La cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 5 juin 2025, un arrêt relatif aux modalités de nomination des enseignants au sein des établissements privés. L’autorité académique avait désigné une enseignante pour pourvoir un poste vacant, conformément à la proposition formulée par le chef d’un établissement sous contrat. Un syndicat professionnel a toutefois contesté cette décision en soutenant que le choix opéré méconnaissait l’ordre de priorité établi par la commission mixte. Le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à cette demande en annulant l’acte de nomination pour défaut de motivation du refus des autres candidats. L’enseignante évincée et le directeur de l’école ont alors saisi la juridiction d’appel afin d’obtenir l’annulation de ce jugement de première instance. La question posée aux juges consistait à déterminer si le choix d’un candidat moins bien classé imposait une motivation formelle de la part du directeur. La cour administrative d’appel confirme la solution des premiers juges en affirmant l’obligation de justifier l’éviction des candidats disposant d’une priorité statutaire supérieure.
I. L’exigence de motivation des refus de candidatures prioritaires
A. L’assimilation du choix d’un candidat moins bien classé à un refus
Le code de l’éducation organise la procédure de mutation des maîtres titulaires d’un contrat définitif selon un ordre de priorité précis et contraignant. L’autorité académique soumet les candidatures à une commission consultative mixte avant de notifier aux chefs d’établissement les noms qu’elle se propose de retenir. La juridiction précise que lorsqu’un dirigeant choisit une candidature en dérogeant à ce classement, il « doit être regardé comme ayant refusé chacune des candidatures mieux classées ». Cette interprétation téléologique des textes garantit le respect des droits des agents titulaires souhaitant exercer leur droit à la mobilité géographique ou professionnelle. Le consentement donné à un candidat de rang inférieur manifeste ainsi nécessairement une opposition aux postulants bénéficiant d’une ancienneté ou d’une priorité supérieure.
B. L’obligation de motivation écrite soumise au contrôle de légalité
L’article R. 914-77 du code de l’éducation impose que la décision par laquelle le chef d’établissement refuse des candidatures soumises soit expressément motivée. La cour souligne que ce refus successif doit faire « l’objet d’une motivation écrite soumise à l’appréciation de l’autorité académique » pour être juridiquement régulier. Cette exigence permet au recteur d’apprécier le caractère légitime du motif opposé par l’établissement pour écarter un maître normalement prioritaire sur le poste. Le juge administratif exerce ainsi un contrôle sur la réalité et la pertinence des raisons invoquées pour justifier une dérogation aux règles générales de mutation. L’absence de justification formelle empêche l’administration de s’assurer que le choix n’est pas dicté par des considérations étrangères à l’intérêt du service.
II. Les conséquences du défaut de motivation sur la validité de la nomination
A. L’illégalité de l’acte de nomination pris par l’autorité académique
Le défaut de motivation écrite vicie l’ensemble de la procédure de nomination, même si l’administration académique a finalement entériné le choix du chef d’établissement. En l’espèce, le directeur avait retenu une personne figurant au quatrième rang de la liste sans expliquer pourquoi les trois premiers candidats étaient écartés. La cour juge que l’autorité académique « ne pouvait, sans méconnaître les dispositions » réglementaires, procéder à une nomination fondée sur une proposition dépourvue de motifs légitimes. Ni l’établissement ultérieur d’un classement, ni la production tardive d’un avis élogieux sur la candidate retenue ne sauraient pallier l’absence initiale de motivation. Cette sanction rappelle que le pouvoir de proposition du chef d’établissement privé reste encadré par des règles strictes destinées à protéger l’égalité entre enseignants.
B. Le maintien de l’effet rétroactif de l’annulation contentieuse
L’annulation d’un acte administratif entraîne normalement sa disparition rétroactive, ce qui peut perturber l’organisation des services d’enseignement au cours d’une année scolaire déjà entamée. Les requérants sollicitaient une modulation des effets du jugement afin de préserver la situation de l’enseignante nommée sur le poste depuis la rentrée précédente. Le juge estime toutefois qu’une telle dérogation au principe de rétroactivité n’est pas justifiée au regard des conséquences excessives ou de l’intérêt général. L’arrêt rejette cette demande en considérant que les inconvénients pour la partie privée ne l’emportent pas sur la nécessité de rétablir la légalité républicaine. La cour enjoint alors à l’administration de reprendre la procédure de mutation pour le poste concerné en respectant scrupuleusement les exigences de motivation requises.