La Cour administrative d’appel de Lyon, par son arrêt du 4 avril 2025, se prononce sur le refus de renouvellement de l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique. Une société spécialisée a sollicité le renouvellement de l’homologation d’un herbicide contenant du glyphosate après l’adoption d’un nouveau règlement d’exécution de l’Union européenne. L’autorité nationale de sécurité sanitaire a opposé un refus au motif que l’étude de micronoyau fournie par l’exploitant était entachée d’incohérences techniques manifestes.
Le tribunal administratif de Lyon, par son jugement du 7 juin 2022, a rejeté la demande d’annulation de cette décision ainsi que les conclusions d’injonction. La société requérante a alors interjeté appel devant la juridiction supérieure, invoquant notamment une méconnaissance des règles d’évaluation et une insuffisance de motivation. La juridiction d’appel devait déterminer si l’administration peut légalement écarter une étude scientifique en raison d’une variabilité excessive des données historiques de contrôle. Elle devait également préciser si des preuves scientifiques postérieures à la décision contestée pouvaient influer sur le contrôle de légalité exercé par le juge administratif.
La Cour confirme la régularité du jugement attaqué et rejette la requête au motif que l’administration dispose d’un pouvoir de contrôle de la cohérence scientifique. Elle souligne que la preuve de l’absence de nocivité incombe exclusivement au demandeur et que les études postérieures sont inopérantes en contentieux de l’excès de pouvoir. L’arrêt consacre ainsi la primauté de l’objectif de protection de la santé publique face aux incertitudes techniques relatives aux substances actives.
I. La rigueur de l’administration de la preuve scientifique en matière de sécurité sanitaire
A. La présomption de risque résultant de l’invalidité technique des études
L’article 29 du règlement européen n° 1107/2009 impose au demandeur de démontrer que le produit « n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine ». La charge de la preuve repose ainsi sur l’opérateur économique, lequel doit soumettre des analyses répondant aux exigences techniques et scientifiques les plus actuelles. L’autorité nationale a estimé que les tests fournis ne permettaient pas d’exclure un risque génotoxique en raison d’un recoupement anormal des valeurs de contrôle.
La Cour valide cette approche en rappelant que le respect des exigences de sécurité est assuré par des « essais et des analyses officiellement reconnus ». L’impossibilité d’utiliser les contrôles historiques rend l’étude non acceptable, car elle ne permet pas de garantir la fiabilité des conclusions sur l’absence de génotoxicité. Le doute scientifique profite ainsi à la protection de la santé animale et humaine, conformément aux objectifs du droit de l’Union européenne.
B. L’indifférence des données scientifiques acquises postérieurement à la décision
La société appelante invoquait une étude réalisée en 2020 pour démontrer l’innocuité de son produit et contester la légalité du refus de l’agence. Les juges rappellent toutefois qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir de se déterminer au regard des données disponibles « à la date à laquelle celui-ci a été pris ». Cette solution classique écarte les études scientifiques postérieures, car elles sont « sans incidence sur la légalité de l’acte contesté » au moment de son édiction.
Une telle rigueur temporelle assure la stabilité des décisions administratives tout en réservant la possibilité pour l’administré de déposer ultérieurement une nouvelle demande d’autorisation. La Cour administrative d’appel de Lyon maintient ainsi une distinction nette entre le contrôle de la légalité externe et l’évolution constante des connaissances techniques. Le juge n’a pas vocation à substituer son appréciation de données nouvelles à celle portée par l’expert technique lors de l’examen initial.
II. L’autonomie de l’expertise technique au service de la protection de la santé publique
A. Le rejet d’une extension des garanties procédurales lors du renouvellement
Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire lors de l’évaluation technique est rejeté par la juridiction administrative d’appel de Lyon. Elle précise que les dispositions relatives au renouvellement des autorisations ne créent pas d’obligation pour l’autorité de solliciter des observations préalables ou des compléments. Le cadre juridique défini à l’article 43 du règlement européen n’impose aucun dialogue technique supplémentaire une fois le dossier de demande officiellement déposé.
Le principe de sécurité juridique est également jugé inopérant, car la décision initiale d’autorisation est « par principe et eu égard à son caractère temporaire, non créatrice de droit ». L’administration peut donc modifier son niveau d’exigence scientifique sans méconnaître les intérêts financiers de l’exploitant du produit phytopharmaceutique. La stabilité contractuelle ou économique s’efface ici devant la nécessité d’adapter l’évaluation des risques aux méthodes de contrôle les plus rigoureuses.
B. La légitimité d’une méthode nationale d’analyse de la variabilité des données
L’agence nationale a usé de son pouvoir de contrôle pour déduire « de la variabilité des contrôles positifs et négatifs du test l’insuffisance de la méthode mise en œuvre ». Cette analyse technique souveraine s’inscrit dans les principes des lignes directrices de l’organisation de coopération et de développement économiques applicables aux essais chimiques. L’administration n’a pas ajouté de critère nouveau, mais a simplement vérifié la cohérence interne des résultats produits par le laboratoire privé.
La Cour admet ainsi que l’autorité compétente puisse appliquer une « approche conservatrice » même si d’autres experts européens ont une lecture différente des mêmes référentiels. La circonstance que d’autres États membres aient validé le test n’entache pas d’illégalité l’exigence supérieure formulée par l’autorité de sécurité sanitaire nationale. L’autonomie de l’expert national est réaffirmée comme un outil essentiel pour garantir que les produits mis sur le marché ne présentent aucun danger.