Cour d’appel administrative de Lyon, le 6 février 2025, n°24LY02868

Le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon a rendu, le 6 février 2025, une ordonnance rejetant une demande d’expertise et de provision. La requérante, opérée en juin 2022 pour un canal carpien, souffre d’un déficit moteur complet consécutif à un syndrome algo-neuro-dystrophique particulièrement invalidant. Une première expertise médicale avait conclu que les soins étaient conformes et imputait la paralysie à une reprise d’une pathologie mammaire traitée en 2017. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de contre-expertise par une ordonnance du 30 septembre 2024 sans mener d’instruction contradictoire préalable. L’appelante critique cette absence de débat et invoque une divergence d’analyse médicale entre l’expert judiciaire et son médecin traitant sur l’origine du mal. Le juge doit alors apprécier si une nouvelle mesure d’instruction présente un caractère utile et si une provision peut être légitimement accordée à la victime. La juridiction d’appel confirme la décision de premier ressort en estimant que l’utilité de la mesure sollicitée n’est pas démontrée par les pièces versées. L’examen se portera sur le rejet motivé de la mesure d’expertise avant d’analyser le refus de provision fondé sur l’absence de créance certaine.

**I. Le maintien du refus d’ordonner une expertise supplémentaire**

*A. La confirmation d’une procédure de rejet sans instruction contradictoire*

L’ordonnance attaquée a été rendue sur le fondement de l’article R. 611-8 du code de justice administrative permettant d’écarter les requêtes sans instruction préalable. Le texte prévoit que « lorsqu’il apparaît au vu de la requête que la solution de l’affaire est d’ores et déjà certaine », le président peut décider l’absence d’instruction. Cette faculté dérogatoire permet d’écarter rapidement des demandes dont le mal-fondé est manifeste sans contraindre les autres parties à organiser une défense inutile et coûteuse. La requérante dénonçait un manque de contradictoire, mais le juge considère que les éléments du dossier permettaient de trancher le litige dès son introduction en instance.

*B. L’absence d’utilité d’une mesure d’expertise redondante*

L’article R. 532-1 du code de justice administrative subordonne toute mesure d’instruction au caractère utile de celle-ci pour le règlement d’un éventuel litige au fond. L’utilité s’apprécie selon « l’existence d’une perspective contentieuse recevable » et « l’intérêt de la mesure pour le contentieux né ou à venir » au regard des pièces produites. La simple divergence d’opinion entre l’expert judiciaire et le médecin traitant ne suffit pas à rendre indispensable la prescription d’une seconde expertise technique en référé. L’expert ayant répondu « de manière circonstanciée » aux observations contraires, la nouvelle mesure « ne présente manifestement pas un intérêt suffisant » pour être ordonnée par le juge. La confirmation du refus d’instruction conduit logiquement le juge d’appel à écarter également les conclusions tendant au versement d’une provision financière par l’établissement de santé.

**II. L’inexistence d’une obligation indemnitaire non sérieusement contestable**

*A. L’autorité renforcée des conclusions de l’expert judiciaire*

Le bénéfice d’une provision en référé suppose que « l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable » conformément aux dispositions impératives de l’article R. 541-1 du code. Le juge doit s’assurer que les éléments soumis établissent l’existence de la créance « avec un degré suffisant de certitude » pour engager la responsabilité de la puissance publique. En l’espèce, le rapport d’expertise affirme que la prise en charge fut « conforme aux données de la science » sans aucune faute imputable à l’établissement hospitalier concerné. L’évolution clinique défavorable proviendrait exclusivement d’une pathologie indépendante, ce qui fragilise considérablement la thèse d’un lien de causalité direct avec l’acte opératoire de 2022.

*B. Le renvoi de l’appréciation du fond au juge de l’indemnité*

Le juge des référés ne saurait trancher des questions de fait soulevant des difficultés sérieuses qui relèvent uniquement de la compétence souveraine du juge du principal. La créance ne peut être « manifestement pas regardée comme étant non sérieusement contestable » dès lors que les constatations techniques de l’expert exonèrent totalement le service public. La requérante conserve néanmoins la possibilité de saisir le tribunal administratif d’un recours au fond pour tenter de démontrer la responsabilité fautive de l’hôpital en cause. Le juge du fond pourra alors ordonner une nouvelle mesure d’instruction « dans l’exercice de ses pouvoirs de direction de l’instruction » s’il l’estime nécessaire au litige.

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Hassan KOHEN
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