technicité que ne possédait manifestement pas le document en l’espèce. Le caractère non spécialisé du médecin rédacteur a implicitement pesé dans l’appréciation de la juridiction.
B. La présomption de pertinence attachée à l’avis du collège spécialisé
Face à ce certificat jugé insuffisant, la cour oppose l’avis du collège de médecins de l’OFII du 20 mai 2022. Cet avis, selon lequel l’état de santé du requérant « ne devrait pas entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité », est au cœur du raisonnement du juge. La cour précise que cet avis a été rendu alors que le collège avait connaissance du certificat produit par l’intéressé. Elle en déduit que l’appréciation du collège, organe prévu par l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’emporte sur celle d’un médecin généraliste. Cette solution confère une véritable présomption de pertinence à l’avis de l’OFII, dont les membres sont des médecins spécialisés et outillés pour évaluer la situation au regard des critères légaux. La décision administrative prise par le préfet, qui « s’est approprié le sens de l’avis », se trouve par conséquent confortée dans sa légalité.
L’arrêt ne se contente pas de valider la méthode d’évaluation de l’administration ; il en tire des conséquences directes sur le contrôle opéré par le juge et sur la charge de la preuve, révélant une approche stricte de la protection due à l’étranger malade.
II. Une appréciation rigoureuse des conditions d’octroi de la protection médicale
En validant l’analyse de l’administration, la cour administrative d’appel confirme une interprétation stricte des dispositions légales. Cela se traduit par un contrôle restreint du juge sur l’évaluation médicale (A) et par le maintien d’un fardeau probatoire important pour le demandeur (B).
A. Le contrôle restreint du juge sur l’évaluation de la gravité de l’état de santé
La cour refuse explicitement de procéder à une « mesure d’instruction complémentaire », considérant que les pièces du dossier sont suffisantes pour trancher le litige. Cette posture illustre les limites du contrôle du juge administratif en matière médicale. Celui-ci ne se substitue pas à l’expertise du collège de l’OFII pour déterminer si l’état de santé d’un étranger peut entraîner des conséquences d’une « exceptionnelle gravité ». Sauf erreur manifeste d’appréciation, que le requérant n’a pas réussi à démontrer, le juge s’en remet à l’évaluation de l’instance spécialisée. Cette retenue jurisprudentielle garantit la cohérence du dispositif en laissant l’appréciation médicale à l’organe compétent, mais elle place le requérant dans une position délicate pour contester utilement un avis qui lui est défavorable.
B. Le fardeau de la preuve pesant sur le demandeur étranger
La conséquence de cette approche est de faire peser sur l’étranger un fardeau de la preuve particulièrement lourd. La cour relève que le certificat n’est pas de nature à remettre en cause l’avis du collège « en l’absence de tout autre élément ». Il en ressort que pour espérer obtenir gain de cause, le requérant aurait dû produire des éléments complémentaires, plus étayés ou émanant de spécialistes, susceptibles de créer un doute sérieux sur la pertinence de l’avis de l’OFII. De même, la cour écarte les allégations relatives à l’indisponibilité du traitement en Guinée, au motif que la condition première, celle de l’exceptionnelle gravité, n’est pas remplie. La décision confirme ainsi une application séquentielle et rigoureuse des critères de l’article L. 425-9, imposant au demandeur de franchir chaque étape probatoire pour bénéficier de la protection.