La Cour administrative d’appel de Lyon, par une décision du 30 janvier 2025, apporte des précisions sur le régime de l’exécution des jugements administratifs. Cette affaire concerne deux ressortissants étrangers ayant obtenu l’annulation de mesures d’éloignement devant les premiers juges en raison d’un vice de procédure. Le tribunal administratif de Grenoble, le 17 mai 2023, avait enjoint à l’administration de réexaminer leur situation personnelle et de délivrer des autorisations de séjour. Malgré la confirmation de cette solution en appel le 16 mai 2024, le représentant de l’État s’est abstenu de mettre en œuvre les mesures ordonnées. Cette situation pose la question de l’étendue des pouvoirs du juge de l’exécution face à une inertie prolongée de la part de la puissance publique. La juridiction décide alors de renforcer l’injonction initiale par le prononcé d’une astreinte financière afin de garantir la pleine effectivité du droit au recours. L’analyse de cette décision permet d’étudier la réitération des obligations administratives avant d’examiner les modalités de la contrainte exercée par le juge.
I. La réitération des obligations pesant sur l’administration
A. Le rappel des limites du pouvoir du juge de l’exécution
Le juge souligne que « lorsque la décision faisant l’objet de la demande d’exécution prescrit déjà les mesures qu’elle implique nécessairement », son rôle est d’actualiser l’injonction. Cette compétence est toutefois limitée par l’interdiction de « remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites » par la juridiction saisie au fond. En outre, le magistrat doit scrupuleusement respecter « l’autorité qui s’attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif » de la décision à exécuter. Ces principes garantissent que la procédure d’exécution ne devienne pas une occasion de modifier indûment le sens du jugement devenu définitif. La juridiction s’assure ainsi que le débat contentieux ne soit pas rouvert sur des points déjà tranchés par l’autorité de la chose jugée. Le cadre de l’exécution demeure donc strictement tributaire de la solution juridictionnelle acquise lors de la phase de jugement précédente.
B. Le constat de l’inexécution fautive par la puissance publique
La Cour observe qu’à la date de sa décision, le représentant de l’État n’a toujours pas procédé au réexamen de la situation des requérants. Ce manquement est d’autant plus manifeste que le délai d’un mois fixé par le tribunal administratif de Grenoble était expiré depuis plusieurs mois. Le juge note avec sévérité que l’administration « n’a pas pris toutes les mesures propres à l’exécution » du jugement rendu initialement en faveur des étrangers. Cette carence constitue une atteinte directe à l’efficacité de la justice administrative et place les administrés dans une situation d’insécurité juridique prolongée. Dès lors, le constat de l’inexécution ouvre la voie à l’utilisation des pouvoirs de contrainte dont dispose le juge pour faire respecter ses arrêts. L’inaction persistante de la puissance publique conduit nécessairement la juridiction à mobiliser des outils juridiques plus incitatifs pour assurer le respect de la légalité.
II. Le renforcement de l’injonction par le prononcé d’une astreinte
A. Le mécanisme de complément d’injonction de l’article L. 911-4
La juridiction s’appuie sur les dispositions combinées des articles L. 911-2 et L. 911-4 pour pallier les insuffisances du comportement de l’autorité administrative. Elle estime qu’il y a lieu de « compléter l’injonction de réexamen prononcée sur le fondement de l’article L. 911-2 du code de justice administrative ». Cette démarche permet d’ajouter une pression financière à l’obligation de faire qui pesait déjà sur les services de l’État depuis la première instance. Le juge dispose ainsi d’une marge de manœuvre pour adapter la réponse juridictionnelle à la résistance rencontrée lors de la phase d’exécution. Par ailleurs, cette faculté de complément démontre la souplesse de l’office du juge administratif lorsqu’il s’agit de surmonter un refus d’exécution prolongé. La décision vient ainsi confirmer que le pouvoir de prescription ne s’épuise pas tant que la décision initiale n’a pas reçu d’application effective.
B. L’astreinte comme garantie de l’effectivité de la protection juridictionnelle
Le juge décide d’assortir sa nouvelle prescription d’une « astreinte de 100 euros par jour » jusqu’à la date effective de la réalisation du réexamen. Ce montant significatif illustre la volonté de la Cour de sanctionner l’inertie administrative et de provoquer une réaction rapide des services préfectoraux. Le délai de grâce d’un mois accordé à l’administration constitue une ultime chance de régulariser la situation avant le déclenchement des pénalités financières. Cette mesure de contrainte vise à transformer une obligation théorique en une réalité concrète pour les bénéficiaires de l’annulation contentieuse. En agissant de la sorte, le juge de l’exécution remplit sa mission constitutionnelle de garantie de l’effectivité des décisions de justice administrative. La solution retenue rappelle que la puissance publique ne saurait s’affranchir durablement des injonctions prononcées par les tribunaux sans s’exposer à des sanctions.